Les Canadiens ont peu entendu l'ancienne ministre fédérale Chrystia Freeland depuis que Mark Carney l'a nommée à titre de représentante spéciale pour la reconstruction de l'Ukraine.
Le sujet de la reconstruction de ce pays toujours soumis à une campagne de bombardements contre ses infrastructures par la Russie n'a pas du tout fait couler d'encre au Canada.
Le rôle de Mme Freeland n'est pas clair. L'ancienne journaliste n'a pas accordé d'entrevues à des médias canadiens depuis sa nomination, malgré les demandes répétées de La Presse Canadienne.
En septembre, le décret nommant Mme Freeland se contentait d'indiquer que son mandat se terminait le 14 septembre 2026.
Alexandre Lévêque, un sous-ministre adjoint aux Affaires mondiales Canada, a déclaré en octobre devant le comité des Affaires étrangères et du Commerce international du Sénat, que Mme Freeland ne comptait qu'un employé, mais qu'elle pouvait être aidée par des membres du Bureau du Conseil privé sur le plan administratif. Quant au contenu politique, il relevait de l'équipe de M. Lévêque.
«Je pense que Mme Freeland est en train de définir son rôle alors qu’elle entame son mandat, a-t-il témoigné. Son rôle consistera à repérer des occasions. Il faudra trouver des investisseurs et des spécialistes canadiens, en particulier dans des domaines comme le développement des infrastructures et l’industrie minière.
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La semaine dernière, en réponse à une demande du député conservateur Garnett Genuis, le Bureau du Conseil privé a indiqué que la représentante spéciale recevait un salaire de 20 000 $, en plus de son salaire de députée, à l'instar des autres secrétaires parlementaires. Toutefois, certaines dépenses de Mme Freeland, comme les frais de déplacement, pourraient être prises en charge par le Bureau du Conseil privé.
M. Genius a demandé au Bureau du Conseil privé si le gouvernement avait établi des objectifs et des cibles spécifiques à Mme Freeland. Sans répondre précisément, le Bureau a indiqué qu'elle était «chargée de conseiller le premier ministre sur la réponse du Canada à la reconstruction de l’Ukraine [et] sur le rôle de premier plan joué par le Canada au sein de la Coalition internationale pour le retour des enfants ukrainiens».
Contrairement aux déclarations de M. Lévêque, le Bureau du Conseil privé ne fournira aucun soutien administratif à la représentante spéciale.
Dans un récent article publié par le quotidien financier britannique Financial Times, Mme Freeland soutient que l'Ukraine peut toujours remporter une victoire aux dépens des envahisseurs russes si elle est suffisamment financée par les pays occidentaux. Pour elle, l'Ukraine est «le pays de l'innovation».
Dans une déclaration, son équipe indique qu'elle s'est rendue à Kyiv en septembre, ajoutant qu'elle avait reçu une invitation du gouvernement ukrainien pour un voyage officiel d'ici la fin de l'année afin de discuter des moyens par lesquels le Canada peut aider à la reconstruction du pays.
Selon des experts, le Canada peut profiter d'une grande occasion pour aider l'Ukraine à préserver sa souveraineté, à défendre le droit international, tout en y gagnant financièrement dans plusieurs secteurs de l'économie.
Reconstruire malgré la guerre
L'ambassadeur ukrainien au Canada, Andrii Plakhotniuk, a déclaré que son pays parvenait à exporter des produits malgré la guerre en cours, tout en intensifiant sa production d'arme.
M. Plakhotniuk a dit au comité du Sénat que le Canada profitait déjà d'un traitement tarifaire préférentiel en vertu de l'accord de libre-échange récemment mis à jour.
«L’Ukraine est prête à développer la production conjointe de matériel de défense avec ses partenaires, y compris avec le Canada.», a-t-il avancé.
D'autres pays sont en train de démontrer comment un tel partenariat peut fonctionner.
Par exemple, le ministère français des Armées négocie avec le fabricant automobile Renauld pour construire en partie ou totalement en Ukraine des drones.
Un tel partenariat peut procurer du financement gouvernemental aux entreprises françaises et ukrainiennes.
«Nous comprenons bien entendu le risque que peut représenter la conduite des affaires en Ukraine à l’heure actuelle, a souligné l'ambassadeur. Le message que j’adresse à tous nos amis canadiens ici présents, c’est que nous devons saisir toutes les occasions de créer des entreprises en Ukraine avec l’Ukraine» a-t-il dit en mentionnant toutefois qu'il s'agissait de lancer des entreprises à l'extérieur de l'Ukraine.
«Mon message principal est de ne pas attendre que ce soit le temps et de ne pas attendre que les efforts de reconstruction d’après-guerre soient commencés. Nous avons besoin de votre présence dès maintenant. Nous avons besoin de vos bons conseils, nous avons besoin de renforcer nos capacités et bien d’autres choses encore.»

