Justice

Mark Carney prévoit durcir les règles de mise en liberté sous caution

«Nous offrons ces changements pour que les récidivistes violents soient éliminés de nos rues», a affirmé M. Carney.

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7572b0f638cdd227127773b5db17c8b2bd079fe0de1dbefec524ebce77b27f74.jpg Prime Minister Mark Carney arrives on Parliament hill for a cabinet meeting on Thursday, Oct. 9, 2025. THE CANADIAN PRESS/Adrian Wyld (Adrian Wyld | La Presse canadienne)

Le gouvernement libéral instaurera des normes plus strictes en matière de mise en liberté sous caution et de détermination de la peine pour les crimes violents dans un projet de loi qui sera déposé la semaine prochaine, a annoncé jeudi le premier ministre Mark Carney.

Cette loi rendra plus difficile l'obtention d'une mise en liberté sous caution pour une demi-douzaine d'infractions violentes et liées au crime organisé, a soutenu M. Carney 

«Nous offrons ces changements pour que les récidivistes violents soient éliminés de nos rues», a affirmé M. Carney lors d'une conférence de presse à Etobicoke, en Ontario.

Le projet de loi instaurerait un renversement du fardeau de la preuve en matière de cautionnement pour certaines infractions. Cela signifie que ce sera à l'accusé de justifier sa mise en liberté sous caution.

Ces nouvelles dispositions s'appliqueraient au vol de véhicule avec violence, à l'introduction par effraction, à la traite et au trafic de personnes, aux voies de fait et aux agressions sexuelles, ainsi que l'extorsion.

Le projet de loi autorisera aussi les peines consécutives pour les délinquants violents et les récidivistes, afin d'éviter que plusieurs peines ne soient purgées simultanément. Selon les explications du premier ministre, cela signifie qu'un délinquant condamné à une peine de sept ans et à une peine de cinq ans devra purger un total de 12 ans, et non sept.

 

Il a déclaré que son gouvernement avait l'intention de «durcir les peines pour les récidivistes de vols d'automobiles par le crime organisé et les braquages à domicile».

Les libéraux prévoient également introduire des peines plus punitives pour les vols organisés dans les commerces de détail et éliminer les peines avec sursis pour les agressions sexuelles.

La Cour suprême a jugé inconstitutionnelles certaines peines consécutives. En 2022, elle a invalidé une disposition permettant à un juge d'imposer une peine d'emprisonnement à perpétuité et une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans à purger consécutivement, affirmant que cette disposition violait la garantie contre les traitements cruels et inusités de la Charte des droits et libertés.

Mark Carney a indiqué que le gouvernement avait consulté divers intervenants lors de l'élaboration du projet de loi, notamment des constitutionnalistes.

«Nous nous attendons à ce que ce projet de loi fasse ce qu'il est censé faire. Il durcit les règles, punit les criminels, contribue à notre sécurité et est également conforme à la Charte des droits et libertés», a-t-il déclaré.

Recommandations de la police, des provinces et des municipalités

Le ministre de la Justice, Sean Fraser, a indiqué à La Presse Canadienne que le gouvernement avait élaboré le projet de loi à partir des suggestions des forces de l'ordre et des premiers ministres. Ces deux groupes ont réclamé des lois plus strictes en matière de mise en liberté sous caution.

«Nous avons commencé par dire qu'à moins de préoccupations constitutionnelles évidentes, nous supposons que nous voulons inclure les suggestions des forces de l'ordre ou des gouvernements provinciaux», a expliqué M. Fraser en entrevue.

Il a ajouté que le gouvernement avait également entendu les associations de commerçants du centre-ville et les administrations municipales «souligner la nécessité de s'attaquer aux délinquants à haut volume qui commettent de nombreux crimes qui ne sont pas toujours violents, mais qui remettent en question le sentiment de sécurité de nombreux Canadiens dans leur municipalité». Il a ajouté que «beaucoup» de ces préoccupations se refléteraient dans le projet de loi.

Selon M. Fraser, il serait «irresponsable» de chercher à adopter des lois qui seraient invalidées par les tribunaux.

«Heureusement, j'en suis convaincu, la grande majorité des recommandations que nous avons reçues des forces de l'ordre et des gouvernements provinciaux sont conformes à la Constitution», a-t-il dit.

Interrogé sur la réaction de son gouvernement si la Cour suprême du Canada rejetait les modifications apportées à la détermination de la peine, M. Carney a répondu qu'il s'y conformerait.

«Si la Cour suprême juge quelque chose d'illégal, il faut suivre son avis. Nous sommes au Canada. C'est un pays de droit», a-t-il déclaré.

Le chef conservateur Pierre Poilievre, qui a constamment accusé les libéraux de laxisme en matière de criminalité, a déclaré lors des élections fédérales du printemps dernier qu'il serait prêt à utiliser la disposition de dérogation de la Constitution pour faire de ses propositions de politiques en matière de criminalité une loi. Une telle mesure de la part du gouvernement fédéral serait sans précédent.

Niant que le projet de loi soit une réponse aux pressions des conservateurs, M. Fraser a affirmé qu'il s'agissait d'une «réponse à un appel clair des Canadiens à modifier nos lois».

Il a ajouté qu'il ne tenterait pas de prédire l'appui ou non des conservateurs au projet de loi.

«Si leur évaluation est motivée par l'amélioration de la sécurité publique, ils appuieront le projet de loi, a avancé le ministre Fraser. S'ils cherchent à créer une brèche politique contre le gouvernement fédéral, pour des raisons politiques, ils pourraient adopter un point de vue différent.»

Le gouvernement prévoit également embaucher 1000 nouveaux employés de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Parmi eux, 150 se spécialiseront dans la criminalité financière et cibleront les réseaux de blanchiment d'argent, le crime organisé, la fraude en ligne et le recouvrement d'actifs.

Réactions

L'Association canadienne des libertés civiles a déclaré jeudi qu'elle s'opposait fermement aux modifications proposées à la loi. Shakir Rahim, directeur du programme de justice pénale de l'association, a écrit dans un communiqué de presse qu'il n'existe aucune preuve que la mise en liberté sous caution «soit à l'origine de la criminalité».

Depuis des années, des appels sont lancés pour que le gouvernement publie des données normalisées sur la libération sous caution, a-t-il rappelé.

«Nous ne disposons même pas de chiffres de base, comme le nombre de personnes qui commettraient de nouveaux délits alors qu'elles sont en liberté sous caution», a ajouté M. Rahim.

La Fédération canadienne des municipalités a toutefois salué cette annonce, la qualifiant de «signe que le gouvernement fédéral est à l'écoute des préoccupations».

La Fédération a déclaré dans une publication sur les réseaux sociaux que la réforme du cautionnement «doit intégrer la réalité à laquelle font face les municipalités et les services policiers sur le terrain», ajoutant que «les policiers passent trop de temps à arrêter les mêmes récidivistes, au lieu de répondre aux autres urgences et de protéger les communautés. Les chefs de police l’ont clairement dit: ce cycle nuit au système et met la population canadienne en danger.»