Les demandes de semi-liberté et de libération conditionnelle totale déposées vendredi dernier par le pasteur Claude Guillot ont été refusées par la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC).
Avertissement : Ce texte comporte des éléments de violence ne pouvant pas convenir à tous les auditoires.
L’homme, maintenant âgé de 74 ans, passait vendredi dernier devant la CLCC au Centre fédéral de formation (CFF) de Laval afin de réclamer une première remise en liberté sous conditions – soit une semi-liberté ou une liberté conditionnelle totale. La CLCC avait pris sa décision en délibéré pour la rendre mardi.
La CLCC expose plusieurs facteurs pour appuyer sa décision, dont la persistance et la gravité objective de sa criminalité, notant notamment qu’une récidive de Claude Guillot avant l’expiration légale de sa peine «présentera un risque inacceptable pour la société […]».
Dans leur décision publiée mardi, dont Noovo Info a obtenu copie (caviardé en partie), les commissaires D. Mankovitz et J. Schowpfer indiquent que Claude Guillot se montre «imperméable aux normes sociales et à leurs conséquences».
Ils reprochent au pasteur d’avoir entravé le cours de la justice par le passé - en demandant aux victimes de camoufler les conséquences de ses actes et de présenter de fausses déclarations à la DPJ.
«Vous avez affirmé à l'audience que vous avez bien agi et que vous agiriez à nouveau ainsi, si c'était à refaire. Bref, votre acharnement criminel témoigne d'une indifférence à l'égard de votre comportement violent et des répercussions sur les victimes», ont-ils écrit.
«[...] Vous ne présentez ni remords ni empathie et vous vous déresponsabilisez complètement de vos gestes et de leurs conséquences.»
Dans leur décision, les commissaires de la Commission des libérations conditionnelles du Canada indiquent aussi que la psychologue ayant évalué Claude Guillot «retient un trouble de la personnalité narcissique marqué par un besoin excessif d'admiration, une tendance à la manipulation, un manque d'empathie, un sentiment de supériorité et une propension au mensonge afin de préserver une image idéalisée de soi. La psychologue situe ainsi le risque de récidive violente à un niveau modéré, à moyen et long terme, et estime qu'une remise en liberté serait prématurée à cette étape-ci de votre peine [...].».
Au moins deux de ses victimes, Marc Levasseur et Josh Seanosky, ont rédigé une déclaration à la Commission des libérations conditionnelles du Canada pour s’opposer à toute forme de remise en liberté.
«Je salue la décision rendue par les commissaires. Après tout ce qu’il a fait, et après près de trois ans de détention, il n’a toujours pas entrepris le moindre début de remise en question. C’est un danger pour la société, et sa place demeure en prison afin de prévenir de nouvelles victimes», a notamment réagi Josh Seanosky, dans une déclaration transmise mardi à Noovo Info.
«Ce soir, je pourrai me reposer avec un profond soulagement, sachant que cet homme est exactement là où il doit être : dans sa cellule.»
L'équipe de gestion de cas de Claude Guillot recommandait aussi à la CLCC de lui refuser la semi-liberté et la libération conditionnelle totale.
Outre le témoignage de deux victimes de Claude Guillot, la CLCC a aussi lu six lettres de soutien du demandeur et entendu le témoignage de Claude Guillot et celui de son assistante.
«Narcissique, fanatique et extrémiste»
«Claude Guillot, qui se présente sous les apparences de la droiture, de la piété et de la vertu, est en réalité un individu narcissique, fanatique et extrémiste, utilisant son idéologie religieuse comme un outil de manipulation, de contrôle et de maltraitance», avait notamment souligné vendredi dernier M. Levasseur dans sa déclaration dont Noovo Info a obtenu copie.
«J’ai vécu le restant de mon enfance, de mon adolescence et de ma vie adulte avec les séquelles, l’empreinte toxique dans laquelle il m’a plongé dès mon plus jeune âge».
