Alors que les changements climatiques continuent d'augmenter le risque d'incendies de forêt extrêmes, un débat s'est ouvert pour savoir qui est responsable de la prévention des catastrophes: le gouvernement ou les particuliers?
Des feux de forêt ont fait rage partout au Canada cet été, y compris dans la région de l'Atlantique, qui n'avait jamais connu autant d'incendies que le reste du pays, ce qui a conduit à la mise en place de restrictions visant à réduire les risques de brasiers d'origine humaine.
En Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, la semaine dernière, les gouvernements provinciaux ont interdit la randonnée, la pêche et l'utilisation de véhicules dans les bois, en plus des interdictions déjà en vigueur concernant les feux à ciel ouvert. Les deux provinces luttent activement contre de nombreux incendies.
Les gouvernements de ces deux provinces ont reçu un flot de commentaires de la part de citoyens exprimant leur confusion et leur frustration, certains affirmant que ces restrictions constituent une atteinte à leurs libertés individuelles.
Selon Jennifer Baltzer, professeure de biologie à l'Université Wilfrid-Laurier et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les forêts et le changement mondial, originaire de la vallée d'Annapolis en Nouvelle-Écosse, il est raisonnable de s'attendre à ce type de restriction imposée par les gouvernements, car les changements climatiques entraînent des étés plus chauds et plus secs.
«Alors que nous sommes confrontés à des conditions plus risquées sur le terrain, les gens vont devoir modifier leur comportement afin de contribuer à réduire les risques d'incendies accidentels», a-t-elle affirmé jeudi lors d'une entrevue.
Toutefois, Mme Baltzer estime que les gouvernements ont beaucoup à faire pour s'attaquer à la racine du problème de l'aggravation des saisons des incendies: les changements climatiques.
«Nous devons vraiment mettre en œuvre des politiques d'atténuation du changement climatique beaucoup plus strictes que celles qui sont appliquées en ce moment par les gouvernements. C'est la solution à ce problème», a-t-elle tranché.
Nouvelle réalité?
Au lendemain de la mise en place des restrictions en Nouvelle-Écosse, l'Ecology Action Centre, établi à Halifax, a critiqué cette décision. De son point de vue, la province devrait plutôt investir à long terme dans la gestion durable des forêts et l'adaptation au changement climatique, tout en augmentant le financement des services locaux de lutte contre les feux.
«Les moments graves exigent des réponses réfléchies et à long terme, et non des outils brutaux et des interdictions sévères, peut-on lire dans la déclaration publiée par le centre sur les réseaux sociaux. Cette interdiction est un mauvais moyen de s'attaquer au problème sous-jacent, à savoir les conditions sèches et dangereuses. Elle laisse les Néo-Écossais perplexes: est-ce ce à quoi nous devons nous attendre désormais?»
Dans une déclaration complémentaire, le centre a soutenu que la province devait veiller à ce que les services locaux de lutte contre les incendies, qui reposent en grande partie sur le bénévolat en Nouvelle-Écosse, disposent d'un financement adéquat et d'équipements modernes.
L'Ecology Action Centre a indiqué qu’il était impossible de réaliser mercredi et jeudi des entrevues.
La directrice générale du centre, Maggy Burns, a souligné dans un courriel que les conditions chaudes et sèches sont une réalité qui ne disparaîtra pas, et donc qu'il pourrait être nécessaire de restreindre certaines activités pour assurer la sécurité des communautés.
«Mais les Néo-Écossais méritent un plan fondé sur des preuves, à long terme et clairement communiqué pour faire face à l'urgence climatique, y compris les feux de forêt», a-t-elle plaidé jeudi.
La province se défend
S'adressant mercredi aux journalistes à Ottawa, la députée fédérale conservatrice Michelle Rempel Garner a critiqué les restrictions imposées au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, tout en accusant Ottawa d'«inaction» face aux incendies de forêt.
L'élue albertaine, bien qu'elle comprenne la peur des résidants des Maritimes, croit que restreindre les déplacements des individus n'est «pas juste».
«Chaque fois qu'une crise majeure survient, l'inaction du gouvernement libéral a conditionné les Canadiens à s'attendre à ce que la seule réponse qu'ils puissent attendre de leur gouvernement fédéral soit de restreindre leurs déplacements», a affirmé Mme Rempel Garner. Ces restrictions ont été mises en place par les gouvernements provinciaux.
Le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Tim Houston, a balayé ces critiques lors d'une conférence de presse mercredi soir.
«Je trouve remarquable l'intérêt que portent à la forêt néo-écossaise des personnes qui ne vivent pas en Nouvelle-Écosse et qui n'y ont probablement pas passé beaucoup de temps dans leur vie, a laissé tomber M. Houston. Notre seule préoccupation est d'assurer la sécurité des gens. Nous ferons tout ce qui est nécessaire pour protéger des vies, et c'est ce que nous faisons dans ce cas-ci.»
Selon Mme Baltzer, les Canadiens de l'Atlantique devront peut-être s'habituer à de telles précautions, tout en réfléchissant à des moyens de réduire les risques d'incendie autour d'eux. Cela peut inclure l'élimination des matériaux inflammables ou l'éclaircissement de certaines zones boisées.
«Dans tout le pays, nous pouvons nous attendre à ce que les feux de forêt deviennent un problème plus important auquel nous devrons tous faire face à mesure que le climat se réchauffe et s'assèche, a-t-elle fait valoir. Cela va nécessiter à la fois des mesures politiques très fortes de la part des gouvernements pour atténuer le changement climatique le plus rapidement possible, mais aussi, au niveau communautaire, des actions individuelles pour aider à minimiser les risques.»

