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Trump subit des pressions pour exposer «l’État profond» qu’il dénonce

«Les gens en ont assez de ne pas savoir.»

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(Associated Press)

Alors qu’il parcourait le pays en 2024, Donald Trump a promis à ses partisans que sa réélection à la présidence serait «notre dernière bataille».

«Avec vous à mes côtés, nous détruirons l’État profond», a-t-il répété à plusieurs reprises pendant la campagne électorale. «Nous libérerons notre pays de ces tyrans et de ces scélérats une fois pour toutes.»

Quatre mois après le début de son second mandat, Trump continue d’alimenter des théories sinistres impliquant ses prédécesseurs et d’autres politiciens et avocats puissants. Il a récemment brandi le spectre d’intentions malveillantes derrière l’utilisation par l’ancien président Joe Biden d’un stylo pour signer des documents. L’administration s’est engagée à rouvrir des enquêtes et a pris des mesures pour déclassifier certains documents, notamment en publiant plus de 63 000 pages de documents liés à l’assassinat du président John F. Kennedy. Pourtant, de nombreux partisans de Trump estiment que cela n’est pas suffisant.

Certains de ceux qui le croient sur parole commencent à s’impatienter et se demandent pourquoi son administration, qui détient les clés pour découvrir ces prétendus secrets gouvernementaux, leur refuse les preuves et les représailles qu’ils attendaient.

Son ministère de la Justice n’a pas encore arrêté les nombreux acteurs de l’«État profond» comme certains de ses partisans l’espéraient, alors même que le président publie des vidéos et des mèmes énigmatiques sur les politiciens démocrates.

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«Les gens en ont assez de ne pas savoir», a affirmé le commentateur conservateur Damani Felder dans l’émission du podcasteur Tim Pool la semaine dernière. «Nous exigeons des réponses et une véritable transparence. Ce n’est pas si difficile à faire.»

La promesse de révéler et de démanteler l’«État profond»

Trump a longtemps promis de démanteler l’«État profond» — un réseau secret supposé de personnes puissantes manipulant les décisions du gouvernement dans les coulisses — afin de renforcer sa base électorale, a mentionné Yotam Ophir, professeur de communication à l’université de Buffalo.

«Il a construit une partie de cet univers, qui n’est finalement qu’un univers fictif», a-t-il ajouté.

Maintenant que Trump est au pouvoir et qu’il a placé des fidèles à tous les postes clés de son administration, ses partisans s’attendent à ce que tout soit révélé. Il est difficile de tenir cette promesse alors que bon nombre des complots qu’il a dénoncés sont faux, a spécifié Joseph Uscinski, politologue spécialisé dans les théories du complot à l’université de Miami.

Il est certain que le président a fait de la vengeance une priorité de son second mandat. Il a licencié des fonctionnaires fédéraux, nommé des fidèles à des postes clés et pris pour cible des cabinets d’avocats qu’il n’apprécie pas dans des décrets. Il a ordonné la révocation des habilitations de sécurité de ses rivaux politiques et d’anciens employés qui ont exprimé leur désaccord pendant son premier mandat. Son ministère de la Justice a licencié des procureurs qui enquêtaient sur lui et s’est intéressé de près aux agents de carrière du FBI qui ont enquêté sur l’attaque du Capitole américain le 6 janvier 2021.

Malgré tout, l’administration Trump n’est pas allée aussi loin que le souhaiteraient nombre de ses partisans. Ceux-ci veulent voir des mesures prises à l’encontre de personnes qu’il accuse depuis longtemps d’avoir participé à des complots sinistres contre lui, comme l’ancienne secrétaire d’État Hillary Rodham Clinton et l’ancien directeur du FBI James Comey. L’administration n’a pas non plus fourni de preuves des «crimes flagrants» qui, selon Trump, ont corrompu le gouvernement fédéral pendant des années.

Les théoriciens du complot se concentrent sur Epstein et la tentative d’assassinat de Trump

Des tensions ont éclaté ce mois-ci lorsque le directeur du FBI, Kash Patel, et son adjoint, Dan Bongino, ont rejeté deux des théories du complot non fondées qui ont le plus animé la base de Trump : celle selon laquelle le financier et agresseur sexuel Jeffrey Epstein aurait été assassiné dans le cadre d’une opération de dissimulation, et celle selon laquelle la tentative d’assassinat de Trump à Butler, en Pennsylvanie, aurait été un complot du gouvernement.

«On reconnaît un suicide quand on en voit un, et c’est exactement ce qui s’est passé», a dit M. Patel à propos de la mort d’Epstein dans une interview accordée à Fox News.

«J’ai vu tout le dossier», a ajouté M. Bongino. «Il s’est suicidé.»

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Les conservateurs en ligne ont exigé de voir les preuves, soulignant les déclarations passées de M. Bongino en tant qu’animateur de podcast, lorsqu’il avait suggéré que le gouvernement cachait des informations sur Epstein.

