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Chalk River: le Bloc, appuyé par 70 personnes, ravive son appel à un moratoire

La missive réclame aussi une interdiction par Ottawa de «toutes les importations de déchets radioactifs provenant de l'étranger».

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bfae3a2221f79154a45788f21f93ec55bda2c50026b9f5cb59504636afbc80ae.jpg Le chef de la Première Nation de Kebaowek, Lance Haymond, prenant la parole au cours d'une discussion sous forme de panel, le 26 mai dernier, à Montréal, au sujet du projet de dépotoir nucléaire de Chalk River. LA PRESSE CANADIENNE/Graham Hughes (Graham Hughes/Graham Hughes / La Presse Canadienne)

Le Bloc québécois ravive son appel à ce que tout transfert de déchets radioactifs à Chalk River cesse, fort de l’appui de plus de 80 individus et représentants de diverses organisations qui se rangent derrière cette demande. 

«Nous demandons au gouvernement fédéral d’imposer un moratoire sur le transfert des déchets radioactifs canadiens à Chalk River en raison du risque croissant de contamination radioactive et de l’absence d’une procédure régulière acceptable», peut-on lire dans une déclaration commune qui a été présentée mardi.

Le Bloc a tenu un point de presse avec plusieurs des signataires, dont le chef de la Première Nation de Kebaowek, Lance Haymond, et la physicienne à la retraite Ginette Charbonneau, qui est membre du Ralliement contre la pollution radioactive. Le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Francis Verreault-Paul et le directeur général de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, Yvon Barrière, font aussi partie des signataires.

Le porte-parole bloquiste en matière d’Environnement, Patrick Bonin, estime que le fait que son parti reçoive l’appui de quelque 80 personnes «démontre à quel point la décision du gouvernement est inacceptable parce qu’il met en danger la santé de la population».

«Il y a une mobilisation actuellement qui est en train de se passer parce que les gens commencent à comprendre l’ampleur de ce que le gouvernement fédéral est en train de déployer et le niveau d’irresponsabilité totale avec probablement le pire endroit qu’il aurait pu choisir (...) pour entreposer des déchets nucléaires. Et ce n’est que le début», a-t-il dit en entrevue.

Le site de Chalk River est situé à moins d’un kilomètre de la rivière des Outaouais, à la jonction entre le Québec et l’Ontario. Les territoires traditionnels des communautés anichinabées de Kebaowek et de Kitigan Zibi entourent la rivière des Outaouais, aussi bien au Québec qu’en Ontario.

«Un simple et unique conteneur endommagé pourrait laisser s’échapper des matériaux capables de contaminer le sol, l’air, l’eau et les chaînes alimentaires pour des générations. C’est le risque que les gouvernements acceptent au nom du public sans que celui-ci n’ait donné son consentement» a soutenu le chef Haymond en point de presse.

La déclaration dévoilée mardi réclame, en plus du moratoire, une interdiction par Ottawa de «toutes les importations de déchets radioactifs provenant de l’étranger, y compris les sources médicales désaffectées, les sources lumineuses au tritium périmées, ou du combustible nucléaire irradié».

«Il faudrait une loi là-dessus», a dit Ginette Charbonneau. Questionné sur la possibilité que le Bloc dépose un projet de loi à ce chapitre, M. Bonin a répondu que la formation politique «considère que c’est au gouvernement d’agir».

«Il a déjà trop tardé à ce niveau-là. S’il y a des obligations d’avoir des outils législatifs, réglementaires ou autres, on s’attend à ce que le gouvernement prenne la situation avec le sérieux qu’elle commande et donc qu’il agisse en conséquence.»

Le Bloc et les 80 signataires réclament également la tenue d’une «évaluation stratégique du transport des déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité sur les routes publiques». Les résultats de cette étude, qui serait faite en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact, «alimenteraient toute évaluation de projet relative à une installation nucléaire», fait-on valoir.

Le bureau de la ministre fédérale de l’Environnement, Julie Dabrusin, a refusé mardi de répondre aux questions de La Presse Canadienne. Une porte-parole a mis près de six heures à suggérer que l’équipe du ministre des Ressources naturelles, Tim Hogdson, était en fait plus en mesure de fournir une réponse.

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Les nouvelles demandes du Bloc sont motivées par des révélations faites cet automne.

Le Bureau d’enquête du «Journal de Montréal» a rapporté que le promoteur, Laboratoires nucléaires canadiens (LNC), a reçu dans la dernière année 62,8 tonnes d’uranium irradié de la centrale nucléaire Gentilly-1 de Bécancour. Cette matière à haut risque a été entreposée dans une dizaine de silos en béton armé situés en pleine forêt, en bordure de la rivière des Outaouais, a précisé le «Journal de Montréal».

Ainsi, le but de l’étude l’évaluation stratégique réclamée «serait d’examiner, par exemple, l’impact cumulatif à Chalk River et de fournir un cadre pour les prochaines évaluations environnementales des futurs projets de démantèlement des centrales et des réacteurs nucléaires», est-il écrit dans la déclaration aussi signée par le maire de Prévost, Paul Germain, la mairesse de Verdun, Céline-Audrey Beauregard, ainsi que le militant écologiste et metteur en scène Dominic Champagne.

En février dernier, la Cour fédérale a statué que la Nation Kebaowek n’a pas été suffisamment consultée avant l’approbation du choix du site d’enfouissement de déchets nucléaires de Chalk River.

Le tribunal a ordonné aux LNC de reprendre «les consultations avec Kebaowek de manière à favoriser la réconciliation et à respecter les principes énoncés dans la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA)».

Les LNC se sont ensuite tournés vers la Cour d’appel pour contester cette décision. La DNUDPA «n’est ni une entente avec les Premières Nations ni une loi constitutionnelle», a fait valoir l’avocat Thomas Isaac.

Il a plaidé que la DNUDPA est plutôt un «document aspirationnel» qui n’a aucune force légale au Canada.

La Première Nation de Kebaowek soutient, de son côté, que «le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause», tel qu’écrit dans la DNUDPA, est nécessaire avant d’entreprendre un projet comme celui de Chalk River.

Les avocats de la communauté autochtone sont d’avis que l’omission de tenir compte de la DNUDPA constitue un «vice de forme irréversible». 

Les LNC sont gérés par un consortium de trois entreprises américaines, soit BWXT Government Group, Amentum Environment & Energy et Battelle Memorial Institute, et une seule entreprise canadienne, Kinectrics.

Ce consortium a obtenu l’autorisation, en janvier 2024, de créer le site d’enfouissement de déchets radioactifs de Chalk River.

- Avec des informations de Stéphane Blais, à Montréal

Émilie Bergeron

Émilie Bergeron

Journaliste