Outrés, les syndicats accusent le gouvernement Legault de chercher à faire diversion de son piètre bilan, avec son projet de loi sur la gouvernance des syndicats qui vient d'être déposé par le ministre du Travail, Jean Boulet.
En entrevue, le président de la CSQ, Éric Gingras, en conclut que «c'est le mouvement syndical qui paie présentement pour un gouvernement qui est bas dans les sondages».
«Globalement, on paie parce que le gouvernement, par l'entremise de son premier ministre, cherche à gagner des points, cherche un ennemi. Et il a identifié certains groupes, dont les syndicats», a commenté en entrevue Éric Gingras.
Il affirme ne pas en avoir contre la transparence, comme le fait de donner suffisamment de temps aux membres pour prendre connaissance du contenu d'une entente de principe et pour voter, ni contre les règles touchant l'accès aux états financiers vérifiés d'un syndicat, mais le projet de loi va plus loin, en restreignant ce à quoi pourront servir les cotisations syndicales.
«Donc, ce ne sont plus nécessairement les membres qui se prononcent, mais c'est le gouvernement qui décide ce qui est facultatif ou pas» dans l'utilisation des cotisations syndicales, déplore M. Gingras..
La présidente de la FTQ, Magali Picard, décrit l'héritage du gouvernement Legault comme celui de «la division et du chaos». Elle lui reproche de se chercher des boucs émissaires, alors qu'il est à la traîne dans les sondages.
La présidente de la CSN, Caroline Senneville, renchérit: « s'il y a bien quelqu'un qui ne peut pas faire de leçon de transparence et de bonne gestion, c'est ce gouvernement. Après les scandales comme SAAQclic et Northvolt, c'est fort en café de nous faire croire que l'urgence est de venir jouer dans la gestion des affaires syndicales».
L'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) évoque une «attaque désespérée».
En entrevue, sa vice-présidente, Émilie Charbonneau, a déploré que «le gouvernement s'ingère dans la démocratie syndicale et tente de donner des leçons aux syndicats sur des choses que lui-même n'est pas en mesure de faire, c'est-à-dire de la transparence et de la rigueur budgétaire».
À la Centrale des syndicats démocratiques (CSD), le président Luc Vachon en rajoute: «soyons francs au moins, ce projet de loi ne vise pas véritablement la transparence: il cherche à faire taire les contre-pouvoirs. Il vise à enlever les moyens de s’opposer et à concentrer toujours plus de décisions entre les mains du gouvernement et à réduire la portée du mouvement syndical».
Le président du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), Guillaume Bouvrette, reproche au gouvernement de s'être cherché «un méchant sur qui tirer pour détourner l’attention de ses échecs majeurs, comme Northvolt, Recyclage Carbone Varennes, SAAQclic et Lion Électrique. Il a décidé que ce serait les syndicats.»
La présidente de la Fédération autonome de l'enseignement, Mélanie Hubert, reproche au ministre du Travail d'utiliser «des cas isolés et de les généraliser pour en faire un projet de loi mur à mur, et ce, pour des raisons idéologiques».
Employeurs et autres
Les associations qui représentent des employeurs se sont cependant réjouies.
La Fédération des chambres de commerce du Québec salue l'«approche modérée» qui rendra une partie des cotisations syndicales facultatives. «Comme les entreprises qui font face à de plus en plus d'obligations, de reddition de comptes et de transparence, il est normal que les syndicats aussi aient à se conformer à de nouvelles exigences», a opiné Véronique Proulx, présidente-directrice générale.
À l'Institut économique de Montréal, Gabriel Giguère, analyste senior en politiques publiques, trouve que le projet de loi est un pas dans la bonne direction, mais qu'il ne va pas assez loin. «Si le fait de rendre facultative une part des cotisations est un bon premier pas, il serait préférable que Québec laisse à chaque syndiqué le droit de refuser de financer des campagnes qui vont à l’encontre de ses valeurs. »

