Si tu vis au Québec, et à moins d’habiter un tunnel qui ne te permette aucun accès au monde civilisé, tu as vu et surtout entendu ad nauseam la publicité de la quincaillerie Rona, Mike chez Rona.
La boîte – l'agence Sid Lee – derrière la pub a eu la brillante idée de reprendre la mélodie du succès de 1979 du groupe The Knack, My Sharona. Un ver d’oreille redevenu un ver d’oreille à la puissance exponentielle infinie.
Depuis quelques semaines, il n’y en a que pour ce faux Mike, employé chez Rona, qui connaît son job su' l’bout de ses doigts, de ses outils et de sa machine à brasser les couleurs de peinture. C’est tellement devenu populaire que la légende veut que les vrais et vrais employés-es de la chaîne de quincaillerie ont ajouté le prénom à la mode sur leur rectangle d’identification.
Je n’ose même pas imaginer à quel point ça doit prendre une patience trempée dans le ciment à brique pour endurer toutes les bonnes et moins bonnes blagues des clients en lien avec Mike. De quoi avoir envie de se frapper la tête sur un deux par quatre. À l’extrême, de se driller un tympan.
Mais c’est la rançon de la gloire. L’effet d’un succès parfait tiré d’un concept de pub parfait. Tout à coup, on a tous envie d’aller acheter ce dont on a besoin pour la niche de Pistache, notre berger allemand, chez Rona. Plus aucune autre quincaillerie ne leur arrive à la cheville.
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Tu me diras que c’est le but d’une publicité. Faire en sorte, qu’en tant que consommateur, ce soit là qu’on doive absolument aller. Que c’est le must des musts. Quitte à se créer de nouveaux besoins. Je sais bien.
Une fois de temps en temps, le monde de la pub nous offre une petite perle qui nous rassemble et nous amuse et qui crée un mouvement de masse. La discussion ultime de la machine à café au bureau. La blague universelle de mononcle autour du BBQ du dimanche.
Les plus cyniques diront que ça reste du marketing qui vise à nous faire plonger la main avec enthousiasme dans notre bas de laine pour dépenser. C’est vrai. Mais je suis un adulte en pleine possession de mes moyens et à qui il reste deux, trois neurones pour réfléchir. Je peux me contrôler et ne pas me construire quatre patios neufs derrière ma maison parce que Mike chez Rona me fait rire.
Et tant qu’à y être, repensons donc à quelques petits bijoux qui ont marqué notre imaginaire collectif au cours des dernières décennies. On n’a qu’à penser à Benoit Brière et sa maman de Bell qui nous a fait rire pendant des années. Sylvain Marcel et son «Ah, ha! Familiprix». De mémoire, ça l’avait mis sur la mappemonde du show business.
Madonna et Depeche Mode avaient vu leurs vieux succès Holiday et I just can’t get enough reprendre le pôle position des palmarès partout dans le monde parce qu’on les entendait dans les pubs de Gap au début des années 2000.
De nouvelles générations de jeunes adultes découvraient ces chansons et se les appropriaient comme si elles venaient tout juste d’arriver sur les ondes musicales. Pendant des années, le seul endroit au monde où la liqueur brune Pepsi était numéro un, c’était ici au Québec. Pourquoi? À cause des pubs absurdes et drôles de Claude Meunier.
Bien sûr que ce sont des «réussites» éphémères. Que le succès est fulgurant et rapide. Que ça ne dure qu’un temps. Dans le monde de la pub, presque du jour au lendemain, on passe de «je capote dessus!» à «chus pu capable!»
Et généralement, plus ça monte vite, plus ça déboule aussi vite.
Mais ce n’est pas grave. Le temps que ça dure, on s’amuse et ça nous fait du bien. Et je trouve qu’en ces moments plutôt tristounets dans le monde en général, un Mike, ça allège le tout.
En terminant, quelqu’un peut me dire comment vont les ventes de My Sharona?
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