Dix ans après les attentats de Paris, les survivants peinent à surmonter leur traumatisme, tandis que la France s'apprête à rendre hommage jeudi aux victimes de ces attaques qui ont fait plus de 130 morts et plus de 400 blessés.
Arthur Dénouveaux, président de l'association Life for Paris, souligne que ce dixième anniversaire suscite des émotions et de la tension pour les survivants.
Le 13 novembre 2015, neuf hommes armés et kamikazes du groupe État islamique ont perpétré des attentats à quelques minutes d'intervalle dans plusieurs lieux, les plus meurtriers qu'ait connus la France depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Ils ont pris pour cible les sympathisants au Stade de France et les clients de cafés, avant de perpétrer un véritable carnage au Bataclan, faisant 130 victimes. Deux survivants, qui se sont ensuite suicidés des suites du traumatisme physique et psychologique, ont également été reconnus comme victimes.
M. Dénouveaux assistait au concert du groupe de rock californien Eagles of Death Metal au Bataclan. Depuis, il s'est concentré à raconter son histoire, à s'adresser aux médias et à écrire des livres pour que les événements ne tombent pas dans l'oubli.
Le plus dur, dit-il, est de retourner à la vie normale malgré le deuil qui subsiste.
Gérer le stress post-traumatique
À 21 h 47, trois hommes armés ont fait irruption au Bataclan, ouvrant le feu sans discernement et tuant 90 personnes.
M. Dénouveaux a réussi à s'échapper en entendant les premiers coups de feu, en rampant vers la sortie de secours la plus proche.
«Je me souviens avoir rampé sur des corps. Je crois que la plupart des gens faisaient semblant d'être morts et ne l'étaient pas vraiment, mais quand même. Et je me souviens de quelques visages, ou du moins de quelques expressions faciales, de personnes qui étaient forcément mortes à cause de la position de leur cou, à cause de la couleur de leur peau», a-t-il témoigné.
Dans la rue, il a aidé les membres désemparés d'Eagles of Death Metal à monter dans un taxi.
Père de trois filles de 2, 4 et 6 ans, M. Dénouveaux explique qu'il lui a fallu un an et de nombreux médicaments pour surmonter les phases les plus critiques de son syndrome de stress post-traumatique.
«Depuis 2017, je dirais que je n'ai pas eu de crise de panique, rien de ce genre, a-t-il indiqué. Mais je reste très prudent, car je ne suis pas sûr qu'on puisse guérir du (trouble de stress post-traumatique).»
Inauguration d'un jardin près de l'hôtel de ville
La cérémonie principale aura lieu jeudi dans le nouveau jardin du souvenir aménagé par la mairie de Paris, en présence du président de la République, Emmanuel Macron, de la mairesse de Paris, Anne Hidalgo, de survivants et de familles de victimes.
Avant l'inauguration du jardin, M. Macron déposera des gerbes sur les lieux des attentats. Les Parisiens sont invités à déposer des bougies, des fleurs et des messages sur la place de la République. La tour Eiffel sera illuminée aux couleurs du drapeau français dans la nuit.
Ce nouveau jardin du souvenir, conçu grâce aux contributions des survivants et des familles des victimes, évoque les six lieux des attentats, les noms des victimes étant gravés sur des stèles.
M. Dénouveaux, impliqué dans le projet depuis ses débuts, a déclaré que celui-ci vise à créer «un lieu de mémoire pour les disparus, mais aussi un lieu de vie, un lieu beau et serein».
La Fédération Française de Football rendra hommage aux victimes jeudi, lors du match de qualification pour la Coupe du Monde opposant l'équipe de France à l'Ukraine. La rencontre se déroulera au Parc des Princes à Paris et non au Stade de France, situé à Saint-Denis, en banlieue parisienne. Une minute de silence sera observée avant le coup d'envoi.
Les survivants cherchent un nouveau chemin
Le 13 novembre 2015 est une date marquante de l'histoire de France, traumatisant toute une nation et ébranlant profondément le sentiment de sécurité du pays.
Après les attentats, les survivants ont dû se reconstruire une vie, a expliqué M. Dénouveaux.
«Lorsqu'on survit à un attentat terroriste (…) on se sent coupé du reste du monde», a-t-il confié.
«Le deuil se déroule en trois phases: le deuil des disparus, le deuil de la personne que l'on était (…) et le deuil de l'image que les autres ont de nous.»
Un procès qui a duré plusieurs mois, entre 2021 et 2022, a abouti à la condamnation de Salah Abdeslam, seul survivant de l'équipe ayant perpétré les attentats, à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle. Le tribunal antiterroriste a également condamné 19 autres hommes impliqués.
«Dix ans plus tard, quand je dis à quelqu'un qui ne sait pas: “J'étais au Bataclan”, la perception qu'il a de moi change immédiatement, a relaté M. Dénouveaux. Il y a l'émotion ressentie ce jour-là, mais aussi, je crois, la peur de se demander: “Est-ce qu'il va bien? Est-ce que je peux lui en parler? Comment faire?” Et cela, bien sûr, vous déstabilise.»
