Les efforts déployés par TikTok pour tenir les enfants à l'écart de la plateforme et empêcher la collecte et l'utilisation de leurs renseignements personnels sensibles étaient «inadéquats», ont estimé mardi les autorités fédérales et provinciales chargées de la protection de la vie privée. Cependant, elles admettent que l'entreprise prend des mesures pour répondre à leurs préoccupations.
Les responsables de la protection de la vie privée du gouvernement fédéral, du Québec, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique ont publié les résultats de leur enquête conjointe sur le réseau social TikTok, lancée en 2023.
Dans un communiqué de presse, ils ont indiqué que, bien que la plateforme ne soit pas destinée aux enfants de moins de 13 ans, des centaines de milliers d'enfants canadiens utilisent TikTok chaque année, ajoutant que l'entreprise collecte et utilise leurs renseignements personnels.
Le commissaire fédéral à la protection de la vie privée, Philippe Dufresne, a déclaré mardi aux journalistes, sur la colline du Parlement, que TikTok est l'une des applications de réseaux sociaux les plus populaires au pays et «celle qui est la plus utilisée par les enfants et les adolescents canadiens».
Il a souligné que l'entreprise «utilise les renseignements qu'elle recueille, y compris les données biométriques, pour estimer l'âge des utilisateurs à ses propres fins commerciales».
Le rapport conclut que la plateforme n'a pas expliqué adéquatement aux utilisateurs «que l'analyse de leur visage servirait à déduire leur âge et leur sexe, notamment pour diffuser des publicités personnalisées et des recommandations de contenu».
L’enquête a examiné si le réseau social respecte la législation canadienne sur la protection de la vie privée et si un consentement «éclairé» est obtenu, en mettant l’accent sur la manière dont les pratiques de TikTok en matière de confidentialité s’appliquent aux enfants et aux jeunes.
Les autorités de protection de la vie privée indiquent que la société avait accepté de renforcer ses communications sur les mesures de confidentialité et d’améliorer l’utilisation de méthodes de vérification de l’âge afin de garantir que les utilisateurs mineurs n’accèdent pas à la plateforme. Elles ont également noté que l'entreprise avait apporté certaines améliorations à ses pratiques au cours de l'enquête.
M. Dufresne a déclaré mardi que, bien que les autorités de protection de la vie privée soient satisfaites des efforts déployés par TikTok jusqu'à présent, ses collègues et lui suivront la situation de près.
«Il reste encore des mesures à prendre (…). Pour l'instant, nous estimons que le problème est résolu sous condition», a-t-il déclaré.
Dans leur rapport, les autorités de protection de la vie privée indiquent avoir «découvert que TikTok supprime environ 500 000 utilisateurs mineurs de la plateforme chaque année», mais que l'entreprise a collecté les informations de ces utilisateurs avant de les supprimer.
«Conscients des lacunes importantes observées dans les mécanismes de détection des utilisateurs mineurs de TikTok, nous avons conclu qu'il était probable que de nombreux autres enfants continuaient d'utiliser la plateforme sans être détectés et, par conséquent, faisaient l'objet de profilage et de ciblage par TikTok», indique le rapport.
Il est également «particulièrement troublant» que TikTok ait utilisé «des outils d'analyse sophistiqués pour l'estimation de l'âge à diverses fins commerciales», mais ne semble pas avoir envisagé «d'utiliser ces outils ou d'autres outils similaires pour empêcher les utilisateurs mineurs d'accéder à la plateforme, d'y être suivis et profilés».
Un porte-parole de TikTok a déclaré que l'entreprise se réjouissait de «la conclusion de cette enquête, fruit d'une collaboration ouverte et constructive avec les commissaires à la protection de la vie privée, et se réjouissait qu'ils aient accepté plusieurs de nos propositions visant à renforcer notre plateforme pour les Canadiens».
«Bien que nous soyons en désaccord avec certaines conclusions, nous demeurons déterminés à maintenir de solides pratiques en matière de transparence et de confidentialité», a écrit le porte-parole dans une déclaration envoyée par courriel.
Selon la présidente de la Commission d’accès à l’information du Québec, Lise Girard, 40 % des Québécois de 6 à 17 ans ont un compte sur TikTok et la proportion s'élève à 17 % pour les 6 à 12 ans.
Les inquiétudes concernant la confidentialité et la sécurité de TikTok et de sa société mère chinoise ByteDance se sont multipliées en raison des lois chinoises sur la sécurité nationale qui obligent les organisations nationales à participer à la collecte de renseignements.
L'année dernière, le gouvernement fédéral a ordonné la dissolution des activités canadiennes de TikTok à la suite d'un examen de sécurité nationale de ByteDance.

