L'ambassadeur américain au Canada a invoqué mercredi le partenariat bilatéral de longue date entre le Canada et les États-Unis en matière de défense, alors que le Canada envisage de diversifier son parc d'avions de combat.
«Sur un certain nombre de ces questions, nous attendons en fait de voir exactement quelle sera la position du gouvernement canadien», a expliqué Pete Hoekstra lors d'une discussion informelle à la Conférence nationale sur la fabrication 2025 à Ottawa mercredi, lorsqu'on lui a demandé quel serait l'avenir de l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), avant de passer aux avions de combat F-35 de fabrication américaine.
Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.
Tout en insistant sur le fait que le Canada est une «nation souveraine» et qu'Ottawa décidera lui-même du meilleur plan d'approvisionnement en avions de combat, M. Hoekstra a également évoqué à plusieurs reprises le programme des avions de combat F-35 lors de sa discussion informelle.
«Le F-35 a connu un succès phénoménal», a-t-il dit, soulignant que cet avion est le fruit d'un consortium international de pays dirigé par les États-Unis, auquel le Canada a été l'un des premiers à adhérer. «Ce n'est pas un avion américain. C'est un avion international.»
«Il y a des entreprises au Canada qui apprennent et développent – et ont probablement contribué – au développement de la technologie (F-35) que vous pouvez utiliser pour vos futurs produits et vos futurs projets», a-t-il ajouté.
L'ambassadeur a ensuite qualifié la chaîne d'approvisionnement du F-35 de «bel exemple de bonne coordination». «Mais vous savez, le Canada est en train de revoir son industrie de la défense», a poursuivi M. Hoekstra.
Le Canada s'est engagé à acheter 88 avions de combat F-35 au constructeur américain Lockheed Martin, dans le cadre d'un accord signé en 2023 après des années de retard.
Mais, dans un contexte de tensions croissantes avec les États-Unis, le gouvernement fédéral a déclaré au printemps qu'il réexaminait cet accord. Seize des 88 avions sont déjà en cours de production.
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Parallèlement, une visite d'État de la famille royale suédoise — comprenant le roi Carl XVI Gustaf et la reine Silvia, ainsi qu'une délégation de hauts fonctionnaires et de dirigeants industriels — est en cours, le Canada laissant entendre qu'il pourrait être disposé à diversifier sa flotte d'avions de combat en achetant des avions de combat Gripen à la société suédoise d'aérospatiale et de défense Saab.
Le ministre de la Défense, David McGuinty, a affirmé la semaine dernière dans une interview à CTV Question Period que le gouvernement était ouvert à l'achat d'avions auprès de plusieurs entreprises. Et, s'adressant aux journalistes mardi sur la Colline du Parlement, la ministre de l'Industrie, Mélanie Joly, a qualifié l'offre de Saab de «très intéressante», notamment parce qu'elle pourrait créer des milliers d'emplois ici au Canada.
Dans une déclaration à CTV News, un dirigeant de Lockheed Martin a écrit que la chaîne d'approvisionnement du F-35 présente également des avantages économiques pour le Canada et que l'achat de moins de 88 avions aura un impact négatif sur ces avantages à l'avenir.
«À ce jour, plus de 110 entreprises canadiennes ont contribué à la chaîne d'approvisionnement du F-35 avec 3,2 millions de dollars de composants canadiens dans chaque avion de la flotte actuelle de plus de 1 255 appareils», a écrit Chauncey McIntosh, vice-président et directeur général du F-35. «Et cela avant même que le Canada ne reçoive son premier avion.»
«Le programme mondial F-35 compte plus de 3 600 avions pour 20 pays. Avec environ 30 fournisseurs canadiens actifs à l'heure actuelle et la possibilité de continuer à soumissionner pour des contrats au meilleur prix, nous prévoyons de générer plus de 15,5 milliards de dollars de valeur industrielle pour le Canada», a également écrit M. McIntosh. «Cela inclut les opportunités de production et de maintenance actuelles et prévues depuis 2007 et jusqu'en 2058.»
Des répercussions sur le NORAD?
Ce n'est pas la première fois que M. Hoekstra fait allusion au partenariat de défense entre le Canada et les États-Unis — en particulier à l'importance de l'interopérabilité dans cette relation — lorsqu'il parle de l'examen du F-35.