«Je vous prie de considérer que toute libération de Claude Guillot représente un danger pour la société — non seulement pour ses anciennes victimes, mais aussi pour toute personne susceptible de croiser son chemin à l’avenir», concluait Marc Levasseur.
Josh Seanosky a également lu une déclaration vendredi dernier devant la Commission de libérations conditionnelles du Canada où il décrit les sévices qu’il a subis aux mains de Claude Guillot.
«Je n’ai pas été victime d’un dérapage, d’un geste isolé, ni même d’un épisode de violence regrettable. Non. J’ai été pendant 13 ans l’objet d’un régime de maltraitance organisé, systémique, cruel et profondément destructeur, mis en place et exécuté par Claude Guillot et ses complices dans le cadre d’un environnement sectaire et fermé», a-t-il écrit parlant notamment de violence physique et psychologique, de coups de palette sur les fesses, de coups de poing au ventre, de claques au visage, de privation de sommeil, d’eau et de nourriture et d’humiliations de nature sexuelle.
«S’il est libéré, et qu’un jour, une famille entre en contact avec lui sans savoir son passé, et qu’un enfant entre sous son autorité… il recommencera. Il l’a dit. Il l’assume. Il ne changera pas.»
«Ma vie a été détruite par cet homme. La seule chose que je peux faire aujourd’hui, c’est d’empêcher qu’il en détruise d’autres», concluait-il.
Huit ans de prison
Guillot a purgé à ce jour un peu plus du tiers de sa peine, lui qui a écopé de huit de prison en décembre 2022 pour des sévices physiques et psychologiques infligés à cinq enfants.
Lors du procès, il a notamment été question de châtiments avec des palettes en bois, de coups de poing et de coups de pied, de privation d’eau et de nourriture, de séquestration et d’absence de soins de santé.
Les faits reprochés ont été commis entre 1982 et 2014 à Victoriaville – dans une école où Guillot était directeur - et à son domicile dans le secteur de Québec.
Arrêté en 2015, Guillot a finalement été déclaré coupable de voie de fait armée, voie de fait avec lésions, de voie de fait simple et de séquestration.
Action collective contre Guillot
En 2018, Marc Levasseur a initié une action collective contre Claude Guillot.
L’action collective concerne «toutes personnes ou successions de personnes décédées qui ont été victimes d’abus physiques ou psychologiques de la part de Claude Guillot entre 1982 et 1984, alors qu’elles étaient mineures et fréquentaient l’école La Bonne Semence» ainsi que «toutes personnes ou successions de personnes décédées qui ont été victimes d’abus physiques ou psychologiques ou de harcèlement sexuel de la part de Claude Guillot entre 2000 et 2015, alors qu’elles étaient mineures et fréquentaient l’école clandestine tenue par Guillot».
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Les deux hommes réclament chacun 2M$, entre autres, pour «compenser la douleur, la souffrance, l’angoisse, la perte d'estime de soi, la honte» ainsi que pour «compenser leur perte de capacité de gains, leur perte de productivité ainsi que les frais de thérapie passés et futurs».
Pour les victimes incluses dans l’action collective, la somme liée aux dommages-intérêts punitifs sera déterminée par la Cour advenant un jugement favorable à leur égard.
Les premières audiences de cette action collective devraient s'amorcer en novembre prochain.
En 2022, Josh Seanosky a aussi intenté une poursuite civile de 5,4M$ contre le pasteur et contre ceux qui ont fermé les yeux devant ses abus, dont son propre père.
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Si vous avez subi de la violence sexuelle ou que vous voulez aider quelqu’un qui en a subi, contactez Info-aide violence sexuelle au 1 888 933-9007 (514 933-9007) ou par clavardage.Vous avez été victime ou témoin d’un acte criminel? Vous pouvez contacter un Centre d’aide aux victimes d’actes criminels au 1 866 LE CAVAC.
Avec des informations de Denis Langlois et Jacques-Alain Houle, Noovo Info.

