Le ministre de la Santé, Christian Dubé, promet désormais de sévir contre les médecins qui auraient ralenti l'implantation du Dossier santé numérique (DSN).
C'est ce qu'il a affirmé tard vendredi soir en pleine adoption accélérée de la loi spéciale imposant aux médecins un nouveau mode de rémunération et mettant fin à leurs moyens de pression.
Le ministre répondait alors à une question du député Vincent Marissal, de Québec solidaire, qui voulait savoir si le refus de participer à l'implantation du DSN constituait une action «sanctionnable» à ses yeux.
«Des médecins qui refuseraient de participer à un projet pilote, parce que le produit choisi est défectueux et le gouvernement n'a pas prévu de la formation adéquate, est-ce que ça fait partie d'un ralentissement professionnel sanctionnable?» a-t-il demandé.
«Je pense que je connais le cas auquel vous vous référez, et je pense qu'il y aura des mesures qui seront prises pour des gestes passés, qui ne remontent pas à la période dont on parle en ce moment», a répondu M. Dubé.
M. Marissal lui a alors demandé des précisions, affirmant ne pas comprendre où le ministre voulait en venir.
«Ce que je vous dis, c'est qu'en ce moment, les moyens de pression qui ont été mis qui ont obligé l'arrêt du DSN, il y aura des actions qui seront prises pour ça spécifiquement», a poursuivi Christian Dubé.
«Il y aura d'autres actions qui seront prises spécifiquement sur le DSN», a-t-il répété.
Le 2 octobre dernier, Santé Québec annonçait le report des projets pilotes DSN qui étaient prévus cet automne dans les CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal et de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec.
Courroucé, M. Dubé a par la suite déclaré à plusieurs reprises à l'Assemblée nationale que les moyens de pression des médecins étaient entièrement responsables de la mise sur pause du DSN.
«C'est uniquement à cause de ça que le dossier est reporté», a-t-il notamment soutenu le 7 octobre, en référence à la décision des fédérations médicales de boycotter les réunions de travail liées au DSN.
Lundi, le cabinet de M. Dubé a tenté de relativiser les propos tenus par le ministre vendredi soir.
Il ne serait d'ailleurs pas question de sanctionner les «gestes passés», selon la directrice des communications de M. Dubé, Catherine Barbeau.
«Les moyens de pression qui visent à retarder le déploiement du DSN font partie des gestes visés par la loi», a-t-elle indiqué à La Presse Canadienne.
«L'objectif demeure que tout revienne à la normale rapidement, sans qu'il soit nécessaire d'appliquer des sanctions.
«Le DSN est essentiel pour que les professionnels de la santé aient la bonne information au bon moment, ce qui permet un travail mieux organisé et des soins mieux coordonnés», a-t-elle ajouté.
«Chasse aux sorcières»
Or, selon M. Marissal, M. Dubé veut lancer une vaste «chasse aux sorcières».
«J'ai trouvé que son ton était menaçant. C'était: "Il y a un nouveau shérif en ville, on va les pogner et on va les punir". (...) Ça sonnait vraiment revanchard», a-t-il dénoncé en entrevue, lundi.
Le porte-parole libéral en santé, Marc Tanguay, a souligné pour sa part que le DSN connaissait déjà des problèmes avant même que les médecins exercent des moyens de pression.
«C'était déjà mal ficelé», a-t-il soutenu en entrevue, rappelant notamment l'erreur du ministère de la Santé, qui avait oublié de budgéter les coûts de formation du personnel.
«Ce qui est excessivement préoccupant, c'est qu'il s'est donné des pouvoirs exorbitants pour taper sur la tête des médecins, plutôt que de travailler sur sa propre incompétence à livrer quoi que ce soit», s'est-il indigné.
Rappelons que la loi spéciale adoptée sous le bâillon samedi matin prévoit de lourdes pénalités pour les médecins qui tenteraient de quitter ou de ralentir leurs activités professionnelles.
Une loi «matraque» et «liberticide» qui a soulevé une énorme grogne dans le milieu médical, a dénoncé lundi M. Tanguay.
Vendredi, M. Dubé a jeté «davantage d'huile sur le feu» en laissant entendre qu'il envisageait d'autres sanctions en lien avec le DSN, a renchéri le porte-parole du Parti québécois en santé, Joël Arseneau.
«Il est très clair dans les propos de M. Dubé qu'il a admis vouloir sanctionner les médecins qui, à travers des moyens de pression, ont, selon ses paroles, obligé l'arrêt du DSN. C'est ce qu'il dit.
«La question est de savoir sur quelle base, avec quels outils, (...) en vertu de quel pouvoir», a-t-il déclaré.

