Les compagnies maritimes exhortent le gouvernement fédéral à investir dans les infrastructures et les technologies de navigation de l'Arctique, car les changements climatiques rendent les voies de transport plus dangereuses, tandis que le trafic maritime s'intensifie.
Selon un groupe d'une dizaine d'armateurs et de compagnies de transport, les eaux nordiques ont besoin de nouvelles installations portuaires, d'imagerie satellitaire de meilleure qualité et d'une cartographie moderne permettant de déterminer la profondeur des fonds marins.
«Les besoins en transport dans l'Arctique sont croissants», a indiqué David Rivest, président de Desgagnés Transarctik, une entreprise de transport maritime qui approvisionne des dizaines de communautés nordiques.
Selon les Armateurs du Saint-Laurent, la modernisation des infrastructures permettrait de répondre aux besoins croissants des communautés nordiques et des entreprises minières, ainsi qu'à la menace que représentent les acteurs étrangers dans un contexte de tensions internationales croissantes.
Des rampes de mise à l'eau plus longues et plus robustes illustrent comment des améliorations pourraient faciliter le transport pour les communautés dont les denrées alimentaires, les matériaux de construction et les biens de consommation arrivent principalement par bateau.
«Ces rampes sont essentiellement des pentes de gravier reliant l'eau à une zone de débarquement sur la plage, a expliqué M. Rivest. Elles sont exposées aux marées.»
À marée haute, les remorqueurs peuvent acheminer les barges jusqu'à la rampe. Mais à marée basse, les eaux peu profondes et les rochers rendent le débarquement difficile, voire impossible.
Une nouvelle zone de débarquement, dans une baie voisine, plus accessible par bateau et abritée du vent et des tempêtes, par exemple, simplifierait considérablement le processus, a souligné M. Rivest.
«Par exemple, à Kuujjuaq, une importante localité du nord du Québec, nous devons mouiller à quatre ou cinq milles nautiques de la rampe. Cela implique un long trajet entre le navire et la plage», a-t-il expliqué.
L'efficacité est d'autant plus cruciale dans les régions où la saison de navigation est courte. La saison de navigation dans l'Arctique s'étend généralement de juin à novembre.
«Mais à certains endroits, nous ne pouvons livrer que pendant 45 jours, a précisé M. Rivest. Parfois, c'est même moins.»
Parallèlement, le recul de la banquise arctique a libéré des icebergs qui peuvent entraver la navigation, mais a également ouvert des voies navigables à un plus grand nombre d'embarcations, rendant la traversée plus périlleuse.
«Au début de l'été, nous avions un navire dans le passage du Nord-Ouest, et j'ai été très surpris de voir des dizaines de voiliers traverser d'ouest en est, croisant nos navires dans la zone», a mentionné Daniel Dagenais, PDG du Groupe NEAS, qui transporte toutes sortes de marchandises, des réservoirs de diesel aux charpentes de toit, vers les villes et villages de l'Arctique canadien.
Le nombre de voyages en bateau dans les eaux arctiques canadiennes a augmenté de près de moitié, passant à 466 entre 2011 et 2024, selon une étude de l'Université du Québec à Montréal.
Cette augmentation constante du trafic maritime et de la vitesse des glaces exige des technologies de navigation plus performantes, comme des systèmes de suivi météorologique et le traitement d'images satellitaires, ont indiqué les transporteurs maritimes.
En mai 2023, 15,8 % des eaux de l’Arctique canadien avaient fait l’objet de levés bathymétriques adéquats, tandis que 44,7 % de ses principales voies de navigation répondaient aux normes en la matière, selon le Service hydrographique du Canada.
«Avec le réchauffement climatique, la situation est beaucoup plus instable, a avancé M. Rivest au sujet de la fonte des glaces. La banquise se déplace, elle pénètre dans les principales zones de transit, et les navires doivent alors emprunter des routes alternatives.»
«Ajoutez à cela des données bathymétriques obsolètes, et vous accentuez les risques d'incidents», a-t-il ajouté.
Les Armateurs du Saint-Laurent se félicitent de l'attention renouvelée qu'Ottawa porte aux projets d'infrastructure et aux dépenses de défense, qui pourraient avoir des applications dans le Nord, allant des stations radars au logement.
La manière précise dont les fonds du récent budget fédéral seront alloués au transport maritime dans l'Arctique demeure toutefois incertaine.
«Tout se concrétisera dans les semaines et les mois qui suivent, c'est pourquoi nous avons besoin de plus de précisions», a affirmé Saul Polo, directeur général de l'association.
