Le gouvernement de François Legault, marqué par l’usure du pouvoir, tente de faire peau neuve avec un remaniement ministériel. On voit toutefois mal en quoi les changements annoncés vont régler les problèmes au cœur de la perte de crédibilité du gouvernement.
Est-ce seulement un exercice de communication?
Oui et non, mais dans ce cas-ci, on est porté à croire que oui.
D’emblée, ce n’est pas seulement un exercice de communication puisque, même si les électeurs ne connaissent pas particulièrement bien les ministres et ne vont pas juger leur performance respective, la couverture médiatique du gouvernement peut changer. Les chroniqueurs et les journalistes (cette chronique en est la preuve!) en parlent et l’impression générale de réussite ou d’échec se rend bel et bien aux électeurs.
De plus, le fait que certaines personnes changent de sièges peut brasser les cartes dans les dynamiques avec les principaux acteurs d’un milieu. Par exemple, les négociations avec le secteur public, dont la nouvelle ministre du Conseil du trésor, France-Élaine Duranceau, est désormais responsable, pourraient bénéficier d’un nouveau souffle.
Cet élément de nouveauté est évidemment un couteau à double tranchant, car il faut parfois rebâtir des ponts (souvent construits au fil du temps) entre les acteurs d’un milieu et le ou la ministre.
Le cœur économique du gouvernement intact
Un des problèmes majeurs de ce remaniement est qu’il laisse intact le cœur économique du gouvernement composé d’Eric Girard (ministre des Finances) et de Christine Fréchette (ministre de l’Économie, de l’Innovation et de Énergie).
C’est une occasion ratée pour au moins deux raisons.
Premièrement, la CAQ a perdu sa crédibilité en matière d’économie, qui avait pourtant été cruciale pour remporter les deux dernières élections.
Le ministre Girard est en poste aux Finances depuis 2018. Depuis le jour 1, il incarne, avec François Legault, le bilan économique de la CAQ. Aujourd’hui, il est intimement associé à l’échec économique caquiste: les déficits records, l’inflation désastreuse des dernières années et l’incapacité du gouvernement à maintenir sa crédibilité en matière d’économie.
Deuxièmement, Christine Fréchette ne peut incarner une vision économique cohérente avec le nationalisme que la CAQ a vendu aux Québécois en 2018. Son mandat comme ministre de l’Immigration (2022-2024) a été marqué par des hausses marquées de l’immigration (dont celle contrôlée par Québec), ce qui est incompatible avec l’idée «d’en prendre moins, mais en prendre soin» qui a été centrale à l’accession de François Legault au poste de premier ministre.
On ne peut pas dissocier l’approche de Fréchette en immigration de ses orientations économiques, car il y a trop d’implications importantes sous-jacentes, notamment en matière d’emploi.
Trop peu trop tard?
Tout est possible en politique, mais il serait très improbable que le remaniement améliore les choses de façon spectaculaire pour le gouvernement Legault.
Le fardeau est double pour le premier ministre et son équipe: au-delà des exercices de communication, il doit mettre de l’avant au moins quelques politiques clés et être crédible en la matière. Cela s’annonce très difficile.
Espérons, au minimum, qu’il y ait de meilleures transitions entre les équipes des ministres que ce qu’a connu le ministère des Transports dans le dossier SAAQclic.

