Le gouvernement fédéral de Mark Carney veut continuer de présenter ses budgets à l'automne et change donc le calendrier budgétaire en conséquence.
«On met les pendules à l'heure et ça, ça nous a été demandé depuis longtemps», a dit lundi le ministre des Finances, François-Philippe Champagne, aux journalistes qui avaient été conviés dans le foyer de la Chambre des communes.
Le dépôt du budget 2025 aurait dû survenir au printemps passé conformément à la façon de faire qui prévalait jusqu'à présent. Les libéraux de M. Carney, fraîchement élus, avaient justifié cette décision en mentionnant la récente campagne électorale et le fait qu'ils venaient d'arriver en poste sous une nouvelle gouverne, de même que l'incertitude économique créée par la guerre tarifaire déclenchée par l'administration américaine de Donald Trump.
Aujourd'hui, les libéraux mettent de l'avant de nouveaux arguments alors qu'ils pérennisent à chaque année le dépôt du budget à l'automne.
M. Champagne a soutenu que cela permettra un meilleur alignement avec la saison de la construction ainsi que le besoin de construire plus de logements et infrastructures.
«Il y a déjà eu des budgets en mars, en avril, en mai. Il y a même eu des budgets en juin, a-t-il énuméré. Alors, c'est sûr que si vous arrivez avec un budget en juin qui est après des budgets provinciaux et là, qu'on doit commencer la construction, vous comprenez que, pour les constructeurs (et) les entrepreneurs, on vient de manquer une saison de construction.»
Le ministre a aussi fait valoir que cela donnera plus de «clarté» aux parlementaires pour surveiller les dépenses et investissements du gouvernement. Le ministère des Finances a précisé que le nouveau cycle permettra à un autre document examiné par les parlementaires et déposé au plus tard en mars, appelé le «budget principal des dépenses», d'inclure «un plus grand nombre de mesures budgétaires» puisqu'il sera systématiquement présenté après.
Ottawa répond ainsi à des critiques notamment exprimées par un ancien directeur parlementaire du budget, Jean-Denis Fréchette, et le comité parlementaire des opérations gouvernementales, qui, en 2019, dénonçait que les informations ne concordaient pas entre les deux documents que les députés doivent passer en revue.
M. Champagne a aussi relevé que c'est «plutôt la norme» au sein des pays du G7 de présenter un budget à l'automne, peu de temps après que les hauts fonctionnaires de son gouvernement eurent cité en exemple le Royaume-Uni.
Le cas du Royaume-Uni est aussi évoqué pour expliquer une autre nouveauté qui survient sans surprise: celle de présenter, dès le prochain budget, une distinction entre ce que le gouvernement Carney appelle des «dépenses opérationnelles» ou «dépenses de fonctionnement courantes» et «les investissements en capital».
Cette distinction est faite parce que les libéraux ont fait campagne en promettant de réduire les dépenses de la première catégorie, mais d'«investir plus», c'est donc dire d'augmenter la cagnotte de la seconde catégorie dans le but de créer de la croissance.
De premiers détails sur la catégorisation des dépenses
Le budget 2025, qui sera présenté le 4 novembre, sera le premier document budgétaire à exposer comment sera faite exactement cette catégorisation nécessaire pour ensuite choisir où couper.
M. Champagne a reçu des propositions de ses collègues du cabinet afin de trouver des économies de 15 % d’ici 2028-2029 dans les coûts de programmes des différents ministères.
Il manquait encore des détails, lundi, pour comprendre exactement dans laquelle des deux catégories tombera chaque enveloppe de fonds fédéraux, mais Ottawa a fourni de premières indications dans un document d'information.
Ainsi, les «transferts à d’autres ordres de gouvernement et à des organisations qui sont expressément destinés à être investis par le bénéficiaire dans des infrastructures ou des actifs productifs» ne seront pas visés par des coupes de dépenses, peut-on comprendre en lisant un passage du document.
Cela n'inclut pas les transferts provinciaux pour le financement des systèmes de santé, ont précisé les hauts fonctionnaires du ministère des Finances, qui seront considérés comme des «dépenses de fonctionnement courantes». Quoi qu'il en soit, le premier ministre Mark Carney a promis, en campagne, de ne faire aucune coupe sur ce front.
De même, les «mesures visant à accélérer l’offre de nouveaux logements» ne seront pas, non plus, considérées par le gouvernement pour faire des économies puisque, pour leur part, elles tombent dans la catégorie des «investissements en capital».
Questionné sur la catégorisation de nouvelles dépenses annoncées en matière de défense, le ministre Champagne a donné des précisions sur la façon de départager.
«Si vous investissez, par exemple, pour développer une nouvelle base militaire, c'est un investissement en capital. Comme on dit, ce n'est pas une question de salaire, c'est une question de capital. Si vous faites un investissement qui va permettre de bâtir des infrastructures, ça, c'est un investissement.»
M. Carney a annoncé en août une augmentation salariale pour le personnel des Forces armées canadiennes ainsi que des primes pour la rétention, ce qui représente des dépenses annuelles de 2 milliards $.
Même calcul pour le déficit
Malgré que le gouvernement exposera, dès le budget 2025, le détail de sa séparation entre les «investissements en capital» et les «dépenses opérationnelles», le calcul du déficit ne sera pas scindé. Cela vise à continuer de suivre les normes comptables.
Le directeur parlementaire du budget par intérim, Jason Jacques, prévoit que le gouvernement fédéral affichera un déficit de 68,5 milliards $ cette année, contre 51,7 milliards $ l'an dernier. Il s'inquiète aussi puisqu'il évalue que le ratio de la dette par rapport au produit intérieur brut, considéré comme un important point d'ancrage fiscal, ne devrait pas diminuer à moyen terme.
Durant un témoignage, lundi, de M. Champagne en comité, le député conservateur Pat Kelly l'a poussé à clarifier quand les libéraux souhaitent atteindre l'équilibre budgétaire. Le ministre n'a pas répondu, se contentant de répéter la promesse de M. Carney d'équilibrer non pas le budget, mais plutôt le «budget opérationnel» d'ici trois ans.
Cela a fait dire à M. Kelly que les libéraux «détournent l'attention des Canadiens» sur ce qui compte vraiment.
Quant au bloquiste Jean-Denis Garon, il continue de déplorer le report de la publication du budget 2025. «Ce que le ministre nous dit, c'est qu'il a fait les choses si mal qu'il a besoin de changer les règles», a-t-il dit en anglais à une question qui lui a été posée dans cette langue après le passage de M. Champagne en comité.
À son avis, sans la pression des députés de l'opposition, aucun budget ne serait même déposé cet automne.
Avec des informations de Craig Lord

