Alors que la dernière modification apportée aux relations commerciales entre le Canada et les États-Unis est sur le point d’entrer en vigueur, Melissa Caracas Le-Fort doit elle aussi respecter une échéance.
Après l’annonce sur les réseaux sociaux, mi-août, de l’arrêt des commandes de clients américains après le 26 août, les demandes de médailles personnalisées pour animaux de compagnie ont afflué.
D'ici là, elle et son mari, Carlos, travaillent 12 heures par jour pour traiter plus de 300 commandes avant vendredi, date à laquelle les coûts d’expédition au sud de la frontière augmenteront de façon exponentielle.
«Nous ne pouvons pas demander aux clients américains de payer cela, et nous ne pouvons pas l’assumer nous-mêmes», soutient Mme Caracas Le-Fort, fondatrice de Tag4MyPet, établie à Winnipeg.
«C’est beaucoup. C’est tellement triste.»
Les États-Unis éliminent le 29 août l’exemption dite de minimis, qui permettait aux colis d’une valeur de 800 $ ou moins d’être expédiés au sud de la frontière sans droits de douane. De nombreuses petites entreprises se préparent à des coûts d’exploitation plus élevés et s’efforcent de conserver leurs clients américains, car de nombreuses expéditions seront désormais soumises à une taxe de 35% à destination des États-Unis.
Chez Tag4MyPet, chaque médaille pour animal coûte environ 20 $, mais l’entreprise a déterminé que les droits de douane et autres coûts ajouteraient 80 $ aux factures d’expédition, ce qui rendait impossible d’absorber cette augmentation ou de la répercuter sur les clients.
Le couple affirme que la suspension de ses expéditions vers les États-Unis, qui représentent plus de 40 % de sa clientèle, leur donnerait le temps d’évaluer et de s’adapter à leur nouvelle réalité.
L’exemption de minimis est largement utilisée par les petites entreprises canadiennes qui expédient directement à leurs clients américains, explique Corinne Pohlmann, vice-présidente exécutive, défense des intérêts à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).
Mme Pohlmann ajoute qu’une entreprise lui a confié que le produit expédié aux États-Unis valait 40 $. Sans l’exemption de minimis, elle paierait 33 $ de droits de douane supplémentaires et 7 $ de taxes supplémentaires sur le même colis, soit le double du prix.
«Cela devient évidemment beaucoup moins attractif pour le consommateur américain auquel elle s’adresse et il est peu probable qu’elle parvienne à fidéliser ce type de clientèle», soutient Mme Pohlmann.
Une enquête de la FCEI publiée la semaine dernière suggère qu’un tiers des petites et moyennes entreprises devraient être affectées par la perte de l’exemption de minimis.
Si de nombreuses entreprises, comme celle de Mme Caracas Le-Fort, ont décidé de suspendre leurs livraisons aux États-Unis, du moins pour l’instant, plutôt que de subir une flambée des coûts, d’autres continuent d’expédier leurs produits aux États-Unis, tout en avertissant que leurs prix pourraient augmenter prochainement.
Milena Lye, fondatrice de la gamme de soins à base de plantes Just the Goods, souhaite continuer de livrer ses produits à ses clients américains.
«Je ne veux pas interrompre mes livraisons aux États-Unis. J’ai noué des relations avec de nombreuses personnes au fil des ans et je sais que mon travail les aide réellement, précise Mme Lye dans un courriel. Je ne veux pas les priver.»
Mme Lye indique avoir fait preuve de transparence quant à ses tarifs, puisqu’elle passe d’un courtier canadien à un courtier américain pour ses expéditions. Et, si nécessaire, des augmentations de prix sont envisagées pour couvrir les coûts liés aux droits de douane et aux démarches administratives supplémentaires.
La conformité à l'ACEUM
Mme Pohlmann espère que de nombreuses entreprises puissent également se conformer à l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) afin de contourner les droits de douane.
«Elles devront alors encore gérer les formalités administratives et la complexité de la compréhension des outils nécessaires pour démontrer la conformité de leur produit à l’ACEUM», ajoute-t-elle.
«Cela ne se fait pas du jour au lendemain, et croyez-moi, c’est un processus très complexe.»
Carley Pettitt, établie à Edmonton, a déjà envoyé ses documents de conformité à l’ACEUM, dont le traitement pourrait prendre jusqu’à trois mois. D’ici là, la fondatrice de Nest Embirdery maintiendra ses expéditions vers les États-Unis ouvertes.
«Je ne vois pas l’intérêt de couper complètement le cordon alors qu’il existe encore des possibilités, dit-elle. Je laisse le choix aux citoyens américains de là-bas: ils peuvent décider s’ils veulent dépenser cet argent, car ce n’est pas moi qui le dépense, mais eux.»
Mme Pettitt indique qu’elle s’attend toujours à une baisse de ses ventes auprès de sa clientèle américaine, qui représente plus de la moitié de son activité.
En attendant sa conformité à l’ACEUM, elle précise qu’elle se concentre sur le maintien de ses relations avec les détaillants américains qui achètent ses kits de broderie en gros, un moyen possible de réduire les coûts pour ses clients. Elle recherche également de nouveaux détaillants et clients hors des États-Unis et du Canada, comme en Nouvelle-Zélande.
L’accord commercial ACEUM doit être révisé dès l’année prochaine, et l’ampleur de la refonte reste incertaine.
L’analyste du commerce de détail Bruce Winder affirme que les petites entreprises ont moins d’options pour faire face aux nouveaux droits de douane.
Il explique que les entreprises pourraient embaucher du personnel pour gérer le fardeau administratif de l’expédition, tenter de réduire le coût de leurs produits ou ouvrir un petit entrepôt aux États-Unis pour expédier depuis cet endroit.
«Quelle que soit la solution, elle est probablement coûteuse, conclut M. Winder. Elle implique des dépenses et de nombreux changements de la part de l’entité canadienne.»

