L'économie canadienne s'est contractée au deuxième trimestre, les droits de douane américains et l'incertitude commerciale ayant pesé sur les exportations canadiennes.
Mais peu d'économistes s'inquiètent d'une possible récession au Canada, et tous les prévisionnistes ne sont pas convaincus que la faiblesse économique incitera la Banque du Canada à réduire son taux directeur le mois prochain.
Statistique Canada a annoncé vendredi que le produit intérieur brut (PIB) réel a diminué de 1,6 % sur une base annualisée au deuxième trimestre en raison d'une baisse des exportations et des investissements des entreprises.
Ce chiffre représente un ralentissement par rapport à la croissance annualisée de 2 % enregistrée au premier trimestre de 2025, un chiffre révisé à la baisse par Statistique Canada vendredi. Il s'établissait initialement à 2,2 %.
Le président américain Donald Trump a renforcé ses droits de douane contre le Canada et le reste du monde au deuxième trimestre, ciblant particulièrement l'acier, l'aluminium et l'automobile.
«Il n'est pas surprenant que l'économie canadienne ait éprouvé des difficultés au deuxième trimestre en raison de la hausse des droits de douane», a avancé Benjamin Reitzes, directeur général spécialiste en stratégie – taux canadiens et macroéconomie de BMO, dans une note adressée à ses clients vendredi.
Les économistes s'attendaient à un net ralentissement de la croissance au dernier trimestre, les entreprises semblant se précipiter pour passer leurs commandes en début d'année afin de devancer les droits de douane américains, ce qui a stimulé l'activité au premier trimestre et freiné l'économie au deuxième.
Au dernier trimestre, les exportations nettes ont réduit de 8,1 points de pourcentage la croissance du PIB réel. M. Reitzes a souligné qu'il s'agissait du deuxième impact le plus important jamais enregistré, après la pandémie.
Les exportations de véhicules, de machines industrielles et de services de voyage ont fortement diminué au dernier trimestre, et les investissements des entreprises en machines et matériel ont également chuté.
L'économiste en chef adjoint de RBC, Nathan Janzen, a avancé lors d'une entrevue qu'il percevait des signaux plus variés dans les données, au-delà des chiffres globaux.
La faiblesse de l'économie canadienne s'est concentrée dans les secteurs exposés aux échanges commerciaux au dernier trimestre, a-t-il expliqué, tandis que la vigueur relative des dépenses de consommation a contribué à compenser l'impact.
La demande intérieure finale, une mesure qui exclut les flux commerciaux et les stocks des chiffres du PIB, a rebondi après une baisse au premier trimestre de l'année.
«Il n'y avait pas beaucoup de signes que la faiblesse se propageait à d'autres secteurs de l'économie à ce stade», a analysé M. Janzen.
Selon M. Reitzes, ces signes de vigueur intérieure étaient «plutôt réconfortants», mais il s'est interrogé sur la durabilité de ces tendances, puisque les droits de douane ont freiné l'activité ailleurs.
L'agence fédérale a précisé que le PIB réel avait reculé de 0,1 % au mois de juin, alors qu'elle tablait initialement sur une croissance de 0,1 %. Un troisième recul en quatre mois dans le secteur manufacturier, frappé par les droits de douane, a pesé sur l'activité économique en juin, a mentionné l'agence.
D'après les premières estimations de l'organisme, le PIB réel a progressé de 0,1 % en juillet.
Les économistes définissent généralement une récession comme deux trimestres consécutifs de PIB négatif.
D'après M. Janzen, la RBC ne s'attend pas à ce que le ralentissement du deuxième trimestre se reproduise au troisième trimestre.
Les chiffres de la fabrication de pointe et du commerce de gros montrent des signes de reprise en juillet, a-t-il souligné. Les exemptions actuelles à la frontière pour les marchandises conformes à l'accord commercial Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) limitent également l'impact général des droits de douane, a-t-il estimé.
RBC s'attend aussi à ce que le taux de chômage au Canada soit légèrement supérieur au niveau actuel de 6,9 %, mais qu'il stagne largement, la faiblesse des échanges commerciaux ne parvenant pas à se propager au reste de l'économie.
«Nous pensons toujours que le résultat le plus probable est que le PIB ne connaîtra pas de nouveau recul au troisième trimestre et que nous retrouverons une croissance lente, mais positive», a indiqué M. Janzen.
Vers une baisse des taux?
La baisse du deuxième trimestre se situe légèrement en deçà des prévisions trimestrielles de la Banque du Canada publiées fin juillet, lorsque le Conseil des gouverneurs a maintenu son taux directeur à 2,75 %.
La banque centrale analysera attentivement les derniers chiffres du PIB avant sa prochaine décision sur les taux d'intérêt prévue le 17 septembre.
Andrew Grantham, économiste principal à la Banque CIBC, a souligné dans une note à ses clients que la faiblesse des chiffres de juin signifie que l'économie canadienne aborde le troisième trimestre sur une note négative.
La croissance pour ce trimestre se situe entre une stagnation et 0,5 %, a-t-il précisé.
«Cette tendance plus faible que prévu des chiffres mensuels rend la publication de vendredi favorable à notre prévision d'une baisse des taux d'intérêt en septembre», a mentionné M. Grantham, ajoutant toutefois que les prochaines données sur l'inflation et l'emploi influeront également sur la décision de la Banque du Canada.
M. Reitzes se montre moins convaincu que les chiffres du PIB du deuxième trimestre influenceront la Banque du Canada, étant donné que la banque centrale a choisi de marquer une pause lors de sa dernière décision sur les taux et que ses prévisions économiques se confirment globalement.
Les probabilités sur les marchés financiers d'une baisse d'un quart de point de la Banque du Canada le mois prochain se situaient juste en dessous de 50 % vendredi à midi, selon LSEG Data & Analytics.
Selon M. Janzen, la RBC maintient sa position selon laquelle aucune nouvelle baisse des taux d'intérêt n'est envisagée à ce stade.
L'inflation continue d'être légèrement supérieure à ce que la banque centrale souhaite, a-t-il noté, ce qui devrait dissuader cette dernière de vouloir abaisser son taux directeur.
La faiblesse économique étant concentrée dans les secteurs exposés aux échanges commerciaux, M. Janzen a soutenu qu'une aide gouvernementale plus ciblée, sous forme de politique budgétaire, était plus adaptée pour remédier aux difficultés que la politique monétaire à large spectre.

