La Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) a raté son virage numérique parce qu'elle a mal évalué ses besoins au départ et mal géré la phase de déploiement.
«On s'est fourrés deux fois», a déclaré tout de go l'ex-membre du C.A. de la SAAQ François Geoffrion à la commission Gallant chargée d'enquêter sur les déboires de la société d'État, mercredi matin.
Celui qui a vécu les événements de l'interne entre 2013 et 2022 explique que la SAAQ n'avait pas la «maturité» nécessaire pour entreprendre ce qui était à l'époque le plus gros projet du Québec.
Mais surtout, c'est le manque de personnel qui a fait mal. Alors que la SAAQ connaissait des difficultés, les ressources spécialisées qu'elle souhaitait embaucher étaient introuvables.
«Il manquait de monde dans l'environnement (du logiciel choisi). Au Québec, il n'y en avait pas, et la grande partie des gens qui travaillaient là-dessus étaient en Inde. Ça a été leur plus gros problème», a-t-il affirmé.
«Ces projets-là, pour que ça marche, ça prend des champions», a poursuivi M. Geoffrion, déplorant que des gestionnaires aient quitté les rangs en cours de route, ce qui a mené à une perte de «leadership» et de «continuité».
En 2022, le PDG de la SAAQ et le vice-président responsable de l'immatriculation étaient tout nouvellement arrivés en poste. «Pendant la course, on a changé les jockeys. On a perdu du talent, on a manqué de constance.»
En essayant de faire atterrir son projet à l'hiver 2023, la SAAQ a eu l'air d'un «éléphant dans un jeu de quilles», a déclaré M. Geoffrion. «On n'a pas été à la hauteur», a-t-il admis.
Le déploiement raté de SAAQclic a provoqué en 2023 de longues files d'attente devant les succursales.
Concernant les dépassements de coûts, il a toutefois relativisé, affirmant que la SAAQ n'avait qu'à augmenter les frais d'administration qu'elle facture lors des renouvellements de permis de conduire.
Selon lui, «les Québécois ne seront pas tant pénalisés que ça». Par exemple, ces frais pourraient augmenter d'un dollar par permis de conduire, a-t-il suggéré.
«Oui, c'est fâchant de se tromper tant que ça. Oui, c'est fâchant de rater son atterrissage comme ça. Mais tabarouette, à la fin, quand toute la poussière va être retombée, (...) on va avoir un système qui marche.»
Un «pitch» de Karl Malenfant
En matinée, l'ex-président du C.A. de la SAAQ Guy Morneau est revenu sur une réunion téléphonique qui s'est tenue le 14 février 2014.
Cette réunion du C.A. visait à approuver une demande que la SAAQ allait formuler au gouvernement concernant certains allègements qu'elle voulait obtenir.
Pour que le virage numérique puisse se faire dans les délais, la société d'État ne voulait plus avoir à demander la permission au Trésor pour acheter du matériel, par exemple, a expliqué M. Morneau.
Il a témoigné que c'est le vice-président responsable des technologies de l'information, Karl Malenfant, qui avait fait le «pitch», donc qui avait présenté l'idée lors de la réunion.
L'idée a rapidement été approuvée par le C.A. de la SAAQ, puis les allègements ont été accordés par le gouvernement péquiste de Pauline Marois.
En 2015, le virage numérique était estimé à 200 millions $. Il coûtera au bas mot 1,1 milliard $ d'ici 2027, selon le Vérificateur général du Québec. Les travaux de la commission se poursuivront jeudi.

