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Voilà maintenant quelques jours que l’indéfendable est arrivé. Des enfants ont été tués dans leur école. Même en écrivant ces lignes, je ne peux pas ou ne veux pas l’imaginer complètement. C’est tout simplement impensable.
Hier, j’étais dans l’école de mes enfants, cette vieille école de quartier qui abrite en ces murs l’érudition de petites têtes depuis 100 ans. La porte originelle est encore là, je l’ai poussée pour apporter à la classe de mon fils quelques gâteaux et des fruits pour le repas commun de fin d’année. En l’attendant dans le couloir du secrétariat, je regardais les photos qu’affichent fièrement les murs des cohortes passées. Bien sûr, elles n’y figurent pas toutes, les murs manqueraient pour afficher toutes les petites bouilles qui ont marqué les années. Mais tout de même, ils sont assez nombreux pour rappeler à qui appartiennent les écoles.
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À eux. Eux qui font le microcosme si précieux de ces couloirs. Les histoires, les larmes, les amourettes de l’enfance. Tout le quotidien marqué de cahiers neufs qui se noircissent du temps qui passe. Les tableaux et les craies et les lunchs et les berlingots de lait. Toute cette vie qui grouille et qui fait de l’école primaire un sanctuaire. Qui est pour moi sacré.
Il est sacré parce que je suis une mère et qu’après moi, la relève est prise entre ces murs. C’est à l’école que l’on confie nos petits quand ils quittent pour la première fois le nid. C’est là qu’ils font leurs premiers pas, avec leurs sacs à dos aux genoux, vers ce monde dur dans lequel on les fera grandir. Je sais que les mères essuient leurs larmes quand vient le temps d’entendre le prénom de leur enfant pour qu’il rejoigne les rangs de la maternelle et je sais aussi comme nous avons besoin que cette même école soit un endroit aussi sécuritaire que nos utérus.
C’est pourquoi il est complètement inimaginable que la barbarie perdure à ce point chez nos voisins du sud. Que la société n’ait pas cessé de tourner à la première fusillade dans une école me démontre que ce monde n’est pas le mien. Il n’est pas à moi, il n’est pas aux mères, il n’est à personne qui a mis au monde un enfant. Il a été dérobé et n’appartient à rien qui comprend dans sa chair le miracle de la vie. Personne.
J’ai vu le président des États-Unis cette semaine à l’émission de Jimmy Kimmel, je l’ai entendu expliquer pourquoi il ne présidera pas par décret sur la question des armes et s’en remet à la population pour tout simplement faire agir la démocratie contre les Républicains qui ne veulent pas de lois plus strictes sur la circulation des armes.
Cela veut dire que même lui, qui a pourtant perdu des enfants, l’homme qui est soi-disant le plus puissant de la terre ne comprend pas. Que la Terre continue à tourner, que le pays fonctionne, que le studio soit bien en place prêt à enregistrer les mots du président, que rien ne se paralyse prouve bien que personne ne comprend.
On peut continuer à faire nos démocraties sur le dos d’enfants morts, comme s’il n’y avait pas urgence. Comme si cette barbarie ne valait pas les plus grandes mesures spéciales. Comme si la force n’était pas nécessaire à cesser cette forme si perverse et dérangée de leur identité psychotique. Comme s’il n’était pas temps de tout arrêter pour changer le second amendement, quitte à déchirer un pays, les enfants valent que l’on déplace ces montagnes.
Mais non, continuons plutôt d’être cupides et paresseux. Ça ne sera pas la première société qui le fait.