Les plaisanciers, les baigneurs et les pêcheurs qui fréquentent les eaux de la Nouvelle-Angleterre et du Canada atlantique apprennent à vivre avec les grands requins blancs, ces créatures rendues célèbres par le film «Les dents de la mer» de 1975.
Les observations de ces superprédateurs sont en hausse dans des endroits comme le Maine, où ils étaient autrefois très rares.
Rick Clough a passé près de quarante ans à pêcher des homards et des oursins au large des côtes du Maine avant d'apercevoir un grand requin blanc.
Ce requin d'environ 2,4 mètres, aperçu au large de la station balnéaire de Scarborough en juillet, a surpris M. Clough, mais ne lui a pas fait craindre l'océan. «Je ne suis pas sûr d'avoir envie de plonger pour observer les oursins maintenant», a-t-il toutefois admis.
Les scientifiques associent les observations de requins blancs à la disponibilité accrue des phoques dont ils se nourrissent, et affirment que les baigneurs sont généralement très peu exposés aux morsures de requins. Ces requins peuvent atteindre près de six mètres de long, même si la plupart n'atteignent pas cette taille.
David Lancaster, pêcheur de palourdes à Scarborough, a utilisé un drone pour observer un requin d'environ 3,6 mètres près des célèbres plages de la ville au début du mois. Il a décrit l'animal comme «magnifique» et «vraiment impressionnant» à observer. Il a également ajouté que sa présence lui rappelait que les nageurs doivent se méfier du gros poisson.
Pourquoi les grands requins blancs remontent-ils vers le nord?
Les observations de grands requins blancs au large de Cape Cod, dans le Massachusetts, sont devenues de plus en plus fréquentes ces dernières années, et l'Atlantic White Shark Conservancy a recensé des centaines d'individus en plus de dix ans.
Toutefois, de nouvelles données montrent que les requins se dirigent encore plus vers le nord, dans le New Hampshire, le Maine et au-delà, a expliqué Greg Skomal, biologiste principal spécialisé dans les pêches au département des Pêches maritimes du Massachusetts et chercheur chevronné sur les requins blancs.
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Le nombre de requins blancs détectés au large d'Halifax, en Nouvelle-Écosse, a été multiplié par environ 2,5 entre 2018 et 2022, selon une étude publiée par M. Skomal et ses collègues en mai dans la revue Marine Ecology Progress Series. Plus au nord encore, le nombre de requins blancs détectés dans le détroit de Cabot, qui sépare la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve, a presque quadruplé, selon l'étude.
M. Skomal a indiqué que la durée moyenne de séjour dans ces eaux nordiques est également passée de 48 à 70 jours, ce qui suggère que les requins blancs semblent de plus en plus à l'aise davantage au nord.
L'une des principales raisons de ce changement semble être la conservation réussie des phoques au large de la Nouvelle-Angleterre et du Canada, grâce à des lois comme la Loi sur la protection des mammifères marins, qui ont permis aux phoques de prospérer et de fournir une source de nourriture aux requins prédateurs, a déclaré M. Skomal.
«Cela pourrait être dû à l'augmentation du nombre de proies, a fait valoir M. Skomal. Et il s'agirait de phoques.»
La protection des requins
Les grands requins blancs bénéficient également de mesures de protection, notamment une interdiction de pêche dans les eaux fédérales américaines depuis 1997. Ils sont toujours considérés comme vulnérables par l'Union internationale pour la conservation de la nature.
Dans le Massachusetts, le département des Pêches maritimes a annoncé avoir renforcé sa législation sur la pêche après que des pêcheurs ont choisi de cibler les requins blancs en 2024. L'État a interdit l'utilisation de certains engins de pêche lourds dans les zones côtières où les requins blancs sont le plus souvent observés.
«Nous pensons qu'ici, au Massachusetts, cibler les requins blancs depuis la plage n'est pas une pratique sûre, a affirmé M. Skomal. Non seulement parce que cela pourrait entraîner la mort du requin, mais aussi parce que cela pourrait constituer un problème de sécurité publique.»
Malgré la taille et la force des requins blancs, les rencontres dangereuses entre les requins blancs et les humains sont extrêmement rares. Selon la basée de données International Shark Attack File (ISAF) du Musée d'histoire naturelle de Floride, moins de 60 morsures mortelles de grands requins blancs sur des humains ont été recensées dans le monde depuis le début de l'histoire.
La première attaque mortelle de requin enregistrée dans le Maine a eu lieu en 2020: un grand requin blanc a tué Julie Dimperio Holowach, 63 ans, au large de l’île Bailey.
«C’est un événement extrêmement rare. Mais nous partageons toutes ces informations afin d’atténuer les comportements humains et, espérons-le, de réduire les interactions négatives entre humains et requins», a déclaré Ashleigh Novak, coordinatrice de recherche à l’Atlantic White Shark Conservancy.
L’essor des réseaux sociaux a rendu les observations de requins virales ces derniers étés. Une application pour téléphone intelligent appelée Sharktivity permet également aux observateurs de requins de signaler leurs observations.
M. Lancaster, un surfeur, explique que vivre avec les grands requins blancs est une chose à laquelle les habitants de la Nouvelle-Angleterre vont devoir s’adapter.
«C’est incroyable qu’ils soient là, comme pêcheurs et surfeurs, et c’est quelque chose que nous devons accepter, a-t-il dit. C’est dans un coin de notre tête, mais il faut l’accepter.»