Le Bloc québécois accuse Ottawa de «tentative de coup de force constitutionnel» en voulant «utiliser la Cour suprême pour enlever des pouvoirs constitutionnels au Québec et aux provinces».
Le député bloquiste Rhéal Fortin a déposé une motion mardi à la Chambre des communes, dans laquelle il «demande au gouvernement de se retirer complètement de la contestation judiciaire de la loi sur la laïcité de l’État du Québec en Cour suprême».
Dans un mémoire déposé la semaine dernière, le gouvernement fédéral ne se prononce pas directement sur la loi 21 sur la laïcité de l’État, mais demande à la Cour suprême d’encadrer la manière dont les gouvernements provinciaux peuvent invoquer la clause dérogatoire.
Ottawa soutient que le recours répété à cette clause équivaut à «modifier indirectement la Constitution» et que la Cour devrait pouvoir statuer sur la question de savoir si cela peut entraîner une «atteinte irréparable» aux droits des Canadiens.
Le chef bloquiste, Yves-François Blanchet, a vivement dénoncé la volonté d’Ottawa.
«La Constitution reflète la volonté des signataires à la Constitution. Et on ne peut pas revoir, spéculer, inventer, fabuler, multiplier les fariboles sur ce qu'était l'intention du législateur. Et on ne peut pas davantage demander au juge de se prêter à cet exercice», a-t-il lancé lors du débat en Chambre.
Le gouvernement Legault a adopté la loi 21 en 2019 et y a inséré directement la clause dérogatoire afin de la protéger contre la contestation devant les tribunaux.
La loi 21 interdit le port de signes religieux aux personnes en autorité, notamment les juges, procureurs de la Couronne, policiers, agents des services correctionnels et enseignants du primaire et du secondaire.
Les conservateurs prudents
Les députés conservateurs en Chambre ont évité de trop se mouiller, préférant plutôt attaquer le gouvernement Carney. Les libéraux et les bloquistes les ont talonnés pour qu’ils se prononcent sur le fond du débat entourant l’utilisation de la clause dérogatoire.
«(Le gouvernement) veut créer une crise constitutionnelle pour éviter qu'on parle de la crise des opioïdes, la crise de l'inflation et la crise de la dette», a affirmé le député conservateur de Mégantic—L'Érable—Lotbinière, Luc Berthold.
Le député bloquiste de Jonquière, Mario Simard, lui a demandé s’il croyait que le «Québec a la pleine capacité de répondre, de faire ses propres lois et d'encadrer le religieux?»
Ce à quoi Luc Berthold a simplement répondu: «oui».
«Le gouvernement ne se retirera pas»
La députée libérale de Pontiac—Kitigan Zibi, Sophie Chatel, a dit qu’«avec ce qu'on voit aujourd'hui chez nos voisins du Sud, il est plus que jamais essentiel de protéger nos droits et libertés enchâssés dans notre Constitution, dans la Charte».
«On ne doit pas permettre aux législatures de limiter ces droits sans encadrement, ni sans qu'un tribunal puisse examiner exactement si les limites sont justifiées», a ajouté la députée libérale.
Le député libéral des Pays-d'en-Haut, Tim Watchorn, a fermé la porte à la demande du Bloc québécois.
«Le gouvernement ne se retirera pas de ce débat devant la Cour suprême. Ce serait manquer à son devoir de défendre la Charte et de contribuer au maintien d'un cadre constitutionnel clair et cohérent pour tout le pays», a-t-il affirmé.
Pour sa part, le Nouveau Parti démocratique s’est dit «inquiet» d’une «multiplication d'utilisations de la classe dérogatoire» parfois «abusive», surtout lorsqu’elle est utilisée de manière préventive.
«Parce que les gouvernements provinciaux disent: “Je suspends les droits et libertés fondamentales, puis vous ne pouvez rien faire pour m'en empêcher”. Les tribunaux ne peuvent rien faire», a expliqué le député néo-démocrate Alexandre Boulerice.
Le vote sur la motion bloquiste aura lieu mercredi.

