La police fédérale américaine de l’immigration (ICE), déployée par Donald Trump dans l’ensemble du pays, dispose de moyens financiers colossaux et dépense des dizaines de millions de dollars pour l’achat d’armes, munitions, gilets pare-balles et technologies de surveillance, selon des documents comptables consultés par l’AFP.
Ces dépenses d’armement et de technologie sont largement supérieures à ce qu’elles étaient sous la présidence Biden ou durant le premier mandat de Donald Trump.
L’ICE que ses détracteurs accusent de se transformer en force paramilitaire, a reçu pour mission d’expulser un nombre sans précédent de migrants en situation irrégulière sur le sol américain et dépense sans compter pour y parvenir.
Depuis le retour de Trump à la Maison-Blanche le 20 janvier, l’ICE a passé pour plus de 70 millions de dollars de commandes dans la catégorie «fabrication d’armes légères, munitions et accessoires».
À titre de comparaison, entre le 20 janvier et le 20 octobre 2024, l’agence avait dépensé 9,7 millions de dollars dans cette même catégorie, selon les mêmes documents officiels.
Rien qu’en septembre, l’ICE a commandé pour 10 millions de dollars d’armes à feu et de chargeurs à la société Quantico Tactical Incorporated et pour 9 millions de dollars de fusils et accessoires auprès du fabricant d’armes automatiques Geissele Automatics.
L’agence a également acheté pour plus de 10 millions de dollars de gilets pare-balles, holsters et équipements associés au cours du même mois.
Ces achats massifs de matériel s’accompagnent d’une frénésie de dépenses dans les logiciels de surveillance, selon les documents consultés par l’AFP.
Ainsi, en septembre, l’ICE a dépensé 3,75 millions de dollars pour des logiciels et services associés auprès de la société de reconnaissance faciale Clearview AI.
Depuis le début du second mandat Trump, l’agence fédérale a également acheté des produits de Magnet Forensics et Cellebrite, deux sociétés qui fabriquent des logiciels d’extraction de données de téléphones portables, ainsi que des produits de Penlink qui fournit des données de localisation issues de centaines de millions de téléphones.
S’ajoute à cela un contrat de 30 millions de dollars avec Palantir pour développer Immigration OS, une plateforme tout-en-un destinée à cibler les migrants en situation irrégulière et identifier ceux en cours de retour volontaire vers leur pays d’origine.
Dans le même temps, l’ICE a réactivé un contrat de deux millions de dollars avec Paragon, un fournisseur israélien de logiciels espions.
Ce contrat avait été suspendu sous l’administration Biden, après un décret de 2023 interdisant l’achat de logiciels espions présentant des risques pour la sécurité nationale.
Surveillance 24h sur 24
Au-delà des contrats déjà signés, l’agence a lancé des appels d’offres pour renforcer sa surveillance des réseaux sociaux.
Un appel d’offres, publié début octobre, recherche des prestataires capables de créer un centre de surveillance des réseaux sociaux, avec près de 30 analystes opérant 24h sur 24, pour «recueillir en temps réel des informations cruciales et spécifiques» sur des individus à partir des données partagées en ligne.
Si les opérations de surveillance jouent un rôle important dans les activités policières, les défenseurs des droits humains s’inquiètent depuis longtemps de l’ampleur des données collectées à l’ère des réseaux sociaux.
«Une surveillance à grande échelle des réseaux sociaux menace la liberté d’expression», affirme Cooper Quintin, un expert en technologie.
«Si les gens savent que l’ICE surveille les réseaux sociaux, à la recherche de toute personne exprimant une forme d’attachement à son pays d’origine, cela va en dissuader beaucoup de s’exprimer publiquement», a déclaré l’expert à l’AFP.
La possibilité d’acheter des données via des tiers permet aussi aux agences de surveiller un grand nombre de personnes sans mandat judiciaire, a-t-il fait remarquer.
L’ICE n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP.
Explosion du budget
Tous ces achats ont été rendus possibles par une enveloppe budgétaire massive votée par le Congrès contrôlé par les républicains.
Le budget adopté en juillet a alloué à l’ICE un budget de fonctionnement de 75 milliards de dollars sur quatre ans, soit 18,8 milliards par an en moyenne.
C’est presque le double du budget de 9,6 milliards de dollars de l’année fiscale 2024.
Alors que d’autres agences gouvernementales fonctionnent au ralenti en raison de la fermeture partielle de l’administration, l’ICE et son ministère de tutelle, la Sécurité intérieure, sont largement épargnés.
