Justice

Chirurgies esthétiques à l’étranger: l’agence tunisienne MedEspoir poursuit des influenceuses québécoises

Voici ce que reproche l’agence tunisienne MedEspoir à quatre femmes du Québec.

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Tourisme médical: poursuivies par une agence tunisienne, elles se défendent MTLNI-MEDESPOIR INFLUENCEUSES 19092025

Se disant arnaquée par quatre influenceuses québécoises, l’agence tunisienne MedEspoir, qui œuvre notamment dans le tourisme médical, intente des démarches judiciaires contre ces anciennes collaboratrices qui faisaient la promotion de ses services de chirurgie esthétique à l’étranger.

Krystle Emond-Maltais, Marie-Pier Miron, Valérie Secchi et Natasha Kim Desjardins sont visées par une injonction provisoire autorisée par la Cour supérieure du Québec qui leur ordonne «de retirer immédiatement, et de ne pas rediffuser toutes publications […] portant le nom et/ou l’image de Medespoir» ou encore de partager de l’information de «quelque nature que ce soit».

Voici ce qui est reproché à ce groupe de quatre femmes.

La «saga» MedEspoir sur les réseaux sociaux

Sous contrat comme représentantes au Canada, MedEspoir affirme que les quatre femmes ont voyagé en Tunisie en formule cinq étoiles, hébergement et pension comprise, et se sont soumises à des chirurgies esthétiques gratuites – implants mammaires, liposuccion, rhinoplastie, etc. – en échange de la promotion des services de la société.

La polémique entourant MedEspoir est née notamment de réactions entourant les publications de ces femmes, qui ont partagé leur expérience positive avec l’agence de tourisme médical.

Ces témoignages en ont fait naître d’autres, beaucoup moins flatteurs, dans lesquels des femmes allèguent que leurs chirurgies subies aux mains de MedEspoir ont été «ratées» - certaines parlent de corps «charcutés».

Ces femmes déplorent également le mauvais état des équipements, un manque de professionnalisme de l’équipe et affirment ne pas avoir eu droit au même traitement «cinq étoiles» que les représentantes de MedEspoir.

C’est à la suite de ces nombreux témoignages que les femmes visées par la poursuite ont changé leur fusil d’épaule dénonçant le travail de MedEspoir.

«On n’a commencé à fouiller un petit peu plus et on s’est rendu compte que c’était [...] 80 % des femmes et des hommes qui allaient là-bas [en Tunisie] qui avaient de gros problèmes, j’ai complètement débarqué tout de suite», a confié jeudi à LCN Marie-Maxime Miron [citée comme Marie-Pier Miron dans la poursuite].

Voilà qui n’a pas plu à MedEspoir.

«Détournement, vol»

«Notre société a entamé une poursuite pour arnaque, détournement et vol d’argent des patients», a déclaré Boujbel Aymen, qui s’identifie comme le gérant de MedEspoir, dans un courriel envoyé jeudi à Noovo Info.

Dans le document judiciaire dont Noovo Info a obtenu une copie, MedEspoir dénonce que les défenderesses n’ont pas respecté les termes de leur contrat, notamment en matière d’obligation contractuelle et légale de confidentialité et de loyauté, en plus de tenir des propos «diffamatoires» sur les réseaux sociaux.

Les défenderesses auraient été sous contrat environ entre deux et trois mois quelque part entre mai 2025 et le 11 août 2025, moment où elles ont remis leur démission. Tout allait bien au début.

«Durant cette période, les défenderesses ont démontré leur satisfaction quant aux interventions chirurgicales qu'elles s'étaient fait offrir par l'Agence, en publiant différentes publications, permanentes ou de types stories sur leurs réseaux sociaux», peut-on lire dans la demande d’injonction provisoire.

Influenceuses à commission

MedEspoir allègue que les influenceuses sous contrat recevaient aussi une commission de «10% pour les opérations combinées et 5% sur les opérations uniques pour chaque client ramené pour la chirurgie esthétique».

La société explique également que lorsqu’un client signe un contrat avec MedEspoir sur recommandation d’une représentante, le client doit verser à la représentante un paiement équivalent à 15% du montant du devis lors de la prise de rendez-vous.

«Une proportion de 10 % représente la commission des défenderesses et 5 % représentent la commission à une intermédiaire engagée par la demanderesse», explique-t-on.

MedEspoir allègue que les défenderesses «n’ont pas versé les 5% dû à [Chantale] Denis [qui représente de MedEspoir au Canada]».

À couteaux tirés

La société affirme aussi qu’à la suite d’une demande de paiement, «la relation entre l'agence et [Krystle Emond-Maltais, appelée Krye EM dans le document] s'est dégradée rapidement, et Krye EM a commencé à proférer des menaces à l'agence et à contacter ses clients dans le but de les inciter à annuler leurs rendez-vous et de se tourner vers des concurrents».