«Peu importe qui est élu, vous obtenez la même politique étrangère, vous obtenez la même politique économique, et les vidéos d’Epstein restent secrètes», a expliqué le podcasteur de droite et ancien animateur de Fox News Tucker Carlson dans son émission.

«Ils nous ont dit pendant des mois avant les élections que ce n’était pas un suicide», a écrit Todd Starnes, animateur de Newsmax, sur X. «Mais maintenant, ils nous disent que c’était un suicide.» Il a ajouté : «Excusez-moi, mais que se passe-t-il au ministère de la Justice ?»

La ministre de la Justice Pam Bondi a dit ce mois-ci que les agents du FBI examinaient «des dizaines de milliers» de vidéos liées à Epstein et qu’ils rendraient publics d’autres documents une fois qu’ils auraient pris des mesures pour protéger les victimes.

Dans la même interview à Fox News, Bongino et Patel ont assuré avoir été informés de la tentative d’assassinat de Trump lors d’un rassemblement en juillet et qu’il n’y avait pas de complot explosif à révéler.

«Dans certaines de ces affaires, ce que vous cherchez n’est pas là», a affirmé Bongino.

Scepticisme parmi les partisans du «deep state»

Bongino a semblé vouloir faire un geste envers la base de Trump cette semaine en annonçant que l’agence allait rouvrir certaines affaires très médiatisées qui ont suscité l’intérêt du public. Il a dit que le FBI enquêterait sur la pose de bombes artisanales près des sièges du Comité national démocrate et du Comité national républicain à Washington le jour de l’attaque du 6 janvier 2021, sur la fuite du projet d’avis Dobbs v. Jackson de la Cour suprême en 2022 qui a annulé le droit constitutionnel à l’avortement, et sur la découverte de cocaïne à la Maison Blanche en 2023.

Mais cela n’a pas suffi à tous ceux qui se sont exprimés sur son compte X.

«Tout pour détourner l’attention des dossiers Epstein», a répondu un utilisateur à son annonce. «Aucun résultat», a écrit un autre.

Dans une interview accordée jeudi à «Fox & Friends», Bongino a laissé entendre que le FBI allait bientôt publier une vidéo filmée à l’extérieur de la cellule d’Epstein et des documents liés à la tentative d’assassinat de Trump.

Il a souligné comprendre les demandes de transparence du public, mais a appelé à la patience et a souligné que toutes les informations ne pouvaient pas être déclassifiées par le FBI. Cela n’a pas satisfait tous ceux qui veulent des réponses aux théories du complot.

«Je suis convaincu que seul Dieu peut vaincre l’État profond à ce stade », a écrit jeudi sur X Philip Anderson, un influenceur de droite qui a participé à l’émeute au Capitole. «Kash Patel, Dan Bongino et Pam Bondi sont complètement inutiles.»

Promouvoir les théories du complot comme tactique de diversion

Pendant ce temps, Trump a continué à promouvoir des théories du complot sur sa plateforme Truth Social et ailleurs.

Il a partagé ce mois-ci une vidéo sur des morts mystérieuses qui seraient liées à la famille Clinton, ainsi qu’une photo de lui-même avec l’ancien président Barack Obama accompagnée du texte « TOUTES LES ROUTES MÈNENT À OBAMA, RETRUTH SI VOUS VOULEZ DES TRIBUNAUX MILITAIRES ».

Ophir, le professeur de l’université de Buffalo, a déclaré qu’il s’agissait d’une tactique visant à détourner l’attention de la base de Trump et à le protéger des critiques.

«Quand quelque chose de bien arrive, c’est parce que Trump est génial et que son programme est brillant», a souligné Ophir. «Quand quelque chose de mauvais arrive, c’est à cause des Obama, des Clinton ou de toutes les forces qui le sapent de l’intérieur à Washington.»

Cette semaine, Trump a alimenté de nouvelles théories, sans partager de preuves, selon lesquelles l’utilisation par Biden d’un dispositif mécanique appelé « autopen » pendant sa présidence signifiait qu’il ne signait pas ses décrets de son plein gré ou que ses collaborateurs tiraient profit du contrôle de cet appareil. Il a demandé que les personnes qui l’ont utilisé soient poursuivies pour « TRAHISON ».

Ce récit a pris de l’ampleur à droite en raison d’allégations selon lesquelles les collaborateurs de Biden auraient dissimulé son déclin mental et physique. Les présidents utilisent des stylos spéciaux depuis des années pour signer certains documents.

«Quiconque l’a utilisé a usurpé le pouvoir de la présidence, et il devrait être très facile de découvrir qui est cette personne (ou ces personnes)», a écrit Trump sur Truth Social.

Au moins un utilisateur de sa plateforme n’a pas été impressionné et s’est demandé pourquoi Trump et ses alliés, qui détiennent tout le pouvoir, n’avaient toujours pas de réponse.

«SI C’EST SI FACILE », a posté le commentateur. « POURQUOI VOTRE ADMINISTRATION N’A-T-ELLE PAS ENCORE TROUVÉ CES CRIMINELS ?»