Dans une entrevue accordée à Vassy Kapelos dans l'émission CTV Power Play en mai dernier, M. Hoekstra a laissé entendre que le NORAD, l'alliance bilatérale de défense entre le Canada et les États-Unis, pourrait être menacé si le Canada renonçait à son projet d'achat des avions restants.
«L'un des critères du NORAD est l'interchangeabilité et l'interopérabilité», a soutenu l'ambasseur à l'époque. «Cela signifie que nous pilotons le même type d'avions, que nous utilisons les mêmes pièces, que tout est interchangeable et qu'il s'agit d'un système unique.»
«Si les Canadiens pilotent un type d'avion et nous un autre, il n'y a plus d'interchangeabilité», a-t-il ajouté. «Cela pourrait même menacer le NORAD, sans parler des nouvelles alliances qui promettent encore plus de sécurité et de sûreté à nos populations.»
Le Gripen, «un avion exceptionnellement performant»
Dans une entrevue accordée mercredi à CTV Question Period, le ministre suédois de la Défense, Pål Jonson, a indiqué que le Gripen était un «avion de chasse très agile», avec un bon «coût de cycle de vie», ajoutant que son pays recherchait un partenariat stratégique avec le Canada, et non pas seulement un acheteur pour ses avions.
«Sans entrer dans ce qui devrait être un débat canadien, je peux dire que le chasseur Gripen est un avion exceptionnellement performant, et qu'il est également exceptionnellement performant pour rivaliser avec les capacités de l'armée de l'air russe», a-t-il précisé.
M. Jonson a toutefois ajouté que l'accord sur le Gripen n'était pas la seule motivation de la visite d'État.
Lorsque la journaliste lui a demandé si la délégation suédoise serait au Canada sans la probabilité de la conclusion de l'accord avec Saab, M. Jonson a répondu : «Ce n'est pas de cela qu'il s'agit.»
Il a ajouté que la visite d'État intervenait alors que le Canada et la Suède passaient du statut de partenaires à celui d'alliés au sein de l'OTAN, ce qui «changeait considérablement» la nature de leurs relations.
«Je tiens à être clair: c'est une décision qui appartient au Canada, c'est une décision qui appartient au peuple canadien», a également mentionné M. Jonson, en référence à la décision concernant les avions de combat. «Nous sommes ouverts, mais c'est au Canada de définir les exigences opérationnelles dont il a besoin.»
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Des préoccupations «énormes»
Dans une entrevue accordée mercredi à CTV News, l'ancien chef d'état-major de la Défense (à la retraite), le général Tom Lawson, a mis en garde contre les défis que représente une flotte mixte pour l'armée de l'air.
«Ne chargez pas l'Aviation royale canadienne de deux flottes», a lancé M. Lawson, également ancien pilote de chasse. «C'est extrêmement destructeur.»
Après avoir pris sa retraite de l'armée, M. Lawson a fourni des services de conseil stratégique à Lockheed Martin Canada de 2016 à 2022.
L'ancien chef d'état-major de la Défense a déclaré que la différence entre le Gripen — qu'il a qualifié de «bel avion» — et le F-35 en termes de capacités est «très importante», ajoutant que le Gripen est «la technologie d'hier pour demain».
Compte tenu du nombre d'années nécessaires pour former les pilotes, les techniciens et le personnel au sol au Gripen, M. Lawson a soutenu que les avions seraient probablement immobilisés pendant au moins une décennie.
Il a ajouté que le Canada ne compte plus qu'une douzaine de pilotes de chasseurs à réaction, et que les répartir entre différents types d'avions poserait des défis majeurs.
«(J'ai) d'énormes inquiétudes, tout d'abord concernant les capacités du Gripen, mais aussi concernant le fait d'essayer de gérer, en 2030, deux flottes aériennes très complexes avec le manque de personnel dont ils disposent actuellement», a-t-il dit.
Il a précisé que si le Canada veut être considéré comme un pays sérieux en matière de défense, il est «absolument essentiel» qu'il dispose des capacités des F-35, qui constitueraient une «flotte capable de faire face à une situation de guerre».



