Politique

Le gouvernement Legault impose la loi spéciale aux médecins

Alors que les médecins plaident qu'ils ont besoin de plus de moyens pour atteindre les objectifs du gouvernement.

Mis à jour

Publié

Legault impose la loi spéciale aux médecins Legault impose la loi spéciale aux médecins

Le gouvernement Legault sort la matraque pour imposer aux médecins un nouveau mode de rémunération en partie basé sur l'atteinte d'objectifs de performance. Il met aussi fin à leurs moyens de pression. 

L'Assemblée nationale tient une séance extraordinaire à la demande du premier ministre François Legault pour adopter sous bâillon une loi spéciale, le projet de loi 2 visant notamment «à assurer la continuité de la prestation des services».

Ainsi, les médecins ou groupes de médecins qui entreprendront des «actions concertées», qui protesteront, par exemple, en quittant ou en réduisant leurs heures de travail, feront désormais face à de fortes pénalités.

Le gouvernement considère qu'une action est «concertée» à partir de trois personnes.

Un médecin contrevenant pourrait écoper d'une amende allant jusqu'à 20 000 $ par jour et s'exposer à des mesures disciplinaires. Au surplus, il verrait son nombre d'années de pratique réduit, ce qui affecterait son ancienneté. 

Les fédérations médicales, elles, pourraient devoir payer jusqu'à 500 000 $ par jour, en plus de subir une retenue à la source des cotisations qui leur sont normalement versées. 

Un système de surveillance des activités des médecins serait mis en place.

100 % des Québécois pris en charge d'ici 2027, promet la CAQ

Après avoir promis un médecin de famille pour chaque Québécois, le gouvernement caquiste promet maintenant l'accès à un «milieu de soins», comme un groupe de médecine de famille (GMF), pour chaque Québécois d'ici 2027.

Environ 1,5 million de Québécois n'ont pas de médecin de famille, ce qui correspond à 17 % de la population, selon le gouvernement. De ce nombre, 200 000 seraient considérés comme «vulnérables».

Le projet de loi 2 reprend plusieurs grands principes du 106, à commencer par la responsabilité collective des médecins de prendre en charge plus de patients et l'obligation des départements territoriaux de se les répartir.

Il introduit un changement de rémunération pour les médecins pratiquant en première ligne: désormais, ils seraient payés par capitation, à l'acte et selon un tarif horaire.

Actuellement, la loi ne permet qu'une rémunération à l'acte, ce qui ne favorise ni le travail en collaboration, ni la prise en charge des cas lourds et complexes, plaide le gouvernement.

Le projet de loi lie surtout 10 % de la rémunération des médecins — et non pas 25 % comme c'était prévu à l'origine — à des objectifs de performance. Il y aura des cibles nationales, territoriales et locales. Les médecins de 65 ans et plus seront exemptés.

«Vous allez me dire que 10 % sur un salaire de 500 000 $, ce n'est pas beaucoup. Bien, moi, je trouve que c'est important», a déclaré en mêlée de presse le ministre de la Santé, Christian Dubé.

Les omnipraticiens devront, par exemple, fournir 17,5 millions de rendez-vous chaque année. Les spécialistes, eux, devront réaliser au moins 97 % des chirurgies dans un délai d'au plus 12 mois.

Les médecins plaident depuis le début qu'ils n'ont pas les ressources nécessaires pour atteindre les objectifs du gouvernement. Le tiers des salles d'opération au Québec sont actuellement fermées.

Ils accusent par ailleurs Québec de vouloir une médecine «fast-food», axée sur le volume. «Les Québécois donnent 9 milliards $ par année aux médecins, c'est normal qu'ils exigent des résultats», a rétorqué M. Legault en Chambre, vendredi.

Le gouvernement se trouve aussi à prolonger jusqu'en 2028 l'entente-cadre des médecins échue depuis deux ans; en d'autres mots, l'enveloppe de rémunération globale est, à toutes fins pratiques, gelée.

Régime «soviétique»: la FMSQ annonce une contestation judiciaire

Il s'agit d'un huitième bâillon en sept ans pour le gouvernement caquiste, ont dénoncé les trois partis d'opposition, vendredi. Selon eux, il aurait été préférable de poursuivre les discussions avec les médecins.

«Les seules bonnes ententes se négocient (...) autour de la table», a soutenu le chef libéral Pablo Rodriguez. Forcer la main des médecins mènera à leur désengagement, ce qui affectera les patients, a-t-il prévenu. 

«Vingt-deux pour cent des médecins de famille ont plus de 60 ans. Imaginez les retraites prématurées que ça va occasionner», a plus tard lancé le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le Dr Marc-André Amyot.

Ce sera considéré comme une «action concertée», a répliqué M. Dubé. «Si on observe des changements importants dans la façon dont les services sont offerts, que ce soit dans nos salles d’opération ou nos GMF, on va le voir», a-t-il ajouté.

Furieux, le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), le Dr Vincent Oliva, n'a pas mâché ses mots, accusant le gouvernement de «dérive autoritaire».

«On rentre dans un régime soviétique, s'est-il exclamé en point de presse à Montréal. Le système est tellement mauvais que la seule façon qu'il a de garder les médecins dedans, c'est de les mettre en prison.»

Le Dr Oliva a annoncé une contestation judiciaire: la FMSQ prendra «tous les moyens pour faire invalider la loi», a-t-il martelé.