Le niveau de scolarité a une influence majeure sur la santé des gens, met en lumière un nouveau rapport de recherche dévoilé jeudi par l’Observatoire québécois des inégalités. Moins il y aura de décrochage scolaire au Québec, plus la population sera sujette à avoir une meilleure santé.
Autrement dit, le rôle de l’éducation agit comme un déterminant de la santé. En améliorant le système d'éducation québécois, on donnerait du même souffle un coup de main au réseau de la santé.
Le rapport indique que les personnes ayant un faible niveau de scolarité sont plus souvent touchées par des maladies chroniques et des troubles psychologiques. Elles vivent aussi, en moyenne, moins longtemps que celles qui ont poursuivi des études plus longues.
Au Canada, l’écart pour les hommes quant à l’espérance de vie est de 7,8 ans entre ceux qui n’ont pas obtenu leur diplôme du secondaire et les diplômés universitaires, tandis que cet écart est de 6,7 ans pour les femmes.
«C'est clair qu'il y a davantage de maladies chroniques, de morbidité, de dépression avec un faible niveau de scolarité. Et même que la démence arrive plus vite aussi parce qu'un faible niveau de scolarité implique tout un enchaînement de conditions de vie plus difficiles. Et donc, ces gens qui ont décroché (à l'école), qui n'auront pas de job, vont avoir des enfants qui vont aller à l'école avec un capital culturel, socio-économique très faible. Donc eux, ils vont faire partie de ceux qui ne sont pas sur le même pied d'égalité», explique François Fournier, chercheur à l'Observatoire et auteur de l’étude.
Dans son rapport, il cite d'ailleurs l'Institut national de santé publique du Québec qui reconnaît que «la réussite scolaire est un facteur important dans la réduction des inégalités de santé. Elle contribue, en outre, à faire en sorte que les individus obtiennent un emploi satisfaisant, évoluent dans des réseaux sociaux élargis et bénéficient de meilleures conditions de vie (revenus suffisants, logement salubre, quartier sécuritaire, etc.), ce qui influence, en retour, leur état de santé».
En 2020-2021, au Québec, 21,8 % des élèves issus de milieux défavorisés quittaient l’école sans diplôme ni qualification comparativement à une moyenne de 15 % tous profils confondus.
Évidemment, la maladie frappe toutes les classes sociales, mais le facteur de l'éducation expose les personnes avec le moins de scolarité à plus de problèmes de santé. «C'est sûr qu'il y a toujours des exceptions à tout ça, mais grosso modo, les données sont très claires. Le taux d'emploi sans diplôme d'études secondaires, c'est environ 40 %, avec un cégep c'est 66 %, avec un [baccalauréat] c'est 73 %. Le revenu moyen après impôts: aucun diplôme, 31 000 $; cégeps, 45 000 $; diplôme universitaire, 62 000 $. Les deux tiers des prestataires des programmes d'assistance sociale étaient sans diplômes en 2024», détaille M. Fournier.
«Tout ça pour dire que ça, c'est une première dimension sur laquelle on voulait attirer l'attention parce que ça veut dire que l'éducation est un enjeu de santé publique dans la mesure où si ton système d'éducation ne produit pas ou a de la difficulté à produire un fort pourcentage de taux de réussite, il y a des problèmes. Il y a des gens qui tombent à travers les mailles du filet social», souligne le chercheur.
Les défauts du «système à trois vitesses»
Au Québec, il existe les écoles privées, les écoles publiques avec des programmes enrichis et le réseau public régulier. M. Fournier indique qu'il y a environ 20 % des élèves au privé, 40 % dans le public enrichi et 40 % dans le public régulier.
Ce système à trois vitesses est déficient et il faudrait favoriser la mixité sociale, selon M. Fournier. «Le réseau enrichi, ce sont soit les écoles comme les écoles internationales ou les écoles qui offrent des programmes dits enrichis: arts études, sports études, musique, etc. Ce sont des programmes généralement toujours payants et sélectifs. Donc, t'as le privé sélectif, t'as le public enrichi sélectif et qu'est-ce qui reste? Le public régulier, mentionne M. Fournier.
«Cette structure tend à enclaver les élèves défavorisés en difficulté et à risque dans le réseau public régulier, poursuit-il. Ces élèves sont surreprésentés dans le réseau public régulier. Il y a une segmentation qui tend un peu à être le miroir de la hiérarchie sociale, puis ça a des conséquences pour le réseau public régulier, pour les élèves et les profs. Les conditions éducatives sont franchement défavorables: un personnel surchargé, brûlé, qui décroche au même rythme que les élèves.»
Pour lui, il s'agit de l'«échec du système scolaire», mais il nuance que les défis sont énormes et l'école ne peut pas contrer les inégalités à elle seule. «Mais on peut se demander si l'école n'est pas en train de se tirer dans le pied avec la structure qu'elle a», expose le chercheur.
Il précise que la mixité sociale dans le système scolaire aide les élèves en difficulté sans nuire aux élèves qui performent déjà bien. Pour changer de modèle et arriver à une meilleure mixité sociale sur les bancs d'école, il faut une réforme de structure scolaire. «Il n'y a pas de solution miracle, mais il y en a plusieurs qui pensent qu'on est mûr pour une conversation nationale sur la réussite scolaire et l'égalité des chances», conclut M. Fournier.

