Avec son projet de constitution, le gouvernement du Québec veut interdire à des organismes d’utiliser des fonds publics pour contester des lois considérées comme fondamentales pour le Québec, comme la loi 96 sur le français et la loi 21 sur la laïcité de l’État.
Par exemple, une contestation comme celle de la loi sur la laïcité en Cour suprême par la Commission scolaire English-Montreal ne serait plus permise si la constitution du Québec est adoptée telle quelle.
Le projet de loi ne vise pas les procédures en cours, donc la Commission scolaire English-Montreal n’aura pas à se retirer de la contestation de la loi 21.
Il s’agit d’un des éléments qui se retrouvent dans le projet de loi 1 qui vise à créer une constitution québécoise, déposé jeudi à l’Assemblée nationale par le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette.
En plus de la loi 96 et de la loi 21, la constitution viendrait protéger la Loi sur l’intégration à la nation québécoise adoptée récemment par le gouvernement Legault, ainsi que la Charte de la langue française. La constitution elle-même serait aussi protégée de la sorte. De nouvelles lois pourraient s’ajouter à la liste.
Protéger le droit à l’avortement
La constitution vise à renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes en lui donnant préséance sur la liberté de religion en cas de conflit entre les deux principes.
Elle va aussi venir «protéger le libre choix des femmes d’avoir recours à l’avortement».
«On se met une responsabilité en tant qu’État, en tant que gouvernement, de protéger ce libre choix», a expliqué le ministre Jolin-Barrette en point de presse jeudi à l’Assemblée nationale.
La constitution compte aussi protéger le droit des Québécois d’avoir recours à l’aide médicale à mourir.
Comme il l’a fait pour inscrire que le français est la seule langue officielle du Québec en 2022, le gouvernement veut modifier la Loi constitutionnelle de 1867 pour y intégrer «trois nouvelles dispositions aux caractéristiques fondamentales du Québec, soit la laïcité de l’État, le modèle d’intégration à la nation québécoise et la tradition civiliste».
Si elle est adoptée telle quelle, la constitution pourra être modifiée par de futurs gouvernements avec une majorité simple.
«Je ne souhaitais pas que la constitution québécoise soit verrouillée pour 1000 ans, comme la constitution canadienne», a affirmé le ministre, ajoutant qu’il était ouvert aux suggestions de modification sur le sujet.
Legault met la pression sur le PQ
Simon Jolin-Barette a dit vouloir travailler avec les collègues des autres partis. Or, la transpartisanerie a été mise à mal cette semaine. Les trois partis d’opposition ont fustigé le projet de constitution caquiste.
Les libéraux ont dénoncé le manque de consultations, les solidaires ont affirmé que «la CAQ n'a pas l'autorité morale pour imposer une constitution» et les péquistes ont soutenu qu'elle allait «rester subordonnée au pouvoir du fédéral».
Fait inusité: les trois oppositions ont même voté contre le dépôt du projet de loi jeudi.
Le ministre Jolin-Barette a assuré qu’il a consulté avant le dépôt de sa pièce législative et qu’il y aurait des consultations élargies prochainement à l’Assemblée nationale.
Il dit être confiant de rallier les oppositions à son initiative. «C'est une constitution qui n'est pas libérale, qui n'est pas péquiste, qui n’est pas caquiste, mais qui est québécoise», a-t-il affirmé.
Durant son discours en Chambre, le premier ministre François Legault a dit ne pas être surpris de l’opposition des libéraux et des solidaires au projet de constitution.
Il a toutefois mis la pression sur les députés péquistes. «Je pense que la poignée de députés du PQ dans 25 ans, ils vont être jugés pour le vote qu'ils vont faire sur le projet de constitution québécoise», a-t-il lancé.
Le premier ministre a tendu la main au PQ. «On souhaite avoir l'appui du Parti québécois dans cette constitution. On est prêt à discuter d'amendements et d'ajustements», a-t-il ajouté.
Doter le Québec d'une constitution était la première recommandation du rapport du Comité consultatif sur les enjeux constitutionnels qui a déposé son rapport en novembre dernier. Le comité affirme aussi que «la démarche se doit d’être transpartisane».
Le projet de constitution québécoise en quelques points:
- Remplacement du titre de lieutenant-gouverneur par celui d'officier du Québec;
- Protection du droit de l'Assemblée nationale d'utiliser la clause dérogatoire;
- Intégration d’une doctrine Gérin-Lajoie actualisée pour renforcer la capacité d’agir du Québec à l’international;
- Création d'un Conseil constitutionnel qui donnera son avis notamment sur les conséquences des ingérences du fédéral;
- Participation du Québec au processus de nomination des sénateurs et des juges de la Cour suprême.

