Plusieurs «drapeaux rouges» ont été levés à la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) avant la signature du contrat qui allait la lier aux firmes LGS-SAP.
Mais le risque était gérable, a soutenu mercredi un ancien vice-président aux finances, Yves Frenette, devant la commission Gallant chargée d'enquêter sur le fiasco SAAQclic.
«Il y a des drapeaux rouges de levés, mais on est dans une situation innovante», a déclaré celui qui, à titre de responsable de l'observation des règles contractuelles, avait le pouvoir de tout arrêter.
D'ailleurs, l'ex-haut fonctionnaire a eu du mal à expliquer pourquoi il n'avait pas présenté d'analyse de risques détaillée et écrite à la présidente-directrice générale de l'époque, Nathalie Tremblay.
Celle-ci a finalement recommandé au conseil d'administration en 2017 d'adjuger le contrat avec LGS-SAP, et ce, «sans nuances», a soulevé mercredi l'avocate de la commission, Marie-Claude Sarrazin.
Quoi qu'on ait pu faire, la décision d'aller de l'avant était «cristallisée», a répété plusieurs fois M. Frenette, qui témoignait à la commission mercredi pour une deuxième journée consécutive.
«Le train avance, le contre-poids devient secondaire», a-t-il résumé.
Proposition de LGS-SAP
Afin de remporter le contrat, l'alliance LGS-SAP a notamment réduit sa proposition initiale de 730 000 heures.
Des comités internes à la SAAQ ont signalé à M. Frenette que l'alliance prévoyait livrer la phase 2 qui touchait directement les services aux citoyens sans simulations.
Ils ont également soulevé que l'alliance prévoyait une contingence de 7 %, «alors qu'elle est de 15 à 20 % dans l'industrie en général».
Par ailleurs, l'alliance proposait que tout travail «complémentaire» se fasse à un taux horaire de 256 $, ce qui était «très élevé» par rapport au taux horaire prévu pour la réalisation.
Pour les mêmes travaux, un compétiteur proposait un taux horaire de 151 $.
Malgré cela, il était «difficilement justifiable» d'arrêter le processus, étant donné tout le travail qui avait déjà été abattu en dialogue compétitif, a témoigné M. Frenette.
Surfacturation?
Mercredi, Me Sarrazin a également soumis à M. Frenette que des consultants externes qui travaillaient sur le projet de transformation numérique auraient surfacturé.
L'avocate a produit une grille montrant que des gens facturaient huit heures de travail, alors qu'ils avaient été seulement présents six heures aux bureaux de la SAAQ, à Québec.
Une enquête commandée par M. Frenette a conclu que ces personnes avaient eu l'autorisation de faire du télétravail. Yves Frenette s'en est satisfait.
«Vous ne vous êtes pas un peu fermé les yeux?» lui a demandé Me Sarrazin, en suggérant qu'il avait pu vouloir «étouffer l'affaire» afin d'accommoder le vice-président aux technologies, Karl Malenfant.
Ce dernier aurait aussi signé une entente permettant notamment à deux personnes de se faire payer 350 $ l'heure. Ce taux était «non prévu» dans le contrat avec l'alliance, a reconnu M. Frenette.
Rappelons que le virage numérique raté de la SAAQ devrait coûter au moins 1,1 milliard $ aux contribuables, soit plus du double du budget initial, selon le Vérificateur général du Québec.
Reprenant l'expression utilisée par M. Frenette pour qualifier M. Malenfant, le commissaire Denis Gallant a déclaré mercredi que la «Formule 1» était «rentrée dans le mur».

