La réconciliation n'est pas passée au second plan alors que le Canada tente d'accélérer le développement de grands projets, a affirmé la gouverneure générale Mary Simon lors d'une entrevue accordée juste avant la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.
Mme Simon a expliqué à La Presse Canadienne qu'elle constate un engagement ferme à garantir la participation des peuples autochtones à l'évolution du processus des grands projets.
«Nous avons également besoin d'une économie pour les peuples autochtones, a-t-elle dit. On ne peut prospérer — et survivre — sans une base économique.»
La loi sur les grands projets, adoptée en juin, a été largement condamnée par les dirigeants autochtones, qui craignaient qu'elle ne respecte pas leur droit au consentement libre, préalable et éclairé.
Le projet de loi permet au gouvernement fédéral de contourner les lois existantes et de sélectionner des projets dont le développement sera accéléré avec l'approbation du Cabinet. Aucun projet dirigé par des Autochtones n'a été retenu pour la première série de recommandations au nouveau Bureau des grands projets.
Mme Simon a indiqué que l'augmentation du développement au pays et l'élimination des barrières commerciales interprovinciales ont fait l'objet de nombreuses discussions ces derniers mois, ce qui, selon elle, est un signe que le pays se rassemble avec la réconciliation comme priorité.
«Il existe un engagement à veiller à ce que les peuples autochtones collaborent avec le gouvernement, les promoteurs et les entreprises afin d'établir des partenariats et d'offrir de meilleurs emplois» plutôt que des emplois que Mme Simon qualifie de «subalternes».
«Ce débat évolue, car l'éducation influence de plus en plus la jeune génération. Les gens vont de plus en plus à l'école, alors qu'après la question des pensionnats, les gens n'aimaient plus aller à l'école.»
Près de 6000 enfants morts dans les pensionnats
L'ère des pensionnats autochtones désigne une période comprise entre 1857 et 1996, durant laquelle 150 000 enfants autochtones ont été contraints de fréquenter des écoles gérées par l'Église et financées par le gouvernement. On leur interdisait de parler leur langue dans des établissements souvent en proie à des abus, situés loin de leurs familles et de leurs communautés.
On estime que 6000 enfants sont morts alors qu'ils fréquentaient ces pensionnats, bien que les experts estiment que le nombre réel pourrait être bien plus élevé.
Le 30 septembre, connu sous le nom de Journée du chandail orange ou Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, vise à honorer les survivants et ceux qui ne sont jamais rentrés chez eux.
Jusqu'en 1961, les membres des Premières Nations perdaient automatiquement leur statut s'ils s'inscrivaient à l'université. La perte de leur statut signifiait la perte de leurs droits en tant que membres des Premières Nations.
Les données de Statistique Canada indiquent que 8400 membres des Premières Nations, 6600 Métis et 250 Inuits ont obtenu un diplôme d'études postsecondaires en 2022, des chiffres largement conformes à la première étude accessible de 2014.
Statistique Canada estime la taille de l'économie autochtone à 56,1 milliards $ en 2021, soit environ 2,4 % du revenu intérieur brut du Canada. Le revenu intérieur brut des Autochtones a augmenté à un rythme plus rapide que l'économie nationale.
«Le débat évolue, pourvu que l'engagement (en faveur de la réconciliation) soit présent, a indiqué Mme Simon. En fin de compte, nous sommes tous gagnants. Nous devons vivre côte à côte. Nous devons nous entendre. Et l'inclusion n'isole pas les gens, elle les rassemble.»
Mais la partie précédant la réconciliation — la vérité — pourrait constituer un obstacle plus important pour le pays. Mme Simon affirme que les Canadiens demeurent largement ignorants de l'héritage colonial du pays en raison d'un manque d'éducation sur le sujet.
«Les Canadiens ne savaient vraiment pas ce qui se passait en coulisses», a déclaré Mme Simon, reconnaissant qu'une prise de conscience s'est progressivement accrue au cours des trois dernières décennies, les survivants des pensionnats autochtones ayant commencé à partager publiquement leurs histoires.
«Le problème que je rencontre encore, c'est que nous n'avons pas de programme d'études unifié pour l'histoire du pays. Car si nous pouvons enseigner à nos jeunes l'histoire de notre pays d'une manière qui raconte simplement les événements tels qu'ils se sont déroulés, sans jugement, parce que c'est une éducation, alors ils apprendront et seront plus empathiques», a-t-elle dit.
Mme Simon a marqué l'histoire en juillet 2021 lorsqu'elle a été nommée première gouverneure générale autochtone du Canada et première femme inuite à occuper ce poste.
Quatre ans plus tard, le gouvernement du premier ministre Mark Carney a également marqué l'histoire en nommant Mandy Gull-Masty, une femme crie, au poste de ministre des Services aux Autochtones.
«C'était réconfortant à voir, a dit Mme Simon. J'espère que des nominations comme celle de ministre aideront les femmes à voir les choses de manière plus positive et à montrer que nous pouvons être des chefs de file.»
Cette année, le roi Charles a également fait une reconnaissance territoriale historique dans son discours du Trône, au nom du gouvernement fédéral, après les élections.
Alors que le pays poursuit son chemin vers la réconciliation, Mme Simon a déclaré qu'il restait encore du travail à faire pour mettre en œuvre les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation, ainsi que le rapport du Bureau de l’interlocutrice spéciale indépendante pour les enfants disparus et les tombes et les sépultures anonymes en lien avec les pensionnats indiens.

