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Et ce qui se produit, une fois le point de rupture atteint? Débâcle et pétarade. Aux allures de guerre civile.
La scène avait, disons-le franchement, un fantastique côté jouissif. Une foule, soudée et solidaire, allait mettre fin au règne cannibale et sans partage du ICE.
À grands coups de «SHAME, SHAME, SHAME», les agents de la milice facho durent ainsi stopper leurs manœuvres d’arrestations arbitraires, et reculer lentement, en obtempérant aux injonctions citoyennes d’un quartier de San Diego.
Jumelés aux «SHAME!!» ambiants, les cris «Get the fuck out!!» sporadiques, mais limpides, eurent pour effet d’enjoindre les lopettes de se sauver à même leur minifourgonnette.
JOU-I-SSIF, disais-je.
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Reste que le défi, philosophique, subsiste: comment concilier le respect de l’État de droit et appuyer simultanément une démarche populaire refusant l’exercice du pouvoir policier? Le «monopole de la violence légitime»[1] n’est-il pas propriété de l’État, tel que défini par Weber dans Le savant et le politique? Sachant, bien entendu, que si le justiciable estime ses droits brimés, demeurera le contrôle judiciaire.
D’ordinaire, oui. Mais plus maintenant. L’époque des droits fondamentaux est, au pays de Donald, tristement révolue.
On sait les propos de Krisi Noem sur l’habeas corpus, lequel serait, selon la secrétaire d’État à la Sécurité intérieure, le «droit du président d’expulser quiconque du pays, et de révoquer toutes libertés publiques.» La réalité? Tout le contraire.
On sait aussi que nombreux sont ceux qui auront été justement déportés, à mauvais droit, notamment à même la prison de la mort salvadorienne — ou encore à Guantanamo.
On sait les violations aux ordonnances judiciaires, prétextant fallacieusement l’ignorance ou l’inadvertance.
On sait que le modus operandi du ICE est de débarquer sans mandat ni avertissement, déguisés et masqués jusqu’aux oreilles, sans identification aucune, garrochant l’un et l’autre dans le panier à salade et alimentant, il va sans dire, un climat de terreur déjà au paroxysme.
On sait leur arrestation d’une… juge.
On sait leur refus de reconnaître le droit du sol, pourtant protégé par le 14e amendement.
On sait les arrestations d’Américains autochtones.
On sait les arrestations, en pleine école, d’étudiants du High School.
On sait, enfin, leur propension à la méchanceté pure, menottant des mères de famille sous les yeux de leurs enfants, bébés, petits ou grands, avant de les conduire au large.
Illégal, donc.
Arbitraire, aussi.
Inconstitutionnel, définitivement.
Pointant son doigt d’honneur aux libertés publiques. Aux garanties en matière pénale. À presque 250 ans de droits fondamentaux. À la décence, à la morale et à l’empathie. À l’humanisme, socle de ce qui précède.
Sans surprise, donc, le peuple manifeste. S’oppose. Gueule des gros mots. Refuse l’indéfendable. Réclame, sciemment ou non, le retour de la règle de droit. Celle qui se veut, au final, le meilleur antidote face au stratosphérique gâchis.
Et ce qui se produit, une fois le point de rupture atteint? Débâcle et pétarade. Aux allures de guerre civile.
Faisant écho à leurs concitoyens de San Diego, une frange davantage nombreuse, quasi innombrable, devait joindre les rangs dissidents, à Los Angeles. De moins en moins pacifiques. De plus en plus frustrés. Violents. À grands coups de cailloux en pleines vitres de blindés.
Flairant l’odeur du sang, Donald en profite afin de galvaniser le chaos ambiant, dépêchant sur les lieux 2000 militaires de la Garde nationale en sol démocrate.
— Arrêtez tous ces gens masqués !!, de tonner Trump.
— Qui ça, boss ? Les civils, ou les macaques du ICE?
— Les macaques du ICE, imbécile!
—Ok boss!
Le tout malgré le refus d’une intervention militaire, exprimé noir sur blanc par Gavin Newsom, Gouverneur californien. Et la dernière fois qu’un président aura envoyé l’armée dans des circonstances de refus du genre? 1965.
L’insulte à l’injure? Que le locataire de la Maison-Blanche affirme qu’il «serait super!» d’arrêter le gouverneur démocrate.
La réplique de Newsom? «Le président des États-Unis vient d’appeler à l’arrestation d’un gouverneur en exercice. C’est un pas incontestable vers l’autoritarisme.»
Un euphémisme, certes.
Et une imbattable invitation à la guerre civile.
[1] Le concept se traduit, en Allemand, par Gewaltmonopol des Staates. Idéal pour impressionner, lors de votre prochain 5@7. Bienvenue.
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