Hospitalisée au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) en raison de microfractures à la cheville, une dame de 68 ans de Montréal, handicapée et malade, déplore avoir dû attendre 21 heures avant de pouvoir bénéficier d’un retour à la maison par ambulance. Elle pointe du doigt la grève tournante des paramédicaux d’Urgences-Santé.
Linda Gauthier s’est présentée une première fois au CHUM le 21 novembre dernier alors qu’elle devait passer des examens. La dame est atteinte de sclérose en plaques et elle doit suivre des traitements pour un cancer colorectal. On vient aussi de lui diagnostiquer un cancer primaire à un poumon.
Ayant de fortes douleurs au niveau d’un pied, Mme Gauthier est à nouveau transportée à l’hôpital, cette fois par ambulance, le dimanche suivant cette visite (le 23 novembre dernier). Après des examens, un médecin lui dit qu’elle a des micro-fractures à la cheville.
Mme Gauthier croit que cette blessure lui a été causée lors de sa visite du 21 novembre, alors qu’elle a dû être «transférée».
«Ce sont les techniciennes au département de radiographie. C’est clair qu’elles nous manipulent du mieux qu’elles peuvent, mais elles ne voient pas ce qui se passe à l’intérieur [du pied], je peux comprendre ça, mais je me demande quand même s’ils prennent les soins aux personnes handicapées à cœur? Est-ce qu’ils nous écoutent finalement?», a partagé Mme Gauthier avec Noovo Info.
Après avoir reçu des soins, Linda Gauthier obtient son congé autour de 16h dimanche. Une infirmière lui dit qu’elle contactera Urgences-Santé pour qu’elle soit ramenée à la maison en ambulance puisqu’elle ne doit pas faire pression sur son pied.
Entre temps, la dame est mise sur une civière dans un corridor de l’hôpital puisque sa chambre doit être libérée.
Finalement, Mme Gauthier aura attendu environ 21 heures avant de rentrer à la maison.
«Un ambulancier d’Urgences-Santé m’a dit qu’ils n’avaient pas fait ça méchamment [le long temps d’attente], qu’ils ne voulaient pas me faire attendre impunément, mais qu’ils avaient reçu l’appel du CHUM qu’à 19 heures et que pour les non-urgences, en période de grève, ils n’opéraient pas en dehors de midi à 17h», a expliqué Mme Gauthier.
Mme Gauthier aurait reçu des excuses de la part des ambulanciers, affirmant qu’ils comprenaient sa situation. Des excuses qui ne passent pas très bien.
«Non, ils ne comprennent pas. Je suis désolée, ils ne peuvent pas comprendre ce qu’on vit, les malaises. On est mal tout le temps couché comme ça», a témoignée Mme Gauthier.

Linda Gauthier aurait voulu que son cas soit mieux traité. Elle souhaite également que chaque centre hospitalier universitaire du Québec soit doté d’une équipe formée pour être capable de transférer des patients au même titre que les ambulanciers, et ce, pour chaque quart de travail.
«Si ça avait été le cas au CHUM, une personne aurait pu m’accompagner dans le transport adapté et j’aurais pu rentrer à la maison bien plus vite», a confié la dame.
«Sensible» à cette histoire
Urgences-Santé a confirmé à Noovo Info avoir été mis au courant de la mésaventure de Mme Gauthier et être «sensible» à ce type d’évènement. «Ce n’est pas le fun, vous avez raison, de rester à l’hôpital quand on pourrait très bien rentrer à la maison, ce n’est pas du tout agréable», a convenu Jean-Pierre Rouleau, porte-parole d’Urgences-Santé.
Si Urgences-Santé dit mettre tout en œuvre pour offrir un service de qualité à la population, M. Rouleau rappelle que l’organisation est dans un contexte de négociation où il y a eu un jugement du Tribunal administratif. «Les paramédics sont en négociation pour le renouvellement de leur convention collective, il y a eu un vote de grève, régi par les services essentiels, et certaines activités ont été réduites», a expliqué Jean-Pierre Rouleau.
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L’un des services ayant été réduit est celui visant le transport interhospitalier qui inclut des transports par ambulance entre un centre hospitalier et la résidence d’un patient. «Les retours à domicile s’effectuent uniquement entre midi et 17 heures, à moins d’une situation exceptionnelle», a précisé M. Rouleau.
Urgences-Santé confirme avoir reçu un appel pour Mme Gauthier le 23 novembre peu après 19 heures.
