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Loi sur les grands projets: Carney dit être «ici pour écouter» les Premières Nations

Mark Carney et plusieurs de ses ministres rencontrent des centaines de dirigeants des Premières Nations à Gatineau.

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496369decf764eec9b1afb37baa1f8e1020b0cd5e85216a6b73046d14d3e503d.jpg Prime Minister Mark Carney speaks during Canada Day celebrations at LeBreton Flats in Ottawa, on Tuesday, July 1, 2025. THE CANADIAN PRESS/Spencer Colby (Spencer Colby | La Presse canadienne)

Le premier ministre Mark Carney s'est dit optimiste quant aux chances de parvenir à un consensus concernant la loi fédérale sur les grands projets alors qu'il entamait jeudi une réunion avec des centaines de chefs des Premières Nations. Toutefois, en milieu d'après-midi, certains d'entre eux avaient déjà quitté le sommet. 

Le grand chef du Conseil mohawk de Kahnawake, Cody Diabo, a rapporté avoir pris le micro pour exprimer sa frustration avant de quitter la réunion, précisant que les chefs s'attendaient à avoir le temps de dialoguer avec le premier ministre et les ministres, mais qu'on leur avait plutôt demandé de parler entre eux.

«Je ne sais même pas ce que c'est, mais ce n'est pas un dialogue. Ce n'est certainement pas une consultation. Je suis sans voix», s'est-il insurgé après avoir quitté la réunion.

M. Diabo a déclaré que le gouvernement semblait tenter de rassembler des personnes qui soutiennent son plan et a qualifié la réunion de «façade».

Le matin, M. Carney a annoncé qu'il prévoyait passer la journée à écouter les préoccupations des dirigeants des Premières Nations concernant la Loi visant à bâtir le Canada, qui permet au gouvernement d'accélérer les grands projets qu'il juge d'intérêt national.

«Je prononcerai quelques mots au début et répondrai aux questions à la fin, mais je suis ici pour écouter, dialoguer et aller de l'avant», a déclaré M. Carney aux journalistes avant le début de la réunion.

Il a été accueilli par des acclamations lorsqu'il est monté sur scène jeudi matin pour prononcer son discours d'ouverture.

«La valeur économique de ces projets sera partagée avec les Premières Nations en tant que partenaires qui contribueront à bâtir la prospérité de vos communautés pour les générations à venir», a soutenu M. Carney au début de la réunion au Musée canadien de l'histoire, à Gatineau.

Les médias rapidement écartés

Après sa brève allocution, les médias ont été escortés hors de la salle et empêchés d'entendre la cheffe nationale de l'Assemblée des Premières Nations (APN), Cindy Woodhouse Nepinak, s'adresser aux centaines de chefs réunis, malgré son souhait que les médias restent présents.

L'APN a plaidé pour que l'intégralité de la réunion soit rendue publique, et Mme Woodhouse Nepinak s'est par la suite excusée d'avoir dû tenir une conférence de presse à l'extérieur du musée.

«Vous auriez dû être présents et vous auriez dû entendre mon discours», a-t-elle affirmé.

Cette réunion à huis clos avait été promise par M. Carney en juin, lorsque les chefs ont affirmé que leurs droits n'avaient pas été respectés par la précipitation avec laquelle la Loi visant à bâtir le Canada a été adoptée. La loi a été adoptée avec l'appui des conservateurs moins d'un mois après son dépôt.

Elle permet au Cabinet d'accorder rapidement des autorisations fédérales pour de grands projets industriels, tels que des mines, des ports et des pipelines, en contournant les lois existantes. Elle confère également au Cabinet le pouvoir de déterminer quels projets sont d'intérêt national.

L'ancien chef national Ovide Mercredi s'est adressé directement à M. Carney lors de la réunion, affirmant que ce dernier demandait aux Premières Nations de faire confiance au gouvernement et à la loi, malgré les craintes qu'elle suscite chez les dirigeants.

Un enregistrement a été fourni à La Presse Canadienne par un chef participant au sommet.

«Il y a toujours des limites à nos conversations dans des forums comme celui-ci. Mais si vous venez sur notre territoire, nous vous honorerons. Nous vous traiterons avec le respect que vous méritez en tant que chef de ce pays», a commencé le chef Mercredi.

«Mais en même temps, nous nous attendons à ce que vous honoriez également notre peuple et nos dirigeants», a-t-il poursuivi avant de recevoir une ovation.

La cheffe de la Première Nation crie de Waswanipi, Irene Neeposh, estime de son côté que M. Carney s’est montré à l’écoute, jeudi, mais elle attend de voir si un réel dialogue s’installera au fil du temps.

«Il faut donner une chance. Le message est communiqué, mais c'est plus qu'un message (qui est nécessaire), ce sont les actions qui viennent avec le message qui vont être importantes», a-t-elle dit.

Elle a souligné que, dans sa communauté située dans le Nord-du-Québec, des critères de protection de la faune s’appliquent pour tout projet de développement et ceux-ci ont été élaborés au fil d'une vingtaine d’années. Ces critères pourraient servir dans le cas de la nouvelle loi fédérale, croit-elle, afin d’assurer un équilibre. «J'espère qu'il va y avoir un peu de flexibilité pour faire des ajustements (…). L'impact va être directement dans les communautés qui sont sur les mêmes sites que ces projets-là.»

D'autres réunions prévues

M. Carney a dit aux journalistes que la réunion de jeudi constituait la première étape d'un processus.

«Alors que nous bâtissons notre nation, nous bâtissons toutes les nations, ensemble, en partenariat, a-t-il déclaré. Aujourd'hui, nous parlerons de la construction de partenariats avec les Premières Nations, parfois en partenariat, parfois avec des projets menés par les Premières Nations.»

De nombreux dirigeants des Premières Nations ont déclaré mercredi avoir peu d'attentes à l'égard de la réunion et ont averti qu'elle ne devrait pas être considérée comme la consultation complète requise pour les grands projets.

Lorsqu'on lui a demandé s'il pensait que le gouvernement pouvait obtenir un consensus des dirigeants des Premières Nations sur la marche à suivre, M. Carney a répondu : «Oui, je le pense». 

«Tout le monde souhaite améliorer le pays. Tout le monde souhaite de meilleures perspectives pour ses enfants. Tout le monde souhaite davantage de ressources pour les services sociaux, la santé, l'éducation et les services communautaires», a-t-il dit.

Le gouvernement prévoit tenir des réunions similaires avec les dirigeants inuits et métis au cours des prochaines semaines. M. Carney a indiqué qu'il rencontrerait les dirigeants inuits à Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, dans 10 jours, bien qu'une porte-parole ait par la suite déclaré ne pouvoir confirmer ni la date ni le lieu.

Il s'est également engagé à lancer un dialogue régional avec les Premières Nations et à poursuivre les processus de consultation.

- Avec des informations d'Émilie Bergeron de La Presse canadienne

Alessia Passafiume

Alessia Passafiume

Journaliste