Noovo Info a appris que la faction de la Mission de l’Esprit-Saint de Lavaltrie, qui possède un permis du ministère de l'Éducation pour opérer son école privée, a pu augmenter son offre d’enseignement au secondaire l'an dernier.
Selon des documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, le ministère de l’Éducation est bien au courant que sa clientèle est issue des membres de la Mission de l'Esprit-Saint, un mouvement religieux qui valorise le mariage et les grossesses à l'adolescence.
«Ça pouvait sembler une bonne idée initialement, parce que ça pouvait nous donner l'impression que le ministère de l'Éducation pouvait mieux contrôler le cursus scolaire de ces étudiants-là. Mais quand on pense que les professeurs sont aussi des membres du groupe, la socialisation religieuse fait pas partie de leur quotidien», explique Marie-Andrée Pelland, porte-parole d’Info-Secte.
Notons que l'Académie de la Vallée du Roi offre des services éducatifs depuis bientôt dix ans. L’école a d’abord obtenu son permis pour le primaire en 2016, mais a maintenant réussi à obtenir un nouveau permis pour le premier cycle du secondaire.
L'établissement s'est conformé à travers les années pour garder son permis, malgré une grande rotation du personnel enseignant puisque le nombre d'élèves ne cesse d'augmenter, passant de 21 en 2020-2021 à 104 en 2025-2026.
«Ça fait plus d'un an qu'il y a une urgence d'agir», déplore Mme Pelland.
Aide réclamée pour les ex-disciples
Plusieurs experts s'inquiètent pour la socialisation de ces jeunes à qui on répète que le monde extérieur est Satan.
Plusieurs réclament d’ailleurs une aide d’urgence pour les disciples de la Mission de l’Esprit-Saint qui sortent du mouvement.
Lorraine Derocher, autrice du livre Ces enfants oubliés: Grandir dans une communauté sectaire, a indiqué en entrevue avec Noovo Info être très préoccupée pour l'avenir de ces jeunes.
«Ce sont des jeunes à qui on a transmis que la société est méchante, que la société est mauvaise, que la société est vouée à la perdition et que si quelqu'un tente d'intégrer cette société-là, il y a un grand risque. Et le risque, c'est que toutes sortes de malheurs peuvent arriver à cette personne. Donc pour moi, présentement, il n'y a aucune structure d'accueil pour ces jeunes», soutient l’autrice.
Au cours des derniers mois, les demandes d'aide ont explosé chez Info-Secte, qui peine à répondre aux besoins.
«Depuis la diffusion du documentaire La prison de l’Esprit-Saint, Info-Secte a vu une augmentation dans les demandes de soutien, soit aux membres sortants et même aux intervenants parce que plusieurs intervenants dans le réseau de la santé se sont vus, mobilisés, appelés à intervenir et ils n'avaient pas toujours les connaissances», explique Mme Pelland.
Des organismes comme Nouvelles Racines ou Info-Secte ont des moyens plus que restreints pour répondre à la demande.
«Je trouve ça excessivement désolant que ce soit que notre petit organisme dans lequel on a trois employés qui arrivent à soutenir ces personnes-là et on le fait à bout de bras parce qu'on n'a pas tant d'argent que ça pour répondre à leurs besoins, on aurait besoin immédiatement d'un nouvel intervenant, on aurait besoin de plus de fonds pour avoir un appartement», a déclaré Mme Pelland.
Info-Secte déplore le fait de ne pas avoir été contacté par aucune instance du gouvernement, qui a pourtant annoncé le déclenchement d'une enquête jeudi dernier, au lendemain de nouvelles révélations concernant des classes clandestines.
«Le gouvernement a abandonné ces enfants-là», dit-elle.
«Scandaleux»
En réaction aux nouvelles révélations de Noovo Info concernant les écoles clandestines de la Mission et du permis octroyé par le ministère de l’Éducation a une école de la faction de Lavaltrie, le porte-parole de l'Éducation chez Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, trouve «scandaleux» que le gouvernement n’ait toujours pas agi pour aider les enfants du mouvement.
Il espère que l’enquête ordonnée par la ministre de l’Éducation, Sonia LeBel, permettra «d’aller au fond des choses».
«Il faut qu’à la suite de l'enquête en question, il y ait de vraies décisions qui soient prises, qu'on ferme ces écoles-là, s'il faut les fermer puis qu'on encadre mieux les familles pour s'assurer qu'on n'échappe aucun enfant», a-t-il lancé.
Il souligne que des articles exposant la Mission de l’Esprit-Saint ne sont pas nouveaux et que le gouvernement est au courant depuis des années de l’endoctrinement religieux du mouvement sectaire.
«Ça fait des années que le gouvernement du Québec est au courant. Il faut arrêter de donner des permis à ces gens-là. Il faut retirer les permis existants», a déclaré M. Nadeau-Dubois, ajoutant que la situation est «bien pire» que le scandale de l’école Bedford.
«C'est inadmissible que près d'une vingtaine d'années plus tard, il n’y ait rien qui a été fait. La CAQ a viré le Québec à l'envers, littéralement, à la suite des révélations médiatiques dans le cas Bedford. C'était en effet scandaleux ce qui se passait là, comprenez-moi bien je ne veux pas le minimiser, mais comment ça se fait 20 ans qu'on échappe des gens dans des écoles sectaires comme ça? Moi je ne me l’explique pas et j'espère que l'enquête de madame Lebel va permettre de mettre les points sur les i», a-t-il soutenu.

