Justice

La manifestation du «convoi» n'était pas illégale, plaide la défense

«Ils peuvent rester six mois s'ils le font de manière pacifique et légale.»

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Tamara Lich arrive pour son procès au palais de justice d'Ottawa, le mardi 19 septembre 2023. Tamara Lich arrive pour son procès au palais de justice d'Ottawa, le mardi 19 septembre 2023. (Justin Tang | La Presse canadienne)

Planifier une manifestation, même aussi massive et longue que celle du «convoi de la liberté», n'est pas un acte illégal, a soutenu mercredi l'avocate de l'un des organisateurs de la manifestation, devant un tribunal d'Ottawa. 

Les manifestations du début de l'année 2022 ont bloqué les rues du centre-ville de la capitale pour protester contre les restrictions de santé publique liées à la COVID-19, ont conduit à des déclarations d'urgence et ont provoqué une intervention massive de la police.

Avant d'être expulsés par la police, les manifestants ont juré qu'ils ne quitteraient pas leur campement en face de la colline du Parlement tant que le gouvernement fédéral n'aurait pas répondu à leurs demandes.

Dorénavant, deux des organisateurs les plus en vue des manifestations, Tamara Lich et Chris Barber, répondent à des accusations de méfait et d'intimidation, entre autres accusations. M. Barber est également accusé d'avoir conseillé à d'autres personnes de désobéir à une ordonnance du tribunal.

La Couronne a déclaré qu'elle avait l'intention de prouver que Mme Lich et M. Barber ont travaillé ensemble si étroitement que la preuve contre l'un d'eux devrait s'appliquer aux deux.

Mais pour ce faire, la Couronne devrait prouver que les deux personnes collaboraient pour enfreindre la loi, ont soutenu les avocats des organisateurs.

«Il n'y a absolument rien de mal à ce que les gens disent qu'ils vont manifester jusqu'à ce qu'ils obtiennent ce qu'ils veulent», a déclaré mardi l'avocate de M. Barber, Diane Magas, au tribunal.

«Ils peuvent rester six mois s'ils le font de manière pacifique et légale.»

Mme Magas a présenté au tribunal plusieurs messages texte et discussions privées de M. Barber, qui, selon ses avocats, montrent qu'il organisait simplement une manifestation.

Dans un échange du 30 janvier, Mme Lich a envoyé un texto à M. Barber pour lui dire : «Ils ont une stratégie pour bloquer la ville».

«Je ne veux pas prendre ces décisions toute seule», a-t-elle écrit dans le message. L’échange ne permet pas de savoir clairement à qui correspond le «ils», ni quel a été le résultat de cette discussion.

En réponse au message d'une autre personne concernant l'embouteillage de la ville le même jour, M. Barber a déclaré : «C'est déjà bloqué. Nous avons tout gâché».

Mme Magas a dit au tribunal que M. Barber n'avait pas dit qu'ils l'avaient fait exprès. Il a simplement exposé les faits.

Elle a soutenu que ses actes n'étaient pas illégaux.

«Il y avait certainement un objectif commun. C'était de manifester pacifiquement et légalement», a-t-elle affirmé.

Le cri de ralliement «Tenez la ligne» abordé

De même, l'utilisation fréquente par Mme Lich du cri de ralliement de la manifestation «Tenez la ligne» («Hold the line») n'implique pas qu'elle encourageait des activités illégales, a déclaré mardi son avocat, Eric Granger.

Les procureurs ont fait valoir que Mme Lich et M. Barber ont exercé une influence sur les foules massives et les ont exhortés à «tenir la ligne» alors que la police tentait de dégager les rues, faisant du cri de ralliement un point central du procès.

L'expression a été utilisée sur la page Facebook «Freedom Convoy 2022» avant même l'arrivée des manifestants à Ottawa, et bien avant que des crimes ne seraient arrivés, a soutenu Me Granger.

À un moment au cours de l'intervention de la police, alors que Mme Lich était arrêtée et emmenée menottée, quelqu'un lui a crié de «tenir la ligne». Dans un échange filmé, elle a répété la phrase alors qu'elle se dirigeait vers une voiture de police en attente.

«Toute suggestion selon laquelle "Tenez la ligne" doit être considéré comme quelque chose de néfaste est entièrement spéculative», a plaidé Me Granger.

La Couronne a clos son dossier la semaine dernière, après avoir présenté au tribunal les témoignages de plusieurs témoins et des dizaines de publications sur les réseaux sociaux montrant comment le «convoi de la liberté» s'est déroulé au cours de trois semaines au début de 2022.

Les cris «Tenez la ligne» ont été entendus dans de nombreuses vidéos de la manifestation de Mme Lich, de M. Barber, de la police et d'autres personnes. Les vidéos montrent également que les organisateurs ont appelé à une manifestation pacifique, unie et aimante.

Dans ces vidéos, Mme Lich et M. Barber se sont tous deux identifiés comme dirigeants et organisateurs de la manifestation, bien que la défense affirme que le «convoi de la liberté» était composé de plusieurs factions.

«Vous ne pouvez pas y faire référence comme à une seule entité», a déclaré la juge Heather Perkins-McVey, qui a évoqué des manifestations similaires à l'époque, à des postes frontaliers et dans des législatures provinciales à travers le pays.

Me Granger a affirmé que le convoi était fragmenté même à Ottawa.

La Couronne, a-t-il soutenu, n'a pas présenté suffisamment de preuves pour établir que Mme Lich et M. Barber travaillaient ensemble dans un but illégal commun, ou que Mme Lich avait quoi que ce soit à voir avec quelque chose d'illégal.

«Il y a simplement une absence de preuve que Mme Lich soit liée à un quelconque projet illégal», a déclaré Me Granger. C'est le contraire qui est vrai, a-t-il ajouté : «Elle a essayé d'éviter que quelque chose de néfaste ne se produise».

Le fait que seul M. Barber soit accusé d'avoir conseillé de désobéir à une ordonnance du tribunal est un «aveu tacite» que les deux n'ont pas toujours travaillé en tandem, a-t-il dit.

La Couronne devrait présenter ses arguments sur l’accusation de complot mercredi.

La juge Perkins-McVey ne devrait pas se prononcer sur la motion de co-conspiration cette semaine. La défense affirme qu'elle ne peut pas présenter de preuves tant qu'elle n'a pas pris sa décision.

Laura Osman

Laura Osman

Journaliste