MedEspoir soutient également que Valérie Secchi a tenté dans une série de messages de convaincre une femme, Madame B, «d’annuler ses interventions chirurgicales avec l’agence».

L’agence allègue aussi que «Krye EM» et «Miron» se sont entretenues en direct sur la plateforme TikTok le 5 septembre 2025, «attaquant directement l’activité de l’agence, et ce, malgré des lettres des procureurs et malgré l’engagement de Miron de ne pas s’entretenir en direct».

MedEspoir accuse aussi les quatre défenderesses d’avoir pris possession du groupe Facebook «Chirurgie esthétique et médicale MedEspoir (Canada-Tunisie) – qui appartenait à l’agence – pour le transformer en groupe «Chirurgies ratées à l'étranger - Photos et témoignages».

Retour en cour

Les parties doivent à nouveau se retrouver devant la Cour supérieure du Québec lundi prochain. À cette date, MedEspoir devrait faire la demande d’une ordonnance de sauvegarde afin d’obtenir un nouveau jugement, a confirmé l'avocate de MedEspoir, Me Catherine Azoulay, jeudi par courriel auprès de Noovo Info.

La demande d'injonction validée le 11 septembre dernier par la juge Silvana Conte de la Cour supérieure du Québec ordonnait le silence aux quatre co-défenderesses en «cessant immédiatement toute interaction […] avec la clientèle de la demanderesse Société MedEspoir».

Dans son jugement, la juge Conte concluait «que les propos et agissements des défenderesses sont injurieux et calomnieux et manifestement diffamatoires et impossibles à justifier», donnant ainsi raison à la demande d’injonction provisoire de MedEspoir.

«On ne va pas se taire»

En date du 12 septembre dernier, les quatre femmes n’avaient pas d’avocat. Une collecte de fonds GoFundMe a d'ailleurs été mise en ligne dans les derniers jours comme «Soutien aux femmes poursuivies pour avoir dit la vérité».

Vendredi après-midi, Noovo Info a constaté que la collecte de fonds avait été fermée. La collecte de fonds avait été lancé dans le but «d'aider à couvrir leurs frais juridiques (avocats, procédures, expertises) et leur donner le soutien financier nécessaire pour se défendre équitablement».

Pour toute déclaration publique en ce qui concerne la poursuite de MedEspoir, Marie-Pier Miron – qui s’affiche comme Marie-Maxime Miron sur le web – a déclaré dans une vidéo publiée sur TikTok que les quatre femmes sont poursuivies «parce qu’on a dit haut et fort la vérité».

«On a voulu sauver des vies, et on va continuer à en sauver parce qu’on ne va pas se taire.»
- Marie-Pier Miron, une ex-partenaire de MedEspoir

«Les preuves qui sont dans les documents sont les preuves que la partie adverse a bien voulu mettre. Nous, on a des centaines d’heures d’enregistrement, des centaines de pages de conversations, de témoignages de gens […], nos preuves sont bel et bien là […]», assure pour sa part Krystle Emond-Maltais. «On n’a pas peur, on va se rendre jusqu’au bout».

Noovo Info a tenté d'entrer en contact avec les défenderesses, sans succès.

Mise en garde des professionnels

L’Association des spécialistes en chirurgie plastique et esthétique du Québec met en garde la population contre le tourisme esthétique depuis plusieurs années déjà en raison «d'une augmentation de cas de complications et de résultats sous optimaux».

Il suffit de quelques clics sur les réseaux sociaux pour dénicher des influenceuses qui vendent des forfaits voyage qui incluent des chirurgies esthétiques pour la moitié du prix demandé au Québec. Les vidéos promotionnelles mettent souvent «le luxe» en avant-plan.

Joint par Noovo Info, l'ASCPEQ affirme que les spécialistes dénoncent encore en 2025 «cette pratique sans garantie, permettant aux Québécois de s’offrir une chirurgie esthétique au rabais tout en profitant d’un séjour sous le soleil».

«L’Association tient à rappeler que les compétences des chirurgiens étrangers, ainsi que les standards de pratiques, ne peuvent être ni vérifiés et encore moins validés. Cette situation augmente donc les risques de résultats sous optimaux, voire même de complications postopératoires.»

L'ASCPEQ soulève aussi le fait qu’il est très difficile de traiter adéquatement les cas des complications et d’effectuer des retouches sur des chirurgies faites à l’étranger puisque, dans la majorité des cas, les chirurgiens n’ont pas accès aux dossiers médicaux complets ni aux protocoles opératoires.

«Dans ce contexte, avant d’avoir recours à de tels services à l’étranger, une réflexion s’impose. Le risque encouru doit être pris en considération par rapport à l’économie escomptée.»

Note de la rédaction : Il était indiqué au départ dans l'article que le GoFundMe dédié aux quatre défenderesse était de 100 000$ alors que l'objectif était de 4 500$. Pour plus d’information, consultez les normes éditoriales de Noovo Info.

Avec la collaboration de Guillaume Théroux et Émilie Clavel, Noovo Info.