Le syndicat des diplomates et d'anciens ambassadeurs s'inquiètent des coupes budgétaires prévues par le premier ministre Mark Carney au sein du service extérieur, au moment même où Affaires mondiales Canada vise à accroître sa présence à l'étranger.
«Ce sera douloureux», a réagi Pam Isfeld, présidente de l'Association professionnelle des agents du Service extérieur.
Le ministre des Finances, François-Philippe Champagne, a envoyé des lettres aux ministres le 7 juillet pour leur demander de réaliser des économies de 7,5 % dans leurs budgets dès le printemps prochain.
Un peu plus tard dans la même semaine, la ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, a indiqué qu'Affaires mondiales Canada serait également concerné.
«Il est essentiel que nous trouvions les situations où les formalités administratives peuvent être allégées et où les inefficacités doivent être corrigées», a-t-elle déclaré aux journalistes le 10 juillet, ajoutant qu'elle ne spéculerait pas sur la nature de ces coupes.
Mme Isfeld a mentionné que de hauts fonctionnaires du ministère ont eu une discussion ouverte, notamment avec elle lundi, sur la manière d'atteindre les objectifs budgétaires tout en limitant les dommages à la position du Canada sur la scène internationale.
«Il semble qu'ils soient déterminés à ne pas se contenter d'une approche de coupes budgétaires généralisées, où tout le monde subirait une réduction», a-t-elle précisé.
Le ministère pourrait plutôt tenter de «segmenter les dépenses en fonction des responsabilités géographiques» afin de réduire certaines dépenses tout en «préservant les fonctions essentielles et les éléments dont dépendent les Canadiens», a-t-elle ajouté.
Selon Mme Isfeld, le gouvernement pourrait trouver des pistes de rationalisation. Elle a suggéré qu'Ottawa réduise la rémunération des consultants externes et permette à davantage d'employés canadiens de travailler à domicile plutôt que de recourir à des bureaux.
Mais dans l'ensemble, elle a souligné que le gouvernement adoptait une approche «contradictoire» pour réduire les dépenses tout en s'engageant à élargir les alliances du Canada et à déployer davantage de diplomates pour mettre en œuvre les stratégies indopacifiques et africaines.
«Nous faisons déjà beaucoup avec peu, dans de très nombreux endroits du monde», a rappelé Mme Isfeld.
Son syndicat travaillait sur une campagne publicitaire avant l'annonce des réductions budgétaires la semaine dernière, alors qu'il était clair que M. Carney chercherait des moyens de financer des dépenses, comme l'augmentation des dépenses militaires.
Les publicités vidéo mettent l'accent sur les avantages pour la sécurité et le commerce de la présence de diplomates connaissant la situation sur le terrain, capables d'aider les entreprises canadiennes à conclure des accords avec des entreprises de pays autres que les États-Unis et de trouver des moyens de prévenir les conflits.
«Si nous entretenons de bonnes relations avec les autres pays, si les gens nous apprécient et perçoivent le Canada comme un acteur important qui apporte sa contribution (…), cela facilite grandement les autres objectifs que nous souhaitons atteindre», a-t-elle statué.
Elle a précisé que cela inclut l'aide étrangère, les pays étant plus ouverts à la collaboration économique ou sécuritaire s'ils estiment qu'Ottawa est un partenaire de confiance soucieux du bien-être local.
Mark Carney s'est engagé lors des élections du printemps à ne pas réduire les contributions à l'aide étrangère, mais a depuis promis une augmentation massive des dépenses de défense.
Au même moment, le Département d'État américain licencie plus de 1300 employés, l'administration Trump cherchant à réduire les dépenses publiques. Ces coupes ont été largement critiquées, car elles pourraient freiner l'influence de Washington à un moment où Pékin et Moscou gagnent en influence sur la scène internationale.
Avertissements d'anciens ambassadeurs
Le sénateur ontarien Peter Boehm, ancien ambassadeur, espère que le gouvernement réfléchira sérieusement à la place du Canada dans le monde lorsqu'il envisagera de réduire le budget d'Affaires mondiales Canada.
«Nous avons une tradition importante et influente, qui s'étend sur plusieurs décennies. Préservons-la et maintenons-la», a-t-il écrit dans une publication sur LinkedIn.
Cette publication a suscité des commentaires similaires de la part d'autres anciens ambassadeurs.
«Les diplomates sont les premiers intervenants lors des crises mondiales ; les réduire affaiblit l'influence, la sécurité et la capacité du Canada à protéger ses citoyens à l'étranger, a écrit Alan Kessel. Alors que des adversaires comme la Chine et la Russie étendent leur influence diplomatique, le Canada ne peut se permettre de reculer.»
«L'augmentation des dépenses militaires, le déclin de la diplomatie, la montée du nationalisme et du mercantilisme aux États-Unis forment une combinaison inquiétante, a avancé Alexandra Bugailiskis. Le Canada doit emprunter une autre voie.»
La Fédération canadienne des contribuables préconise depuis longtemps une réduction de l'aide étrangère du Canada et critique un fonds permettant aux ambassades canadiennes de financer des programmes culturels.
Le groupe cite notamment les dépenses consacrées aux œuvres d'art, à l'alcool et aux événements artistiques à caractère sexuel.

