Au lendemain du discours de François Legault qui a dénoncé «l'assaut de l'islamisme radical», le ministre de la Laïcité, Jean-François Roberge, a appelé mercredi à se réveiller devant cette menace.
Appelé à donner des exemples de manifestations de l'islamisme radical au Québec, M. Roberge a évoqué le cas de l'école Bedford à Montréal, où un rapport a démontré que des enseignants avaient noyauté l'établissement.
L'opposition a appelé le gouvernement à s'expliquer et à faire preuve de prudence, mais le chef conservateur, Éric Duhaime, a fait savoir qu'il partageait la position du gouvernement contre l'«assaut» de «l'islam politique».
Ce n'est pas la première fois que le gouvernement sonne la charge contre l'islamisme et même qu'au congrès de la Coalition avenir Québec (CAQ) la fin de semaine dernière, les militants ont adopté une proposition visant à interdire en tout temps de se masquer le visage dans l'espace public - référence directe au voile porté par des musulmanes.
M. Roberge a appelé à une action préventive pour contrer la radicalisation.
«Il ne faut pas attendre que ce soit partout, dans toutes nos institutions, pour nous réveiller, réveillons-nous maintenant!» a lancé M. Roberge en mêlée de presse en matinée au parlement.
M. Legault lui-même a été questionné pour qu'il explique ses propos de la veille, au moment où il se rendait à la période de questions.
«Il y en a un (cas) qui est patent», à l'école Bedford, «des islamistes qui défendent à des filles d'avoir des cours d'éducation physique, ce n'est quand même pas rien au Québec», a répondu M. Legault, avant de poursuivre son chemin.
M. Roberge a expliqué ce qu'il entendait par radicalisme en référant encore aux situations décrites dans le rapport sur Bedford.
Il a parlé de «séparer les garçons des filles», ainsi que de «rituels religieux en classes», ou encore, d'organismes communautaires à vocation religieuse qui infiltrent les écoles.
Enfin, il a rappelé le cas du prédicateur Adil Charkaoui, qui a incité des cégépiens de Montréal à s'enrôler pour le djihad.
«Ne pas reconnaître (la radicalisation), c'est se mettre la tête dans le sable», a-t-il prévenu.
Les oppositions ont pour leur part demandé au gouvernement de clarifier sa position.
La cheffe parlementaire du Parti libéral, Marwah Rizqy, a demandé au premier ministre de préciser de quoi il parle.
«C'est un terme qui est quand même chargé: à quoi fait-il référence lorsqu'il nous parle d'assaut de radicalisme islamiste?» a-t-elle demandé en mêlée de presse.
Elle a souligné que le rapport récent sur le renforcement de la laïcité commandé par le gouvernement ne faisait pas mention de l'islamisme radical.
Selon Québec solidaire, le premier ministre devrait aussi dénoncer toutes les autres formes de radicalisme, notamment le masculinisme.
«Évidemment, à Québec solidaire, il n'y a aucun appui, appétit ou soutien pour les islamistes radicaux, mais il n'y a aucun appui non plus pour la montée de la droite masculiniste, je vais le nommer, puis ça, ça ne faisait pas partie du discours du premier ministre», a déploré le député Guillaume Cliche-Rivard, de QS.
Enfin, le Parti québécois estime pour sa part que l'islamisme radical existe et qu'il faut s'y attaquer, mais a condamné les termes utilisés par M. Legault.
«Le cas de l'école Bedford est fort bien documenté, alors, quand on parle d'entrisme, il faut le dire, le plus souvent, c'est de l'entrisme islamiste, il faut nommer les choses», a formulé le député péquiste Joël Arseneau, en dénonçant la façon dont le premier ministre aborde l'enjeu.
«C'est encore une fois l'utilisation d'un superlatif. Est-ce que ça contribue au débat? Est-ce que ça contribue à la réflexion et au développement de politiques publiques pour s'assurer d'un meilleur vivre ensemble au Québec, à l'égalité des chances chez les jeunes, à un débat sain?»
À l'opposé, le chef conservateur Éric Duhaime est d'accord avec l'usage du mot «assaut» par le premier ministre.
«Je pense qu'effectivement il y a un islam politique qui est très conquérant, a-t-il commenté en mêlée de presse. Je pense que tout le monde sait ça. Ce n'est pas juste au Québec en passant.»
Il a rappelé qu'il s'était le premier alarmé des prières de musulmans qui se tiennent régulièrement le dimanche devant la basilique Notre-Dame à Montréal.

