C’est un euphémisme de dire que le Parti libéral du Québec (PLQ) va mal en ce moment: les résultats des dernières élections en pourcentage de votes étaient les pires de son histoire; ses appuis chez les francophones sont faméliques et son ennemi naturel, le Parti québécois (PQ), caracole en tête des sondages en promettant un référendum dans un premier mandat.
Qu'à cela ne tienne, les libéraux font le pari que leur prochaine course à la chefferie – qui débutera officiellement en janvier 2025 – permettra à leur parti de reprendre sa place sur l’échiquier politique québécois.
Et de toute façon, ce serait faire preuve d’outrecuidance que de tenir le plus vieux parti de l’histoire du Québec pour mort. La formation politique a affronté bon nombre de défis pendant ses 150 ans d'existence.
De la domination à la marginalisation
Au début du XXe siècle, les libéraux provinciaux dominent la scène politique québécoise en étant au pouvoir durant près de 40 années consécutives, soit de 1897 à 1936.
Durant cette période, le PLQ «fait élire 718 de ses candidats contre 171 pour ses adversaires. Les libéraux provinciaux récoltent donc 87,6 % des postes à pourvoir à l’Assemblée nationale durant cette période. Ces résultats démontrent de façon convaincante l’emprise des libéraux sur la province durant toutes ces années», écrit l’historien Michel Lévesque dans son histoire du PLQ.
Mais en démocratie, le pouvoir n’est jamais éternel. Après près de quatre décennies rouges, on assiste à «une longue domination, presque ininterrompue, de l’Union nationale de 1936 à 1960 sous le leadership de Maurice Duplessis», écrit le politologue Réjean Pelletier. Les temps sont durs pour les libéraux qui ne sont au pouvoir que cinq ans durant cette période. En 1948, bien qu’il obtienne 36 % des votes, le PLQ ne fait élire que huit députés.
Le retour
Les années 1960 marquent le retour des libéraux qui amorcent la Révolution tranquille. L’Union nationale reprend toutefois le pouvoir en 1966 avec 6 % de moins de votes que les libéraux. Le PLQ revient aux commandes de l’État en 1970, et ce, pour les six prochaines années. En 1973, les libéraux obtiennent 93 % des sièges (102 sur 110) dans une victoire écrasante face au PQ.
Les années 1960 symbolisent aussi un tournant keynésien pour les libéraux. «Le PLQ a pris, sous la direction de Lesage, une direction plus étatique et il a développé le secteur public tout en prenant ses distances avec le privé, ce qui l’amène à rompre avec l’héritage libéral d’antan», écrit le politologue Frédéric Boily, dans un texte titré «Le Parti libéral du Québec et l’émergence du centre droit (1960-1976)».
Après le keynésianisme, le PLQ s’engage dans la voie du néolibéralisme dans les années 1980. Une tendance qui va se poursuivre dans les années 2000 avec les gouvernements libéraux de Jean Charest et de Philippe Couillard. Ce dernier engrange, au final, un surplus budgétaire de 7 milliards $ au prix de nombreuses coupes.
Quel avenir pour les libéraux?
Après un règne presque ininterrompu entre 2003 et 2018 – avec un intermède péquiste d’un an et demi entre 2012 et 2014 –, les libéraux retournent sur les banquettes de l’opposition officielle, avec l’arrivée au pouvoir de la Coalition avenir Québec. Le chef caquiste François Legault venait ainsi de mettre fin à plus de 40 ans d'alternance PQ-PLQ.
La course à la chefferie qui s’en suivra se termine par le couronnement de Dominique Anglade en mai 2020, après que son seul adversaire Alexandre Cusson eut jeté la serviette.
Le peu d’engouement provoqué dans la chefferie va se refléter lors des prochaines élections. Dominique Anglade va conduire son parti au pire résultat en pourcentage de vote de son histoire avec 14,4 % des votes. Bien que le PLQ récolte moins de voix que QS (15,4 %) et le PQ (14,6 %), il fait élire 21 députés et forme l’opposition officielle. Cette déconfiture force la première femme à la tête du PLQ à démissionner.
Les libéraux n'attendront pas l’arrivée de son successeur pour se repositionner. Avec le déficit historique de 11 milliards $ de la CAQ, les libéraux reprennent le flambeau de la rigueur budgétaire, accusant François Legault d’avoir «dépensé comme un marin en cavale».
Le parti veut aussi jouer la carte du nationalisme avec sa volonté de doter le Québec d’une constitution. Toutefois, les intentions des candidats à la chefferie d’assouplir ou même de «scrapper» la réforme de la loi 101 (communément appelé loi 96), montre qu’il existe encore des tensions sur le sujet dans le parti.
La course ne sera pas de tout repos pour le leader intérimaire Marc Tanguay qui doit tenir le gouvernail du navire en tant que chef de l’opposition officielle à l’Assemblée nationale. Bien qu’il refuse systématiquement de commenter les prises de positions des candidats, certaines d’entre elles pourraient bien servir de munitions à ses adversaires.
Le PLQ est officiellement contre le troisième lien, mais le candidat et député de Marguerite-Bourgeoys, Frédéric Beauchemin – ainsi que sa collègue Sona Lakhoyan Olivier qui l’appuie – sont favorables au projet.
Les libéraux souhaitent prendre leur distance du Parti libéral de Justin Trudeau qui a accumulé les déficits records lors des dernières années. Or, l’un des candidats majeurs dans cette course, Pablo Rodriguez, était, jusqu’à tout récemment, ministre du gouvernement fédéral. Il s’est d’ailleurs montré prudent quant à la vitesse à laquelle il fallait ramener l’équilibre budgétaire, rappelant l’importance des services à la population.
Le changement de position du caucus sur le financement des écoles religieuses a soulevé l’ire d’un autre candidat à la chefferie, l’ex-maire de Montréal Denis Coderre.
Et il reste encore bon nombre de sujets sur lesquels les aspirants chefs doivent se prononcer de manière plus précise : santé, éducation, immigration, relations fédéral-provincial, etc.
Les libéraux peuvent toutefois se consoler : alors que certains pensaient qu’il n’y aurait même pas de course, celle-ci s’annonce désormais faste en rebondissements.
Le PLQ est donc bien loin d’être mort et, comme son histoire en témoigne, il n’en est pas à sa première traversée du désert. Dans le passé, les libéraux n’ont pas hésité à ajuster leurs orientations

