Les experts en fabrication affirment qu’il existe des moyens précis d’intégrer l’intelligence artificielle (IA) au secteur pour réduire les coûts et améliorer les marges face aux tensions commerciales, mais soulignent que ce ne sera pas une solution miracle.
«Lorsque les États-Unis imposent un droit de douane de 25 %, si l’on peut réduire le prix d’approvisionnement de, disons, 20 %… on peut alors neutraliser le coût supplémentaire dû au droit de douane», affirme Chi-Guhn Lee, professeur à l’Université de Toronto et directeur du centre d’IA dans la fabrication.
Il ajoute que l’adoption de l’IA dans le secteur manufacturier canadien est actuellement «généralisée» et que l’intérêt est élevé dans tous les secteurs, mais que la mise en œuvre en est à des stades très différents selon les entreprises. Certaines entreprises ont investi il y a des années et sont maintenant «assez avancées», précise-t-il.
Il existe également des différences marquées entre les industries américaine et canadienne, selon Jayson Myers, chef de la direction de Next Generation Manufacturing Canada. Il indique qu’en moyenne, les entreprises canadiennes bénéficient d’un «énorme avantage» sur leurs homologues américaines, car «nous ne dépendons pas du volume de production».
«Nous misons sur notre capacité à spécialiser les produits et les services pour les clients. Et c’est là que l’IA peut véritablement apporter sa contribution.»
Il ajoute que l’un des principaux avantages de l’IA dans le secteur manufacturier se manifestera dans les usines, où les équipements pourront bénéficier de fonctionnalités telles que la maintenance prédictive et prescriptive.
L’IA peut également apporter un avantage dans la gestion de la chaîne d’approvisionnement.
M. Myers soutient que cette technologie peut aider à «analyser les capacités et les risques de la chaîne d’approvisionnement» tout en automatisant certains processus.
Ce que l’IA peut offrir à l’industrie, détaille M. Myers, c’est le développement de «systèmes de prédiction» et l’identification rapide des données qui mettent en évidence les risques ou les défauts. Un exemple, mentionne-t-il, est le développement de nouveaux matériaux à usage industriel. D’autres domaines incluent la robotique ou les véhicules autonomes en usine, ainsi que l’analyse des données des équipements pour prédire et éviter les pannes.
Comment exploiter son potentiel?
Cependant, sans une mise en œuvre adéquate, l’IA ne peut exploiter pleinement son potentiel.
«L’essentiel pour toute entreprise utilisant l’IA est de bien comprendre ses objectifs et d’examiner comment l’IA peut être mise en œuvre pour améliorer les processus essentiels à son plan d’affaires», conseille M. Myers.
Yi Li, cofondateur et vice-président exécutif de Maple Advanced Robotics, une entreprise de logiciels robotiques, explique que son entreprise a développé un système robotique autonome utilisant l’IA et la vision 3D pour effectuer des tâches spécialisées, comme le ponçage, le soudage, la pulvérisation, etc.
Par exemple, M. Li précise que son entreprise travaille avec une petite entreprise torontoise qui utilise ce système pour faire poncer les armoires de cuisine par un robot, une tâche généralement difficile à automatiser.
«Chaque porte a une taille différente, donc si l’on utilise des robots de manière traditionnelle, cela va prendre beaucoup de temps de programmation», avance M. Li.
Grâce à l’approche de son entreprise, générer un panneau par numérisation peut prendre environ quatre secondes, «ce qui, en production, se fait quasiment en temps réel», ajoute-t-il.
Le robot peut atteindre une production quotidienne maximale d’environ 350 panneaux sur une période de production de huit heures, soit l’équivalent de la production de trois ou quatre ouvriers effectuant la même tâche manuellement.
Selon le professeur Lee, un autre cas d’utilisation spécifique de l’IA dans le secteur manufacturier est le contrôle qualité.
«Je pense que le traitement d’images basé sur l’apprentissage automatique est bien supérieur au niveau de performance que les humains peuvent atteindre», indique-t-il.
M. Myers ajoute qu’il est important de garder à l’esprit que l’IA ne fonctionne pas seule dans un environnement manufacturier. Il indique plutôt qu’elle doit être intégrée à des outils tels que des capteurs et être capable de lire les données des équipements.
«La qualité de l’IA dépend des données qui l’alimentent. La qualité des données est donc de loin le principal problème auquel toute mise en œuvre de l’IA est confrontée», constate-t-il.
Si certaines entreprises ont réussi à intégrer la technologie à leurs processus de production, d’autres se heurtent à des obstacles.
Le coût et la formation
M. Lee indique que, pour les petites entreprises, le coût peut représenter un investissement onéreux.
Il ajoute que certaines tâches peuvent être difficiles à réaliser avec l’IA, surtout si les données sont limitées.
Selon M. Myers, il pourrait également y avoir un manque de compétences chez les fabricants qui adoptent l’IA dans leurs opérations, où les personnes possédant des compétences en analyse de données seront essentielles à la mise en œuvre.
Il souligne également que la cybersécurité constituait un problème potentiel.
«Plus on passe au numérique, plus on s’expose aux cyberrisques», rappelle-t-il.
Ces commentaires sur l’intégration de l’IA dans le secteur manufacturier interviennent à la veille d’un événement sectoriel qui se tiendra plus tard ce mois-ci, le Canadian Manufacturing Technology Show, réunissant des professionnels des secteurs de l’automobile, de l’aérospatiale et de l’énergie, entre autres.
