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La migration sera une priorité pour le prochain pape, selon un cardinal guatémaltèque

«C'est un devoir de conscience pour les cardinaux.»

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Le cardinal guatémaltèque Alvaro Ramazzini s'exprime lors d'une entrevue accordée à l'Associated Press au siège de la congrégation scalabrinienne, à Rome, le samedi 3 mai 2025. Le cardinal guatémaltèque Alvaro Ramazzini s'exprime lors d'une entrevue accordée à l'Associated Press au siège de la congrégation scalabrinienne, à Rome, le samedi 3 mai 2025. (Francisco Seco/Associated Press)

Le cardinal Álvaro Ramazzini se livre à son premier conclave avec le même esprit qui a guidé son ministère de première ligne auprès des migrants, des pauvres et des populations autochtones des hautes terres du Guatemala pendant des décennies : veiller à ce que l'Évangile ne soit pas prêché «de manière abstraite».

La défense des migrants était une priorité du pape François, qui a nommé Álvaro Ramazzini cardinal en 2019. Son accession à la plus haute hiérarchie de l'Église catholique n'a pas perturbé l'évêque de Huehuetenango, dont l'engagement constant en faveur de la justice sociale a donné lieu à de nombreuses menaces de violence. Son Guatemala natal traverse une période de troubles politiques et demeure un foyer important de migration vers les États-Unis.

«C'est un devoir de conscience pour les cardinaux, maintenant que nous avons la responsabilité de nommer un nouveau pape, de ne pas perdre de vue que nous avons parcouru un chemin et que ce chemin doit continuer de progresser», a expliqué M. Ramazzini à l'Associated Press samedi, quatre jours avant la réunion des cardinaux catholiques pour élire le successeur de François. 

«Je parle de soutien, d'accueil et de protection des droits des migrants», a-t-il ajouté.

Selon le cardinal, l'Église doit défendre les migrants contraints par l'extrême pauvreté à migrer par des routes contrôlées par les cartels, où ils sont souvent victimes d'extorsion ou de trafic, à la fois en les aidant en leur fournissant des abris et d'autres formes d'aide humanitaire, et en faisant pression pour une réforme globale de l'immigration.

«Mais nous n'y sommes pas parvenus, a indiqué M. Ramazzini. Nous n'y sommes pas parvenus avec M. Clinton, nous n'y sommes pas parvenus avec M. Obama, nous n'y sommes pas parvenus avec M. Biden, et nous y parviendrons encore moins avec M. Trump.»

Pour autant, l'Église ne devrait pas abandonner les migrants ni la «ligne pastorale» de défense de la justice sociale, de la paix et de relations économiques plus équitables entre les pays, qui ont commencé à gagner en importance avec le Concile Vatican II et ont atteint de nouveaux sommets sous François, a expliqué Álvaro Ramazzini.

«Il existe une continuité et je suis sûr que ce sera une tâche pour le prochain pape, a mentionné le cardinal. Nous devons être la voix de tous ces gens qui n'ont souvent pas accès aux groupes de pression que nous pouvons atteindre.»

Pendant la majeure partie des plus de 50 ans qui ont suivi son ordination, M. Ramazzini a été évêque à San Marcos, puis à Huehuetenango, des régions montagneuses particulièrement touchées par la guerre civile au Guatemala, qui a pris fin en 1996. Aujourd'hui, ces régions continuent de lutter contre l'extrême pauvreté et le trafic de drogue, poussant des centaines de milliers de jeunes de la région à migrer vers les États-Unis.

Les cardinaux ont juré de garder le secret sur les délibérations en cours concernant l'orientation de l'Église alors qu'ils se préparent à entrer en conclave mercredi. Mais le cardinal Ramazzini s'est dit encouragé par la «vision globale» partagée par le nombre inhabituellement élevé de cardinaux électeurs — 133, dont tous, à l'exception de deux, sont déjà à Rome.

Il a ajouté qu'il espérait que le prochain pape reprendrait la tâche en cours de réforme des institutions de l'Église et de sa structure financière, entreprise par François, et qu'il poursuivrait le «grand signe» d'inclure davantage de femmes à des postes de direction.

Le cardinal Ramazzini a également souligné que spiritualité et action en faveur de la justice sociale doivent aller de pair.

«Voilà la véritable spiritualité, celle qui se nourrit de la prière, de la réflexion sur la Parole de Dieu, mais qui doit être projetée vers l'autre, a-t-il déclaré. Le prochain pape aura sa propre spiritualité. Mais l'important est que personne n'oublie qu'il ne peut y avoir de véritable spiritualité sans mettre l'Évangile en pratique.»

Et ses propres convictions lui évitent d'être nerveux à l'idée de participer pour la première fois à l'élection du prochain dirigeant 1,4 milliard de catholiques dans le monde.

Giovanna Dell'orto

Giovanna Dell'orto

Journaliste