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Contrats de mariage: un sujet délicat, mais d'une grande aide en cas de séparation

«On peut se retrouver dans une situation où l'on pourrait regretter plus tard de ne pas avoir eu ces conversations.»

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Un couple pose pour des photos dans leurs habits de mariage pendant une séance photo au milieu d'une rue de Toronto, le vendredi 5 juin 2020. Un couple pose pour des photos dans leurs habits de mariage pendant une séance photo au milieu d'une rue de Toronto, le vendredi 5 juin 2020. (LA PRESSE CANADIENNE/Nathan Denette)

La salle de réception est réservée, le traiteur et la liste des invités sont finalisés, et les tenues pour le grand jour sont mesurées. Ajouter la suggestion d'un contrat prénuptial pourrait compromettre les promesses de bonheur éternel, s'il n'est pas bien fait.

Il existe une certaine stigmatisation associée aux contrats prénuptiaux ou aux accords de cohabitation, qui définissent le sort des biens d'un couple en cas de dissolution du mariage ou de l'union libre. 

Certains pourraient y voir un signe de manque de confiance ou de pérennité de la relation, mais la conversation ne doit pas forcément tourner au vinaigre, selon des experts.

La plupart des professionnels recommandent un contrat prénuptial aux couples présentant une disparité de patrimoine, ou si l'un des deux est susceptible d'hériter de l'argent de la famille, et même en cas de remariage, afin de clarifier le partage des biens.

Mais, comme de plus en plus de personnes se marient plus tard, beaucoup possèdent déjà des biens, tels qu'une maison, un véhicule, ou disposent d'investissements et d'épargne plus importants. 

Les contrats prénuptiaux pourraient préserver ces actifs et conserver une trace de ce que chaque conjoint a apporté au mariage ou à la cohabitation, a indiqué Aimee Schalles, avocate et cofondatrice de Jointly Solutions, une plateforme en ligne de contrats prénuptiaux et de cohabitation.

«Nous sommes d'avis que les contrats prénuptiaux conviennent à tous, a expliqué Mme Schalles. Nous pensons que même les personnes démunies peuvent bénéficier d'une documentation claire de leurs arrangements, et au moins de ce qu'elles apportent à la relation.»

En général, un divorce est régi par le droit de la famille provincial par défaut en l'absence de contrat prénuptial légal.

Même si elle ne recommande pas toujours un contrat prénuptial à tous ses clients, les séparations peuvent être difficiles sans accord préalable, a souligné Holly LeValliant, conseillère en successions et fiducies chez Scotiatrust.

«On ne se marie pas avec la même personne qu'on divorce, a-t-elle mentionné. On peut se retrouver dans une situation où l'on pourrait regretter plus tard de ne pas avoir eu ces conversations.»

Selon Mme LeValliant, les contrats prénuptiaux exigent que les deux partenaires divulguent l'intégralité de leur situation financière. Cacher leurs biens et leurs dettes pourrait invalider le contrat.

Les partenaires doivent également chacun consulter un avocat indépendant, a-t-elle ajouté.

Si les contrats prénuptiaux visent principalement à protéger les biens de chacun, ils peuvent également permettre d'éviter d'avoir à assumer les dettes de son partenaire.

Dans la plupart des provinces, les biens apportés au mariage restent les siens, y compris les dettes, a fait savoir Mme Schalles.

«Si vous avez contracté une relation avec une dette étudiante importante, dans la plupart des provinces, celle-ci vous appartiendrait et vous seriez responsable de la payer», a-t-elle précisé.

Mais, comme les biens, les dettes peuvent accumuler des intérêts, que les partenaires pourraient devoir partager. Un contrat prénuptial permet d'éviter cela.

Le moment de la signature de ces contrats est également très important, selon les experts.

Par exemple, un contrat prénuptial ne peut pas être rédigé la veille du mariage, ce qui pourrait amener l'un des conjoints à se sentir obligé de signer les documents sans avoir le choix ni le temps de trouver un avocat.

«Les tribunaux examinent des questions telles que: quand le mariage était-il prévu? Les personnes présentes étaient-elles présentes? Les invitations ont-elles été envoyées?», a expliqué Mme LeValliant.

«Si vous mettez trop de pression sur la partie qui a l’impression de n’avoir d’autre choix que de signer, le contrat peut être nul», a-t-elle souligné.

La manière dont se déroule la discussion sur un contrat prénuptial peut dépendre de la manière dont le sujet est abordé.

Une forme de planification financière

Parler d’un contrat prénuptial est essentiellement une extension de la planification financière, selon Blair Evans, vice-président adjoint, planification fiscale et successorale chez IG Gestion de patrimoine.

«Parfois, avoir une discussion financière est intimidant, mais plus on en discute avec son partenaire, plus elle devient généralement moins intimidante», a-t-il affirmé.

D'après Mme Schalles, la méthode du récit pouvait aider à surmonter la difficulté d’aborder le sujet.

«Malheureusement, presque tout le monde connaît quelqu’un qui a vécu une séparation difficile», a-t-elle ajouté.

Une façon d'aborder le mot «contrat prénuptial» sans conflit pourrait être de l'insérer lors des bilans financiers.

«Vous pourriez dire à votre partenaire: "Dis, tu te souviens de notre ami Jonathan et de cette terrible séparation il y a quelques années, et du stress que cela a causé à lui et à son ex-femme? Je ne veux pas de ça pour nous deux"», a illustré Mme Schalles.

«Si nous nous retrouvons dans cette situation, je préférerais que nous ayons un plan à l'avance pour éviter de revivre ce qu'ils ont vécu, car tout le monde s'accorde à dire que c'est horrible», a-t-elle précisé.

Mais les contrats prénuptiaux ne sont pas des accords que l'on conclut au début d'une relation et qu’on laisse traîner pendant les 40 années de mariage ou de cohabitation suivantes, a indiqué Mme Schalles.

Un contrat prénuptial doit être réévalué au fil des changements de vie, comme la naissance d'un enfant, une maladie ou un handicap, ou même le décollage d'une entreprise.

«Pour qu'il soit applicable, il faut le réexaminer et le réexaminer au fur et à mesure que votre vie et votre situation évoluent, a-t-elle avancé. Cela ne signifie pas qu'il ne peut plus être appliqué (…), mais si vous n'y réfléchissez jamais ou ne vous demandez pas s'il doit s'appliquer, un tribunal pourrait ne pas l'appliquer.»

Ritika Dubey

Ritika Dubey

Journaliste