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«Penses-tu au suicide?»: il faut poser la question directement, fait valoir l'AQPS

Le taux de suicide ne cesse de diminuer depuis les années 2000, mais il y a encore trois suicides par jour au Québec.

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f2a9a92e7c3fad0b7093b257c597e3b590c1a6bcd3c2d9cfa745fc38acbf574a.jpg En 2024, plus de 25 000 interventions ont été faites au Québec via la plateforme de clavardage suicide.ca. Sur cette photo d'archive datant du 11 août 2019, un homme utilise son téléphone portable à La Nouvelle-Orléans. (Jenny Kane / The Associated Press)

Le taux de suicide ne cesse de diminuer depuis les années 2000, mais il y a encore trois suicides par jour au Québec. À l'occasion de la Journée mondiale de la prévention du suicide, l'AQPS souhaite briser un mythe répandu selon lequel parler du suicide peut aggraver les choses. 

Le thème mondial de cette année est «changer le discours». Pour l'Association québécoise de prévention du suicide (AQPS), cela veut dire de déconstruire des mythes entourant le suicide pour mettre la lumière sur les vérités qui s'y cachent souvent. 

Un des mythes les plus répandus en prévention de suicide est que si on pose la question directement à une personne: «penses-tu au suicide?», cela va l'encourager à passer à l'acte. 

«C'est un mythe qui est là depuis longtemps et qui existe encore aujourd'hui. Mais la réalité, c'est le contraire. Poser la question ou parler de suicide avec quelqu'un qu'on suspecte qu'il ne va pas bien, ça ne l'encouragera pas à l'acte, ça va plutôt l'amener à exprimer sa souffrance», indique Hugo Fournier, président-directeur général de l'AQPS.

«Et lorsqu'on pose la question clairement, la personne en détresse souffrante va souvent ressentir du soulagement et va constater qu'elle peut en parler librement. Ça enlève le tabou. Et ça, si on est capable au Québec aujourd'hui de se rappeler qu'il faut parler de suicide directement et qu'il ne faut pas avoir peur de poser la question [...] c'est tout un acquis qu'on va avoir eu», ajoute-t-il. 

Explosion du nombre d'utilisateurs de services de clavardage

M. Fournier fait valoir que les ressources d'aide sont efficaces et qu'il ne faut pas hésiter à les consulter, comme en témoigne le balado «ça va-tu». Ce balado animé par l’humoriste Jonathan Roberge, qui est aussi ambassadeur de la prévention du suicide à l'AQPS, présente des personnalités qui parlent du suicide sans tabou, qui ont vécu de la détresse et qui ont réussi à se rétablir. 

«C'est-à-dire demander de l'aide. Ils ont fait un geste de force et ils ont réussi à se sortir de cette souffrance, précise le pdg de l'AQPS. En prévention de suicide, nous, on martèle les messages de prévention, mais ce qui touche beaucoup les gens, c'est: ''ça marches-tu?''. Dans ce balado, on a des exemples de témoignages que oui, ça marche, que oui, l'espoir revient», décrit-il. 

Les services de clavardage et de texto en prévention du suicide sont également efficaces et permettent de rejoindre une clientèle différente. En quatre ans, le nombre d'utilisateurs de ces services a explosé. 

«On a lancé le service de clavardage et de texto virtuel en 2020. Il y avait 275 interventions. Puis l'année passée, on en a fait 25 088 au Québec. Ce n'est pas rien», lance M. Fournier. 

 

Le clavardage disponible sur suicide.ca se fait en partenariat avec trois centres de prévention situés à Montréal, Sorel et Québec. «Ces intervenants sont derrière l'écran, derrière le cellulaire, donc ça offre une porte d'entrée, une ressource de première ligne à des Québécois ou des Québécoises qui souffrent et qui ne veulent pas nécessairement appeler au téléphone. Donc, l'accessibilité est renforcée», souligne M. Fournier. 

Selon un sondage Léger commandé par l’AQPS en mars 2025 afin de mesurer la notoriété des outils, on apprend qu'un adulte sur deux au Québec a déjà été directement touché soit par des idées suicidaires, de l’inquiétude pour un proche ou le deuil d’une personne aimée.

Certaines populations sont surreprésentées dans les statistiques de décès par suicide, notamment la tranche d'âge 50 à 65 ans ainsi que les hommes, qui meurent par suicide trois fois plus souvent que les femmes. 

Le fait que les hommes soient plus touchés par le suicide s'explique en partie en raison des normes de la masculinité traditionnelle qui valorisent notamment la force. Pour agir face aux valeurs du masculinisme qui connaissent un regain au Québec et ailleurs dans le monde, M. Fournier estime qu'il faut changer le discours autour de l'homme fort. 

«Je pense qu'il faut continuer à marteler des exemples de force et de courage, mais dans un contexte que c'est fort de demander de l'aide. [...] Une personne courageuse et forte, c'est une personne qui va réussir à mettre la main sur l'épaule de son chum et dire: ''hey mon chum, on va-tu prendre un café? Je sens que ça ne va pas''. Donc, il va falloir contrecarrer ces mythes-là et ces fausses croyances», affirme M. Fournier. 

Si vous pensez au suicide ou vous inquiétez pour un proche, des intervenants sont disponibles en tout temps au 1 866 APPELLE (1 866 277-3553), par texto (535353) ou par clavardage à suicide.ca.

Katrine Desautels

Katrine Desautels

Journaliste