Le Parti libéral du Québec de Pablo Rodriguez est de retour à la case départ avec environ 20% d’appuis dans la population et seulement 11% des votes francophones, qui sont cruciaux pour faire des gains hors de l’île de Montréal.
Au-delà des rebondissements des dernières semaines, qui ont plombé le PLQ et l’image de Rodriguez, des raisons plus larges font en sorte qu’on peut difficilement croire à une remontée spectaculaire d’ici la prochaine élection.
L’enjeu structurel du PLQ
Quand bien même les histoires d’allégations de corruption et de manquement éthique n’auraient pas fait surface, je crois profondément que le Parti libéral n’aurait pas pu aspirer à prendre le pouvoir en 2026.
La raison est essentiellement structurelle: depuis plusieurs cycles électoraux, le PLQ s’est éloigné de l’électorat francophone.
J’illustrais dans une chronique précédente les différences dans le positionnement sur différents enjeux clés, dont la place accordée à la langue française, qui expliquent pourquoi le PLQ est déconnecté des francophones.
Quand l’intégrité devient un thème central
Le fait que les discussions dans les médias portent surtout sur l’intégrité et la corruption lorsqu’il est question du Parti libéral et de Pablo Rodriguez a aussi de quoi refroidir les troupes libérales.
Or, ce n’est pas particulièrement extraordinaire: il y a eu plusieurs épisodes en politique québécoise où le PLQ était mêlé à des histoires de corruption et d’abus de pouvoir confirmés ou allégués. Pensons simplement à l’époque de Jean Charest allant de 2003 à 2012.
À voir aussi: Crise au PLQ: Pablo Rodriguez «convaincu» qu’il sera premier ministre en 2026 malgré tout
Le temps passe vite, mais 2012, ce n’est pas si lointain…
Systématiquement, le thème de l’intégrité nuit au Parti libéral du Québec lorsqu’il devient saillant. Le tableau ci-bas illustre les votes rapportés lors des élections de 2012 et 2014 (encore une fois, ce n’est pas si lointain!) chez les personnes pour qui l’intégrité était l’enjeu principal. Lors de ces deux élections, il s’agissait d’environ 16% (en 2012) et 12% (en 2014) de l’électorat. Ces proportions peuvent sembler plutôt faibles, mais ces chiffres placent l’intégrité et la corruption dans le top 3 des priorités électorales et peuvent faire la différence.
| Choix électoral \ Élections | 2012 | 2014 |
|---|---|---|
| PLQ | 3,8% | 15,3% |
| PQ | 54,7% | 55,6% |
| CAQ | 38% | 21,2% |
| QS | 3,6% | 7,9% |
Note. Les données proviennent des Études électorales québécoises menées après les élections provinciales de 2012 et 2014.
Clairement, le tableau illustre que les électeurs qui font de la corruption une considération centrale fuient le PLQ comme la peste. En 2012, seulement 4% de ces électeurs appuyaient les libéraux alors que c’était 15% en 2014.
C’est le Parti québécois qui a bénéficié du thème de l’intégrité: l’électorat pour qui c’était la priorité votait à hauteur de 55% pour le PQ lors des deux élections.
Une histoire qui risque de s’étirer
Il n’est pas impossible que Pablo Rodriguez réussisse à mettre la crise derrière lui. Mais ce sera difficile de le faire à court terme pour plusieurs raisons.
Premièrement, il a exclu Marwah Rizqy, une leader libérale qui incarnait les meilleurs atouts du parti. Les gens vont vouloir connaître le fond de l’histoire, notamment concernant les «fautes morales» à la cheffe de cabinet congédiée.
Deuxièmement, le Parti libéral a mis en demeure le Journal de Montréal de Québecor, ce qui risque d’étirer les discussions portant sur les allégations de manquement d’éthique et de corruption.
Libéraux provinciaux, libéraux fédéraux: le même cœur battant
De plus, le Parti libéral du Canada se retrouve impliqué dans les histoires du Parti libéral du Québec de Pablo Rodriguez à travers son député Fayçal El-Khoury qui est sous la loupe du Directeur général des élections du Québec.
Ces liens ne sont pas étonnants: Pablo Rodriguez incarne en bonne partie l’ère libérale des gouvernements de Justin Trudeau.
Mais ce qui n’aide pas Rodriguez en ce moment, c’est que des révélations nous rappellent les dérives antidémocratiques et inéquitables du PLC lors du référendum de 1995, notamment dans l’octroi des citoyennetés, qui s’ajoutent au financement nébuleux du camp du NON.
Cette histoire risque également de s’étirer puisqu’un comité de la Chambre des communes a invité des acteurs clés de l’époque et cela ne présage rien de bon pour «marque libérale» en matière d’éthique.
Surtout que certains libéraux, dont l’ancien premier ministre Jean Chrétien, admettent candidement et de manière décomplexée, qu’ils ont triché et qu’ils recommenceraient sans gêne. Cela ne facilite pas la tâche aux leaders fédéralistes, dont Pablo Rodriguez, qui doivent se défendre en faisant face à plusieurs fronts sur le terrain de l’intégrité.
Pour recevoir toutes les chroniques de Jean-François Daoust, abonnez-vous à notre infolettre, Les débatteurs du samedi.

