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Fin des barrières interprovinciales : «pas une solution magique», selon le CPP

Les barrières commerciales interprovinciales représenteraient l’équivalent de droits de douane de 25% au Québec.

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838f77d28ae57c45076f9a4448840295847dd0a65eb950a967e88279a0314860.jpg L’abolition des barrières commerciales entre les provinces «n’est pas une solution magique» au manque de productivité de l’économie québécoise, selon un rapport du Centre sur la productivité et la prospérité (CPP) de HEC Montréal. Un camioneur québécois prépare son chargement le 9 avril 2025. (AP Photo/Robert F. Bukaty) (AP Photo/Robert F. Bukaty)

L’abolition des barrières commerciales entre les provinces «n’est pas une solution magique» au manque de productivité de l’économie québécoise, selon un rapport du Centre sur la productivité et la prospérité (CPP) de HEC Montréal.

Les menaces du président américain Donald Trump ont donné un élan aux discussions visant à favoriser une réduction des barrières commerciales entre les provinces canadiennes. L’enjeu s’est retrouvé en tête des priorités économiques des provinces.

«Notre crainte, c'est que, même si on pense qu'il y a du ménage et du travail à faire à cet égard-là, on va être déçu si on s'attend à avoir des résultats fantastiques après ça», a prévenu le directeur du CPP, Robert Gagné, en entrevue, dans le cadre du dévoilement du bilan annuel «Productivité et prospérité au Québec» qui en est à sa 15e édition.

Les réglementations qui nuisent au commerce entre provinces feraient perdre des milliards de dollars à l’économie canadienne, selon différentes études économiques.

Les barrières commerciales interprovinciales représenteraient l’équivalent de droits de douane de 25 % au Québec, selon une étude du Fonds monétaire international (FMI) en 2019.

Une uniformisation du commerce interprovincial pourrait entraîner une hausse du produit intérieur brut (PIB) de 4,4 % à 7,9 %, soit l’équivalent de 2 900 $ à 5 100 $ par habitant, selon l’étude de 2022 de l'Institut Macdonald-Laurier. L’Institut C.D. Howe parle d’une augmentation de 3,8 % du PIB par habitant.

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Le rapport du CPP considère que les estimations qui circulent dans le «tourbillon médiatique» sont «démesurées».

En entrevue, M. Gagné reconnaît qu’il existe des contraintes réglementaires qui nuisent au commerce, mais il estime qu’elles ne sont pas un frein assez important pour faire miroiter de si importants gains économiques si elles disparaissaient du jour au lendemain.

«Quand on regarde tout ça dans toute la liste, oui c'est vrai qu'il y a des trucs, mais ça reste assez anecdotique», a dit le professeur titulaire de HEC Montréal.

La réglementation n’est pas le principal obstacle identifié par les entreprises, selon le rapport du CPP qui cite l’Enquête canadienne sur le commerce interprovincial (ECCI) de Statistique Canada.

Seuls 8,6 % des entreprises canadiennes ont affirmé ne pas faire de commerce interprovincial en raison d’entraves. Moins de 1 % des entreprises qui ne participent pas au commerce interprovincial ont identifié la réglementation comme raison.

La distance est identifiée comme la principale entrave tant par les entreprises qui brassent des affaires dans plusieurs provinces que celles qui ne le font pas.

M. Gagné pense que la faible productivité du Québec et du Canada est le principal frein au développement du commerce interprovincial. Le manque de productivité des entreprises fait qu’il est difficile d’absorber les coûts de transport et de rester concurrentiel. «Ça s’empile.»

Pour rendre l’économie canadienne plus productive, il faudrait changer les réglementations pour augmenter la concurrence, selon lui. Il donne en exemple la concentration des secteurs financiers, du transport ferroviaire et aérien et du secteur des télécommunications.

Le manque de concurrence entraîne un cercle vicieux, selon lui. «Il n'y a pas de concurrence. Donc, on n'est pas tellement stimulé à innover et investir. Comme notre productivité est faible, on n'est pas incité à développer de nouveaux marchés où il y aurait plus de risques et où c'est plus compliqué parce que c'est plus loin.»

Le Québec à la traîne

Sans surprise, le Québec continue d’afficher une faible productivité par rapport aux grandes économies de l’OCDE, selon la 15e édition du Bilan. Le Québec arrive au seizième rang d’un échantillon comprenant les 19 pays de l’OCDE. «Quinze ans se sont depuis écoulés et la situation n’a pratiquement pas changé», peut-on lire dans le rapport de 48 pages.

Le Québec accuserait un retard de 18,6 % sur le PIB par habitant moyen des pays de l’OCDE. Cela représente une différence de près de 12 000 $ par habitant.

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Le rapport souligne que le Québec a réussi à réduire l’écart avec le PIB par habitant de l’Ontario. Il s’agit d’une priorité économique du premier ministre, François Legault.

L’objectif de limiter l’écart à 10 % en 2026 aurait déjà atteint en 2023. L’écart relatif de 8,6 % en 2023 se compare à 12,2 % en 2015.

Le hic, c’est que ce rattrapage est en grande partie attribuable à la contre-performance de l’économie ontarienne. «Ça ne va pas mieux au Québec, mais ça va encore moins bien en Ontario, a déploré M. Gagné. On ne peut pas se réjouir de ça, personne

Stéphane Rolland

Stéphane Rolland

Journaliste