«La fenêtre d’opportunités ce jour-là pour la ramener à la maison n’était pas possible, donc ça allait au lendemain. Les établissements étaient avisés depuis l’été. Nous n’avons même pas tenté d’affecter cet appel ou d’envoyer une ambulance sachant que les paramédics ne le feraient pas. On se doit de respecter les moyens de pression», a expliqué le porte-parole d’Urgences-Santé.
Jean-Pierre Rouleau précise qu’évidemment, s’il n’y avait pas de moyens de pression chez les paramédics à l’heure actuelle, Mme Gauthier serait rentrée chez elle plus tôt.
«On va toujours passer les appels urgents en premier, mais si on prenait une photo de la journée du 23 novembre dernier, on aurait été capable de ramener madame à la maison en début de soirée», a-t-il affirmé en expliquant à Noovo Info qu’Urgences-Santé compte normalement – donc en dehors des moyens de pression — sur une équipe dédiée à l’interhospitalier, et ce, 24 heures sur 24.
Évidemment, le transport interhospitalier par ambulance doit s’adapter à la demande.
Jean-Pierre Rouleau a expliqué à Noovo Info qu’il faut faire la différence entre la réponse 911, qui concerne les urgences classées selon différentes priorités, et la réponse interhospitalière.
«Les gens peuvent avoir confiance dans les services d’Urgences-Santé. La réponse 911 n’est pas impactée par les moyens de pression, tout est mis en œuvre pour qu’une équipe de paramédics soient au chevet du patient pour lui porter secours», a tenu à préciser M. Rouleau.
Contacté par Noovo Info, le CHUM n’a pas voulu commenter le cas spécifique de Mme Gauthier «par respect pour la confidentialité», mais a quand même aussi spécifié que les retours à la maison par ambulance «doivent actuellement se faire entre 12h et 17h».
«Cette contrainte découle d’un moyen de pression exercé par Urgences-Santé et autorisé par le Tribunal administratif du travail. Il ne s’agit pas d’une décision du CHUM», a-t-on écrit en ajoutant que «malgré les circonstances, nos équipes sur le terrain demeurent pleinement mobilisées pour soutenir les patients. Offrir des soins sécuritaires et de qualité à l’ensemble de la population est une priorité au CHUM».
Des plaintes déposées
Alerté par la situation, Steven Laperrière, directeur général du Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ) – un organisme qui appuie et accompagne les personnes en situation de handicap victimes de discrimination et qui a été cofondée par Mme Gauthier – a porté plainte à Urgences-Santé ainsi qu’au Commissaire local aux plaintes et à la qualité des services du CHUM.

M. Laperrière estime qu’il y a eu de la négligence dans cette affaire.
«Je savais qu’il y avait des moyens de pression administratifs chez Urgences-Santé, mais je ne savais pas que ça découlait sur le terrain», a-t-il affirmé à Noovo Info.
M. Laperrière croit que le CHUM aurait pu agir plus rapidement pour faire sa demande de transfert en ambulance ce qui aurait permis à Mme Gauthier d’être à la maison dans un délai plus raisonnable.
«Je comprends que la vie de madame n’était pas en danger, mais quand même, ils ont été négligents, madame Gauthier à un cancer, une santé fragile et rester à l’hôpital indument, c’est dangereux pour elle», a-t-il partagé.
M. Laperrière craint par ailleurs que cette situation ne soit pas la seule.
«C’est sûrement arrivé à d’autres, combien de temps de plus, inutile, ont-ils passé à l’hôpital?», s’est-il questionné.
Sans contrat de travail depuis 2 ans
Sans contrat de travail depuis le 1er avril 2023, quelque 3300 ambulanciers paramédicaux membres de syndicats affiliés à la CSN ont déclenché une grève en juillet dernier.
Trente-cinq avis de grève à durée indéterminée ont été transmis dans plusieurs villes du Québec par des syndicats de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS), affiliée à la CSN, dont le Syndicat du préhospitalier (FSSS-CSN) qui représente les syndiqués(es) d'Urgences-Santé.
L'aspect salarial figure parmi les principaux enjeux en litige avec, entre autres, le respect des horaires de travail et la bonification du régime de retraite.
Noovo Info a contacté par courriel le Syndicat du préhospitalier (FSSS-CSN) pour obtenir ces commentaires sur l'histoire de Mme Gauthier, mais n'a pas obtenu de réponse au moment de publier cet article.

