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L’économie canadienne a tout à gagner à réduire sa dépendance aux États-Unis et à renforcer son autonomie.
Le Canada est une économie ouverte, fortement intégrée à celle des États-Unis. Si cette relation apporte son lot d’avantages, elle nous expose aussi à des risques considérables comme on le constate aujourd’hui: fluctuations économiques américaines, dépendance aux décisions de Washington, et perte de contrôle sur des secteurs stratégiques.
Il est temps d’adopter une approche plus souveraine, en mettant en place des politiques audacieuses pour renforcer notre autonomie économique et stimuler nos entreprises locales. Voici huit propositions concrètes pour y parvenir.
Actuellement, les cotes de crédit des Canadiens sont entre les mains de deux entreprises américaines: Equifax et TransUnion. Ces entités privées détiennent des informations financières cruciales et influencent directement l’accès au financement pour des millions de citoyens. Confier un tel pouvoir à des entreprises étrangères constitue un risque stratégique. La création d’une société de la couronne canadienne pour gérer ces dossiers permettrait non seulement de mieux protéger la confidentialité des données, mais aussi de garantir une gestion plus transparente et adaptée aux réalités économiques du pays.
Jusqu’en 2005, les régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) et les caisses de retraite canadiennes devaient limiter leur exposition aux titres étrangers à 30 %. Cette limite a été abolie, entraînant une forte hausse des investissements à l’étranger, souvent au détriment des entreprises canadiennes. Restaurer une limite de 30 % encouragerait une réallocation du capital vers des sociétés locales, soutenant ainsi notre marché boursier, nos PME et l’innovation canadienne.
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Ces dernières années, plusieurs entreprises canadiennes de premier plan ont été rachetées par des intérêts étrangers, affaiblissant notre tissu économique et réduisant notre souveraineté dans des secteurs clés. Il est impératif de limiter ces acquisitions en instaurant un cadre réglementaire plus strict pour les industries stratégiques, comme l’énergie, les télécommunications et la haute technologie ET le secteur financier. Une politique similaire à celle des États-Unis, qui examine minutieusement les transactions impliquant des intérêts étrangers, protégerait nos entreprises et nos emplois.
Le Canada doit diversifier ses partenaires commerciaux pour réduire sa dépendance aux États-Unis. Nous avons déjà des accords avec l’Union européenne (AECG) et plusieurs pays de l’Asie-Pacifique (PTPGP), mais il est essentiel de les renforcer et de négocier de nouveaux traités. Élargir nos échanges avec ces marchés en pleine croissance offrirait aux PME canadiennes davantage d’opportunités pour exporter leurs produits et services.
Les nouvelles technologies sont la clé de l’économie du futur, et le Canada doit se positionner comme un leader dans ce domaine. Pourtant, il n’y a pas si longtemps BlackBerry et Nortel rayonnaient à l’international. Un programme de soutien massif, avec des crédits d’impôt renforcés, un accès facilité au financement et des partenariats public-privé, permettrait d’accélérer le développement de nos start-ups technologiques. L’objectif : éviter que nos jeunes pousses les plus prometteuses ne soient rachetées trop tôt par des géants américains.
La Banque de développement du Canada joue déjà un rôle essentiel dans le soutien aux PME, mais son impact pourrait être amplifié par des mesures plus dynamiques. Premièrement, il serait pertinent d’accroître son capital d’investissement afin d’offrir davantage de financements aux entreprises technologiques et manufacturières stratégiques. Deuxièmement, la BDC pourrait élargir son rôle en offrant des participations en capital plutôt que de se limiter aux prêts, permettant ainsi aux PME de croître sans alourdir leur endettement. Enfin, un programme de mentorat élargi, couplé à un accompagnement stratégique sur le long terme, assurerait que les entreprises financées bénéficient non seulement de fonds, mais aussi de l’expertise nécessaire pour maximiser leur succès.
Pour soutenir nos entreprises locales, surtout liées au tourisme, il faut stimuler la demande intérieure. Un crédit d’impôt pour les consommateurs qui achètent des produits et services fabriqués au Canada ou qui font affaire avec des PME locales pourrait être un levier puissant. Par exemple, un remboursement de 5 % sur les achats de biens canadiens (jusqu’à un certain montant) inciterait les citoyens à privilégier l’économie nationale plutôt que les importations bon marché et voyages à l’étranger.
L’un des plus grands défis du secteur manufacturier canadien est le vieillissement des infrastructures et la perte de compétitivité face aux marchés asiatiques. Un programme de modernisation industrielle, combinant des subventions pour l’automatisation, l’intelligence artificielle et la robotique, permettrait de redynamiser notre production locale. L’objectif serait de permettre aux PME manufacturières d’augmenter leur productivité et de réduire leurs coûts, rendant ainsi leurs produits plus compétitifs sur la scène internationale.
L’économie canadienne a tout à gagner à réduire sa dépendance aux États-Unis et à renforcer son autonomie. Ces huit propositions, en combinant protection stratégique, diversification commerciale et soutien aux entreprises locales, pourraient transformer notre paysage économique en faveur d’une prospérité durable. Il est temps pour les décideurs politiques d’oser des réformes ambitieuses pour bâtir un Canada plus résilient et innovant.
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