Le nouveau ministre de l'Environnement, Bernard Drainville, est prêt à revoir les cibles de réduction des gaz à effet de serre (GES) du Québec.
Rappelons que conformément aux ententes internationales, le Québec s’est engagé à réduire d’ici à 2030 de 37,5 % ses émissions de GES, par rapport au niveau de 1990.
Cet engagement apparaît même dans la Loi sur la qualité de l'environnement.
Muté de l'Éducation à l'Environnement, M. Drainville a ouvert la porte à revoir la cible, qui pourrait être moins contraignante.
C'est ce qu'il a indiqué en mêlée de presse peu après avoir prêté serment mercredi à la présentation du nouveau cabinet caquiste au parlement.
«Nous allons faire un exercice profond, rigoureux et réfléchi», a-t-il répondu en anglais sur la révision des cibles.
«Les cibles environnementales comme le reste vont faire l'objet d'une réflexion, il est trop tôt pour vous dire ce qu'il en est, tout est dans l'équilibre», a-t-il aussi dit en français.
Député de Lévis et ardent défenseur du projet de troisième lien, M. Drainville avait d'ailleurs exprimé un certain ras-le-bol sur les objectifs de réduction de GES.
Son premier ministre est d'ailleurs allé dans le même sens d'une révision lors du discours de présentation de son cabinet.
M. Drainville «va aussi revoir le Plan pour une économie verte pour s'assurer qu'on tienne compte du nouveau contexte nord-américain et des priorités des Québécois», avait fait savoir François Legault dans l'agora de l'Assemblée.
Cela pourrait ouvrir une porte pour la remise en question de l'outil principal du Québec pour réduire les GES: le Système de plafonnement et d'échange de droits d'émission, appelé communément la Bourse du carbone, qui a un effet à la hausse sur le prix du litre d'essence à la pompe.
En pleine campagne électorale en 2022, M. Drainville avait même exprimé que les émissions de GES lui importaient peu.
Il avait balayé du revers de la main les craintes concernant la hausse des GES induite par le troisième lien, le projet de pont-tunnel routier qui relierait sa circonscription à la ville de Québec.
Il avait alors lancé: «Lâchez moi avec les GES», pour ensuite plaider que l’avenir est à la voiture électrique.
Manque-t-il de crédibilité maintenant qu'il est ministre de l'Environnement?
«Ceux qui pensent ça devraient à tout le moins donner une chance au coureur», a-t-il répondu.
Il ne voit d'ailleurs «pas d'opposition» entre l'environnement et le troisième lien.
«Je vais défendre (le troisième lien) comme je le défendais auparavant», a-t-il soutenu.
Il a assuré qu'il était lui-même un amoureux de la nature, comme il a été élevé sur une terre agricole.
«Je suis chasseur, apiculteur et fils d'agriculteur et je pense que tout cela se conjugue très bien.»
Greenpeace et QS
Les groupes écologistes ainsi que Québec solidaire (QS) ont accueilli avec scepticisme, voire sévérité, l'arrivée de M. Drainville.
«C'est une claque au visage à tous ceux et celles qui ont l'environnement à cœur», a affirmé le député Alexandre Leduc, de QS, par voie de communiqué.
«En choisissant de mettre (M.) Drainville à l'Environnement, François Legault confirme que l'intérêt de la planète et des générations futures passe après les profits des multinationales.»
Il l'invite aussi à convoquer rapidement une commission parlementaire afin de fixer une prochaine cible de réduction «ambitieuse» des GES en vue de la COP30 cet automne.
En effet, le nouveau ministre doit faire face à une échéance pressante. À tous les cinq ans, en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement, le Québec doit réviser sa cible et la dernière fois, c’était en 2020.
Le ministre doit donc tenir des consultations en commission parlementaire. En outre, ajoutons que la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP30) doit avoir lieu en novembre à Belem, au Brésil, et le Québec y participe habituellement avec son ministre de l’Environnement.
«La nomination de M. Drainville dans ce poste - un politicien qui balayait du revers de la main les enjeux climatiques dans le dossier du troisième lien - nous laisse perplexes», a affirmé Louis Couillard, responsable de la campagne climat-énergie chez Greenpeace Canada.
«La tentation sera grande de céder à la pression pour affaiblir nos mécanismes de lutte aux changements climatiques, comme le système de plafonnement et d'échange de droits d'émission ou la taxe sur l'essence, mais ce genre de reculs serait inacceptable alors que la crise climatique s'emballe», a clairement fait savoir la directrice générale de Nature Québec, Alice-Anne Simard.

