Le Canada ne se détournera pas des défis d'un monde de plus en plus complexe, a déclaré lundi la ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, devant l'Assemblée générale des Nations unies (ONU).
«Lorsque les institutions multilatérales sont menacées, le Canada ne se repliera pas sur lui-même», a souligné Mme Anand dans un discours alliant préoccupations humanitaires et sécuritaires à la volonté d'Ottawa d'attirer des investissements étrangers.
«Nous œuvrerons pour un monde où la prospérité est partagée, la sécurité collective et la paix durable. C'est l'engagement du Canada en cette période de défis et de changements géopolitiques.»
Mme Anand a également indiqué que le Canada souhaite contribuer à l'instauration d'une paix durable entre Israël et la Palestine.
«Nous soutenons les partenaires de la région qui poursuivent leurs efforts pour parvenir à un cessez-le-feu dans les meilleurs délais et pour contribuer aux processus politiques qui doivent suivre, a-t-elle déclaré. Le Canada participera à ces processus par tous les moyens possibles.»
Le discours de Mme Anand est intervenu juste avant l'annonce de l'accord entre le président américain, Donald Trump, et le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, sur un plan visant à mettre fin à la guerre entre Israël et le Hamas et à présenter l'accord au Hamas.
Priorités canadiennes
Dans une entrevue accordée à La Presse Canadienne après son discours, Mme Anand a mentionné que le Canada pourrait tenter de convaincre ses pairs de proposer un plan de paix.
«J'ai eu plusieurs conversations avec le secrétaire d'État Marco Rubio la semaine dernière au sujet du rôle que le Canada pourrait jouer dans le processus de paix, a-t-elle indiqué. Le secrétaire Rubio m'a expressément demandé de contribuer à rallier de plus en plus de pays.»
Les commentaires de Mme Anand surviennent une semaine après que le premier ministre Mark Carney a reconnu que certains souhaitent que le Canada fasse partie d'une force visant à sécuriser la bande de Gaza après la fin de la guerre entre Israël et le Hamas.
«Il existe de nombreuses propositions (…) émanant de divers États arabes, une combinaison d'États arabes et d'États européens, auxquelles le Canada ferait parti si elles se concrétisaient, visant le déploiement de forces multinationales en Palestine pour imposer la paix», a déclaré M. Carney le 22 septembre.
Mme Anand a pris la parole à l'ONU au nom du Canada, au lieu de M. Carney, qui devait initialement prendre la parole à la tribune de marbre vert quelques jours plus tôt. M. Carney figurait sur la liste provisoire de juillet, mais a été retiré par la suite.
Des responsables fédéraux ont expliqué aux journalistes ce mois-ci que cela était dû au fait que Mark Carney avait prévu des événements à New York au début de la semaine annuelle de haut niveau, ce qui l'aurait obligé à quitter New York, puis à y retourner pour prononcer le discours du Canada.
Dans son discours, Mme Anand a déclaré qu'Ottawa avait trois priorités en matière de politique étrangère : la première est le renforcement de la défense par l'intermédiaire du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD) et de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN).
La deuxième priorité est la résilience économique, grâce à la diversification des chaînes d'approvisionnement et à l'attrait du Canada pour les capitaux internationaux.
Elle a indiqué que les accords commerciaux signés par le Canada ces dernières années – tant au sein de blocs multinationaux que directement avec des pays comme l'Indonésie – visent à consolider un système commercial mondial fondé sur des règles, qui est menacé.
Anita Anand n'a pas cité Washington ou Pékin comme ayant joué un rôle dans l'érosion de ces systèmes.
«Il ne s'agit pas seulement d'accords commerciaux. Ce sont des ponts de résilience, des moteurs de prospérité et des engagements envers un système fondé sur des règles qui profite à tous grâce au multilatéralisme», a-t-elle déclaré.
La troisième priorité consiste à équilibrer les autres priorités avec les valeurs fondamentales que sont les droits de la personne, l'égalité des sexes, la protection de l'environnement et les droits des peuples autochtones, notamment dans l'Arctique.
«Nous sommes confrontés à une nouvelle réalité : montée de l'unilatéralisme et du protectionnisme, affaiblissement des institutions multilatérales et de l'État de droit, fondement même de l'ordre d'après-guerre, a-t-elle souligné. Face à ces dures réalités, le repli sur soi n'est pas envisageable. Le Canada ne se repliera pas sur lui-même.»
La ministre Anand a défendu les accords internationaux, notamment la Convention de 1951 sur les réfugiés, que Washington souhaite réformer afin d'imposer des règles beaucoup plus restrictives concernant les demandeurs d'asile.
Elle a également mentionné le Traité d'Ottawa, qui a interdit les mines terrestres dans la plupart des pays, mais dont plusieurs pays européens limitrophes de la Russie cherchent désormais à se retirer, craignant que Moscou ne cherche à s'emparer d'un territoire plus vaste.
Soutien à l'Ukraine
Son discours intervient à un moment où l'ONU est confrontée à d'importantes réductions budgétaires, en grande partie en raison du retrait du soutien financier des États-Unis, alors même que les pays en développement réclament une plus grande influence sur les agences dominées par les puissances occidentales.
«Le Canada s'efforcera de réformer et de renforcer les institutions multilatérales, comme les Nations unies, afin qu'elles soient plus résilientes et plus efficaces pour relever les défis d'aujourd'hui et de demain», a affirmé Mme Anand.
Elle a ajouté que cela nécessite de montrer aux citoyens des résultats que les institutions internationales peuvent produire.
Dans l'entrevue qui a suivi son discours, Mme Anand a déclaré que ses commentaires sur la Convention relative au statut des réfugiés avaient été rédigés avant que les États-Unis ne commencent publiquement à faire pression pour une refonte des règles mondiales en matière d'asile.
«Nous ne renonçons pas au multilatéralisme. Loin de là, nous redoublons d'efforts», a-t-elle dit.
«Notre priorité est de veiller à collaborer avec des coalitions de pays, des pays où nous pouvons contribuer à la paix, à la résolution des conflits, à l'importance de nos valeurs fondamentales, à notre défense et à notre sécurité, ou à notre résilience économique», a-t-elle ajouté, abordant les trois thèmes de son discours.
Elle a précisé que cela inclut une collaboration avec Marco Rubio sur des préoccupations communes, telles que la fin de la crise des gangs en Haïti, l'instauration d'une paix durable en Ukraine et l'absence de rôle du Hamas dans la gouvernance future de la Palestine.
Mme Anand a également mentionné dans son discours que le Canada demeurait déterminé à soutenir l'Ukraine contre l'invasion russe à grande échelle, affirmant que cela reflétait les idées fondamentales de la Charte des Nations unies.
«L'Ukraine ne reculera pas, et ses amis, y compris le Canada, ne reculeront pas», a-t-elle affirmé.
«Nous ne défendons pas seulement une nation, nous défendons les principes fondamentaux de souveraineté, de dignité et de paix», a-t-elle ajouté en français.
Mme Anand a également rendu hommage à l'ambassadeur sortant auprès des Nations unies, Bob Rae, «qui a consacré sa vie à servir notre pays avec dévouement et a contribué à bâtir ces institutions multilatérales», déclenchant des applaudissements dans l'hémicycle.
M. Rae quittera ses fonctions à la mi-novembre après cinq ans à ce poste. Il est remplacé par l'ancien ministre de la Justice, David Lametti, qui occupait jusqu'à récemment le poste de secrétaire principal de M. Carney.
