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L'engagement de Carney de réduire la fonction publique par attrition serait trompeur

Plusieurs ministères et agences ont déjà annoncé des réductions d'effectifs.

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Le premier ministre Mark Carney arrive au Parlement fédéral, le 17 septembre 2025. Le premier ministre Mark Carney arrive au Parlement fédéral, le 17 septembre 2025. (Sean Kilpatrick/La Presse canadienne)

La promesse du premier ministre fédéral Mark Carney de réduire le nombre de postes dans la fonction publique par attrition est irresponsable, affirme une cheffe syndicale.

Interrogé la semaine dernière par les journalistes s'il avait l'intention de maintenir les services publics à leur niveau actuel, il a répondu que les ajustements nécessaires se feraient naturellement par attrition.

«Il y a des fonctionnaires d'un certain d'âge. Certains quittent leur poste pour aller dans le secteur privé ou public pour diverses raisons. Il existe des occasions attrayantes, des départs à la retraite. On va gérer la situation», avait-il fait valoir.

La présidente nationale de l'Alliance de la fonction publique du Canada, Sharon Desousa, soutient que les engagements formulés par M. Carney «sont carrément trompeurs». Ils font fi de la situation réelle de la fonction publique.

Elle mentionne que plusieurs milliers de fonctionnaires ont déjà été prévenus que les postes seraient abolis, ce qui laisse entendre des licenciements, et non des mises à la retraite ou des départs volontaires.

«Ces pertes d'emploi ont déjà affaibli les services offerts aux Canadiens, notamment à l'Agence du revenu du Canada ou aux bureaux d'assurance-emploi. Des milliers d'autres emplois seront abolis au cours des prochains mois», dit M. Desousa.

Selon elle, le programme d'austérité du gouvernement fédéral est «feignasse, irresponsable et à courte vue».

Pressé de préciser si des mises à pied dans la fonction publique étaient à venir, le ministre fédéral des Finances, François Philippe Champagne, était resté vague en début de septembre, préférant parler d'«ajustements», ce qui pourrait aussi vouloir dire une réduction du nombre d'employés par attrition.

 

Le gouvernement fédéral veut réduire ses dépenses d'exploitation dans son prochain budget qu'il compte présenter cet automne.

Ottawa se retrouve face à des «choix difficiles», a reconnu M. Champagne, alors qu'il cherche à trouver des économies de 15 % d'ici 2028-2029 dans des coûts de programmes des différents ministères. Il a toutefois souligné que le rythme de croissance de la fonction publique au cours de la pandémie de la COVID-19 «était insoutenable». 

Plusieurs ministères et agences ont déjà annoncé des réductions d'effectifs, notamment à l'Agence de la santé publique du Canada et à Bibliothèque et Archives Canada.

Evert Linquist, un professeur à la faculté d'administration de l'Université de Victoria, rappelle que le nombre de départs de la fonction publique va suivre son cours naturel, même si le gouvernement va de l'avant avec son intention de réduire ses dépenses.

Les gouvernements dépassent souvent leurs objectifs quand ils réduisent les effectifs, mentionne-t-il.

«Et quand ils découvrent qu'ils n'ont plus les effectifs pour s'occuper des choses qui les préoccupent ou pour fournir les services aux citoyens, ils sont obligés de rengager des gens. C'est toujours quelque chose à surveiller.»

Michael Wernick, un ancien greffier de la Cour privée, dit que le plan du gouvernement semble passif et aléatoire.

Il croit que le gouvernement devrait ébaucher une stratégie soulignant là où il veut réduire les coûts de main-d'œuvre et où il veut les augmenter. Une telle stratégie pourrait inclure un plan pour accélérer la réduction de poste par attrition.

«Si on dépend de l'attrition, on est guidé par le hasard au gré des gens qui meurent, deviennent malades, prennent leur retraite ou acceptent un nouvel emploi ailleurs. Cela nous incite à poser la question suivante: que fait-on ensuite ? À la fin de la journée, il faut prendre des décisions», fait valoir M. Wenick.

Le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) a indiqué dans un récent rapport qu'un budget austère pourrait coûter près de 57 000 postes dans la fonction publique d'ici 2028.

Marc Lee, économiste principal au sein du CCPA, se dit sceptique sur les intentions du gouvernement de se fier à l'attrition pour réduire la taille de la fonction publique. Il juge que le prochain budget fédéral «sera l'un des plus importants des dernières décennies.»

Catherine Morrison

Catherine Morrison

Journaliste