Avec sa stratégie de protectionnisme ultra musclé, Donald Trump met en jeu sa réputation de « dealmaker », ou redoutable négociateur, qui a tant fait pour sa conquête du pouvoir.
Vendredi, la Maison Blanche a publié une photographie du président américain, de dos, téléphone vissé à l’oreille, avec cette légende: « Il passe des coups de téléphone. Il fait des "deals". Il rend sa grandeur à l’Amérique! ».
C’est une constante depuis son retour au pouvoir le 20 janvier: chaque grande annonce douanière du président américain, persuadé que les droits de douane sont à la fois l’outil et la manifestation de la puissance économique des États-Unis, est célébrée par ses partisans comme une preuve de ses talents de négociateur.
Le décret qu’il a signé jeudi soir n’échappe pas à la règle.
D’un trait de feutre noir, l’ancien promoteur immobilier a imposé de nouveaux droits de douane sur plusieurs dizaines de partenaires commerciaux, tout en fixant au 7 août leur entrée en vigueur réelle, et non au 1er août, date pourtant présentée comme intangible.
Les reculades du dirigeant républicain, qui a souvent fixé des ultimatums commerciaux avant de les lever ou de les prolonger - dernier exemple en date, un nouveau délai de 90 jours accordé au Mexique - ont donné naissance à l’acronyme moqueur « TACO » (« Trump always chickens out », « Trump se défile toujours »).
Ces blagues sur sa lâcheté présumée insupportent particulièrement le principal intéressé.
« Pas défilé »
Les analystes jugent toutefois que cette fois, il n’y aura pas de retour en arrière.
Trump « ne s’est pas défilé », a commenté pour l’AFP Josh Lipsky, expert du Atlantic Council, qui estime que le président « met en œuvre, voire dépasse » ce qu’il avait annoncé pendant la campagne.
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Matthew Aks, analyste chez Evercore ISI, a indiqué à l’AFP ne pas attendre de changement « massif » d’ici l’entrée en vigueur des taxes, même s’il juge possibles des accords de dernière minute avec l’Inde ou Taïwan.
Ces derniers jours, Trump a annoncé une ribambelle de compromis, notamment avec l’Union européenne, le Japon ou la Corée du Sud, fixant des niveaux de taxes plus ou moins élevés, et promettant des investissements mirifiques aux États-Unis.
Ces « accords » laissent ouvertes des questions cruciales: des exemptions sont-elles possibles? Qu’en sera-t-il de secteurs comme l’automobile, la pharmacie, les semiconducteurs? Quel sera le sort réservé à la Chine?
Donald Trump décrit les arrangements comme des « deals »: le terme, en anglais, désigne un compromis sur lequel on tope après d’âpres discussions, et non pas un contrat en bonne et due forme.
Le président américain comme les dirigeants d’autres pays « ont leurs raisons pour éviter des accords détaillés », a expliqué Matthew Aks, car l’ambiguïté permet aux uns et aux autres de présenter les « deals » de la manière la plus positive, ou la moins négative possible à leurs opinions publiques.
La capacité à conclure des « deals » est pour le républicain de 79 ans partie intégrante de sa signature politique.
« C’est ça qui m’excite »
Dans un ouvrage désormais bien connu et paru aux États-Unis en 1987, « L’Art du deal », le milliardaire a écrit: « Faire des deals est ma forme d’expression artistique. D’autres font de beaux tableaux ou écrivent de la merveilleuse poésie. Moi, j’aime faire des deals, de préférence des gros deals. C’est ça qui m’excite ».
Il a expliqué, dans le même livre, qu’il cherchait toujours à rester « flexible. Je ne m’attache jamais trop à un deal ou à une stratégie. »
Sur la question des taxes douanières, le président américain n’a pourtant jamais vraiment changé de stratégie, et ce en dépit des commentaires sur ses revirements.
Cela pourrait lui coûter cher sur le plan politique.
Dans un sondage mené par l’université Quinnipiac et publié à la mi-juillet, seulement 40 % des personnes interrogées soutiennent la politique commerciale du président, quand 56 % la critiquent.
Par ailleurs, les derniers chiffres de l’emploi portent les traces de l’offensive protectionniste de Trump, selon les experts.
Les créations d’emplois en mai et juin ont été fortement révisées à la baisse, chutant à des niveaux pas vus depuis la pandémie de Covid-19.
