Le premier ministre François Legault annonce le dépôt d'une loi spéciale pour briser l'impasse dans les négociations avec les médecins. Le projet de loi sera déposé vendredi s'il n'y a pas d'entente d'ici là entre le gouvernement et les fédérations de médecins.
«Si on n'arrive pas à s'entendre d'ici vendredi matin, on va déposer un projet de loi pour changer leur mode de rémunération et pour mettre fin aux moyens de pression», a déclaré le premier ministre dans une vidéo publiée mercredi soir sur les réseaux sociaux.
«On ne fait pas ça contre les médecins, on fait ça pour les Québécois», a souligné M. Legault, qui s'adressait à la population dans le cadre d'un «appel à la nation» pour faire le point sur l'impasse qui «persiste» entre le gouvernement et les médecins.
Plus tôt mercredi, le gouvernement avait déposé une quatrième offre qui a été refusée le jour même par la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), tandis que la Fédération des médecins omnipraticiens (FMOQ) a fait part de son insatisfaction envers cette proposition.
«On a reçu ce matin une proposition qui est une déclaration de guerre, qui est un ultimatum (...), on est en face d'un affront», a affirmé le négociateur de la FMSQ, Lucien Bouchard, en conférence de presse à Montréal au côté du président de la fédération, Vincent Oliva.
La FMSQ n'a pas digéré que cette offre soit «finale», et de son côté, la FMOQ a aussi fait savoir par une déclaration sur les réseaux sociaux que cette offre «finale et non négociable» ne témoignait pas d'une «réelle volonté de relancer les négociations et de trouver des solutions concertées».
Québec faisait pourtant valoir que son offre répondait aux revendications des médecins et ajoutait au moins 800 millions $ supplémentaires sur la table sur quatre ans, dans l'espoir de conclure les négociations une fois pour toutes.
C'est une «pseudo-offre» qui comporte même «certains reculs», a dit le Dr Oliva, qui laisse planer un «grand risque de désengagement» de ses membres en «colère», selon ses mots.
L'enjeu du mode de rémunération est au centre des négociations, le gouvernement souhaitant adopter le projet de loi 106, qui lierait 15 % de la rémunération des médecins à l'atteinte d'indicateurs de performance.
«Ce n'est pas le temps de taper sur les médecins», a argué Dr Oliva.
Espérant faire pression sur le gouvernement pour qu'il recule sur cette mesure, les deux Fédérations de médecins ont mis sur pause l'enseignement aux étudiants en médecine.
«Les syndicats sont en train de retarder l'arrivée des nouveaux médecins avec leurs moyens de pression dans l'enseignement. On ne peut pas accepter ça», a affirmé M. Legault.
Le Parti libéral a affirmé lui aussi que le conflit avait «assez duré». Dans un communiqué publié mercredi soir, il réclame que le gouvernement suspende le projet de loi 106 et qu’il élabore un nouveau texte en collaboration avec les médecins.
«Dans l'état où se trouve notre réseau de la santé, on ne peut plus se permettre de dépenser temps et énergie dans des luttes qui ne mènent nulle part», a indiqué Marc Tanguay, porte-parole libéral en matière de santé.
Tout comme le gouvernement, le PLQ demande également aux médecins qu'ils cessent les moyens de pression.
Québec Solidaire a accusé le gouvernement d'agir en «pompier pyromane» et de vouloir «jouer au héros en employant la manière forte».
«Ça fait plus de sept ans que la CAQ promet de revoir le mode de rémunération des médecins et il a attendu la dernière année de son mandat, en pleine déroute, pour agir par la force», a écrit le député solidaire Vincent Marissal dans un communiqué.
Injecter des sommes dans le système de santé
Autant la FMOQ que la FMSQ ont tenu la ligne dure au cours des derniers mois, en s'opposant au projet de loi 106.
Les fédérations plaident entre autres que les médecins ne sont pas les seuls responsables des ratés du système de santé et qu'ils doivent obtenir davantage de moyens, que ce soit l'ouverture prolongée de plateaux techniques, de salles d'opération, etc.
Québec proposait donc d'y remédier avec son offre de mercredi: on décaisserait 100 millions $ supplémentaires par an sur quatre ans pour augmenter la disponibilité des blocs opératoires. Total: 400 millions $.
Également, on offrait 50 millions $ supplémentaires récurrents par an pour les Groupes de médecine familiale (GMF), donc 200 millions $ sur quatre ans.
Le gouvernement ajoutait aussi 30 millions $ par an sur quatre ans pour ajouter des professionnels aux Centres de répartition des demandes de services (CRDS), qui font l'aiguillage des demandes de consultations de médecins spécialistes. Total: 120 millions $.
Cela permettait d'embaucher près de 300 personnes pour réduire les listes d'attente.
Et en plus, Québec s'engageait à investir 40 millions $ par an sur 10 ans dans les CRDS, afin de moderniser leurs équipements en ressources informationnelles. Le total sera donc de 160 millions $ sur quatre ans, et 400 millions $ sur 10 ans.
Autre concession: le gouvernement voulait lier la rémunération des vice-présidents et de la présidente de Santé Québec à l'atteinte des mêmes cibles de performance fixées pour les médecins.
Enfin, le gouvernement était prêt à limiter une partie du pouvoir discrétionnaire du ministre: il ne pourrait y avoir de modification pour une période de deux ans aux règlements.


