J’essaie sincèrement de m’expliquer comment on en vient à céder le ministère de l’Environnement à Bernard Drainville, un homme que j’ai même du mal à imaginer recycler.
La première phrase qui m’est venue en tête en apprenant la nouvelle est probablement la même que vous: «Lâchez-moi avec les GES». Cette réponse qu’avait tonné, exaspéré, le ministre en point de presse, questionné sur la menace que représente le projet autoroutier entre Lévis et Québec pour l’environnement.
Les mots sont tombés de sa bouche tout naturellement, sans passer dans le tordeur des lignes de presse. À partir de là, il aura beau faire des discours pompeux sur les actions de son gouvernement en matière d’environnement, on sait tout le mépris qu’il éprouve envers la crise la plus importante de notre époque.
Drainville est l’un des plus enthousiastes défenseurs du projet de troisième lien de la CAQ, une infrastructure qui aurait des conséquences environnementales sur la présence d’aménagement durable, augmenterait les émissions de gaz à effet de serre, nuirait à la qualité de l’air et à la biodiversité des écosystèmes, et risquerait de provoquer des pertes agricoles.
Je repensais à Naomi Klein qui dans son dernier ouvrage, L’Envers du miroir, parle d’une rupture entre les mots et le monde réel, et de l’absurdité des mille sommets sur l’environnement où l’on entend chaque année nos politiciens déverser des discours vides sur leurs politiques bienfaisantes.
Elle cite Greta Thunberg qui fait désormais moins de discours naïfs sur l’environnement, et davantage sur la mascarade de nos décideurs : «Build back better. Blah blah blah. Green economy. Blah blah blah. Net zero by 2050. Blah blah blah.»
J’ai travaillé à la CAQ environ deux ans comme attachée de presse, et j’étais étourdie par les lignes de presse sur l’environnement: «Meilleur bilan de l’histoire»; «17% de territoire protégé»; «investissements records»; «budget vert»; «exportation de notre électricité».
Blah, blah, blah. Il était difficile de faire la part des choses. On en vient à les croire, ces messages creux.
C’est ce que dénonce Greta, cette manière de noyer la population dans mille communiqués de presse dont rien de vraiment concret ne ressort jamais. Pendant ce temps-là, les annonces concrètes, elles, – le troisième lien; la destruction de milieux naturels pour permettre l’expansion du site d’enfouissement de Stablex; les coupes forestières; les projets de loi 81, 97 et 69 qui affectent l’environnement, le territoire et l’énergie – pulvérisent la planète.
Et aussitôt qu’on critique ces actions bien plus palpables que leur budget vert, on se fait renvoyer au visage toutes ces phrases vaines sur le plus grand budget de l’histoire accordé à l’environnement.
On apprend ce matin que c’est la même chose avec leurs homologues au fédéral. Questionné sur les cibles de réduction des gaz à effet de serre remises en question par son gouvernement, le premier ministre Carney s’est lancé dans un très long exposé sur l’obligation morale d’agir. Mark Carney et Mélanie Joly ont beau demeurer évasifs sur leurs intentions et faire des discours vides sur leur bonne volonté, la vérité, c’est que leur équipe fait tomber les politiques environnementales au nom de l’économie. Qui va leur dire que ça ne sert à rien d’avoir une économie forte sur une planète qui brûle?
Comme plusieurs, j’ai voté pour Carney parce que son opposant représentait une menace pour notre environnement. Force est d’admettre qu’il n’y a que les mots qui les séparent. Et Naomi Klein a bien raison. Les mots n’ont plus d’importance.
On devrait écouter ces moments de clairvoyance où nos décideurs nous disent qui ils sont. Lâchez-nous avec vos GES.

