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Un rapport émet des mises en garde sur la souveraineté numérique

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de1c20e74faab87e4fcf3152b824dc4fc04a99b8d89861c15301a0d360fe05e8.jpg Le ministre de l’Intelligence artificielle et de l’Innovation numérique, Evan Solomon, s’exprime lors de la conférence All In AI à Montréal, le jeudi 25 septembre 2025. LA PRESSE CANADIENNE/Christopher Katsarov (Christopher Katsarov | La Presse canadienne)

Un nouveau livre blanc du gouvernement sur la souveraineté numérique prévient qu'Ottawa ne peut maintenir un contrôle total sur ses données si son fournisseur de stockage de données est assujetti aux lois d'un autre pays. 

Le document précise que le gouvernement fédéral ne peut maintenir un contrôle juridique complet que s'il fournit lui-même le service ou s'il recourt à des fournisseurs de services qui opèrent entièrement sous la juridiction canadienne.

Le document, préparé pour le Conseil du Trésor, souligne que les fournisseurs doivent respecter les lois de chaque pays où ils exercent leurs activités, ce qui peut engendrer des obligations contradictoires.

Il indique que le stockage des données au Canada ou le recours à un fournisseur canadien ne garantit pas que les tribunaux étrangers n'auront pas compétence.

«La plupart des pays, y compris le Canada et les États-Unis, ont des lois qui permettent à leurs autorités de demander l'accès aux renseignements détenus par des organisations sur leur territoire», précise le document, citant la loi américaine Cloud Act à titre d'exemple.

Cette loi autorise également le gouvernement américain à demander aux entreprises américaines qui possèdent des bureaux ou des infrastructures à l'étranger de leur remettre les données qu'elles détiennent à l'étranger si cela est requis par les forces de l'ordre.

Le gouvernement libéral fédéral et le ministre de l'Intelligence artificielle, Evan Solomon, promeuvent activement le concept de souveraineté numérique. Le premier ministre Mark Carney a évoqué la possibilité de créer un «nuage souverain» au Canada.

Un nuage souverain est un environnement informatique utilisé par les entreprises pour offrir des services qui peuvent être configurés pour se conformer aux lois ou aux valeurs fondamentales d'un pays donné.

Depuis 2021, Ottawa a dépensé près de 1,3 milliard $ en services infonuagiques fournis par les entreprises américaines Amazon, Microsoft et Google. Ces services comprennent des applications de défense «essentielles» hébergées par Amazon Web Services.

Le bureau de M. Solomon n'a pas répondu à une demande de commentaires lundi après-midi. Bien que le ministre ait qualifié la souveraineté numérique de «question politique et démocratique la plus urgente de notre époque», il a également indiqué que le gouvernement travaillait encore à sa définition.

Dans une entrevue accordée à l'émission Ottawa Morning de CBC la semaine dernière, M. Solomon a reconnu les préoccupations suscitées par le Cloud Act et l'accès des États-Unis aux données canadiennes.

«Pour être clair sur ce point, la règle est simple: il faut un mandat judiciaire et il doit s'agir de données très spécifiques, une seule fois, a-t-il déclaré. Il ne s'agit donc pas simplement de percer un trou et de laisser les données s'écouler.»

«Néanmoins, c'est impératif, les Canadiens nous l'ont dit, et notre groupe de travail (…) travaille à l'élaboration de ce rapport», a-t-il ajouté.

Un groupe qui sème la controverse

Le ministre a annoncé la création de ce «groupe de travail» de 27 membres à la fin septembre et lui a donné un mois pour formuler des recommandations en vue d'une stratégie actualisée en matière d'IA. Des critiques ont affirmé que le groupe était trop orienté vers l'industrie.

Un groupe d'experts et d'organisations de la société civile a publié lundi une lettre ouverte demandant au gouvernement de reconstituer le groupe de travail et de prolonger le délai d'une consultation publique parallèle.

«Le processus de consultation actuel témoigne d'un mépris flagrant pour les préoccupations connues et généralisées du public canadien concernant les risques et les préjudices avérés des technologies actuellement classées comme IA», peut-on lire dans la lettre.

Dans une publication sur les médias sociaux lundi, M. Solomon a mentionné que la consultation était maintenant terminée après avoir reçu 11 000 contributions de Canadiens.

M. Solomon avait déclaré la semaine dernière à Radio-Canada que la souveraineté numérique, entre autres éléments, signifie que les données canadiennes ne sont pas soumises au droit étranger.

En octobre, M. Solomon n'a pas exclu la participation d'entreprises américaines à la stratégie canadienne de nuage souverain, selon le site d'information technologique BetaKit.

Les entreprises de télécommunications traditionnelles canadiennes rivalisent pour obtenir une part du gâteau dans le cadre de la politique de souveraineté numérique du gouvernement fédéral. Des entreprises comme Bell et Telus mettent en avant leurs propres projets de centres de données dédiés à l'IA.

Jennifer Pybus, professeure agrégée et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les données, la démocratie et l'IA à l'Université York, a indiqué que des problèmes pourraient survenir, même concernant l'accès des États-Unis à ces installations. 

Elle a notamment souligné que Bell utilise des puces de l'entreprise américaine Groq.

«Si les États-Unis veulent accéder aux données détenues par une entreprise américaine, ils peuvent l'obtenir», a-t-elle soutenu dans un courriel.

Anja Karadeglija

Anja Karadeglija

Journaliste